Ce n'est pas ceux qui font connaître la vérité qu'il faut mettre en examen, mais le système qu'il faut changer
Deux réactions à la mise en examen par la justice luxembourgeoise pour vol domestique, violation du secret professionnel, violation de secrets d’affaires, blanchiment et accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, du journaliste d'investigation Edouard Perrin, premier journaliste à avoir révélé dès 2012 les dessous de ce qui allait devenir le scandale Luxleaks.
Pour Eva Joly, Vice-présidente de la Commission Spéciale TAXE créée pour faire la lumière sur le Luxleaks :
« La mise en examen d'un journaliste d'investigation est un coup très dur porté à notre vie démocratique. Elle révèle la brutalité d'un système mis à mal par des révélations successives. Tous les moyens semblent bons pour essayer de ralentir la marche que nous sommes nombreux à mener pour plus d'information, de transparence et de justice. Aujourd'hui, l'urgence devrait être d'ouvrir et d'aller au bout d'enquêtes sur tous ces montages fiscaux dont l'existence est surtout permise par les trop faibles moyens de la justice et des administrations fiscales.
Sur le plan politique, cette mise en examen nous rappelle à une double obligation. Tout d'abord mettre en place une protection suffisante pour les lanceurs d'alerte et pour la presse face aux pressions de l'argent. Dans cet esprit, je souhaite qu'Antoine Deltour comme Edouard Perrin soient invités par la commission spéciale TAXE pour faire entendre leurs voix. Ensuite, il est temps de mettre fin aux hésitations et aux blocages qui font que 6 mois après le scandale Luxleaks, la Commission Spéciale du Parlement Européen s'enlise en même temps que la Commission Européenne s'endort sur ses promesses. »
Pour Michèle Rivasi, rapporteur pour la commission ITRE du Parlement Européen sur le secret des affaires :
« L’inculpation d’un journaliste ayant participé à la révélation du scandale Luxleaks est inquiétante pour la liberté de la presse. Actuellement, le Parlement européen débat justement de la définition des secrets d’affaires et des exemptions éventuelles permettant leur utilisation et leur divulgation de manière licite. Rapporteur du projet de directive en Commission Industrie, j’ai pu empêcher que les lanceurs d’alerte soient obligés de devoir divulguer des secrets d’affaires aux seules autorités compétentes. On le voit bien actuellement, les autorités compétentes légitiment l’optimisation fiscale et protègent les rescrits fiscaux qui échappent pourtant de manière illégitime et probablement pour partie illégale à l’impôt. Si les lanceurs d’alerte ne peuvent divulguer les secrets d’affaires aux journalistes, les administrations seront bien souvent tentées d’étouffer de telles fuites à cause d'éventuels conflits ou liens d'intérêts en leur sein. La presse est le quatrième pouvoir, un véritable pilier de nos démocraties. En aucun cas les journalistes ne devraient pouvoir se sentir intimidés et s'autocensurer de peur d'être poursuivis: il faut protéger les sources autant que les journalistes eux-mêmes. »
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