Par Richard Woolnough, gérant du fonds M&G Optimal Income.
Voilà un moment que nous n’avions pas évoqué la monnaie unique. Pourtant, alors que la Grèce va devoir prendre des décisions difficiles, la pertinence de l’euro pour tous les pays qui l’ont adoptée est aujourd’hui au centre des préoccupations.
Nous avons pu tirer des leçons de la crise financière. Nous savons maintenant que les politiques budgétaire et monétaire fonctionnent, qu’une régulation appropriée bénéficie au secteur financier, que la confiance joue un rôle central, et surtout, que les taux de change sont importants.
Pendant la crise, les taux de change sont apparus comme un mécanisme économique clé pour les pays qui connaissaient les plus grandes difficultés. L’effondrement de la livre sterling en 2007 sur une base pondérée en fonction du commerce extérieur, la dépréciation du dollar entre 2009 et 2011, celle du yen depuis 2013 et plus récemment de l’euro, reflètent ces ajustements. Comme nous l’avions déjà évoqué en 2010, les garde-fous des devises se trouvent au cœur de ces ajustements de change.
Ces fluctuations des taux de change externes, en réduisant le coût du travail afin de favoriser la reprise économique, suivent les enseignements de la théorie économique. Toutefois, ce mécanisme n’existe pas dans la zone euro en raison de l’union monétaire. Je trouve que les performances économiques nationales sont désormais plus dépendantes des taux de change, et cela est particulièrement vrai en Grèce.
Les trois principaux leviers macroéconomiques sont la politique budgétaire, la politique monétaire et le taux de change. La politique budgétaire, qui est toujours entre les mains des responsables politiques, peut être utilisée pour donner un véritable élan à l’économie nationale (bien que cela soit moins vrai en Europe). Avec des taux d’intérêt proches de zéro, la politique monétaire des principaux pays du G7 se caractérise par une très forte corrélation des taux d’intérêt à court terme. L’incapacité à baisser les taux d’intérêt a engendré une diminution de la flexibilité économique nationale, donnant aux taux de change un rôle qu’ils n’avaient jamais endossé jusqu’à présent.
Si cet ajustement fonctionne entre les principaux blocs économiques, ce n’est pas le cas au sein de la zone euro, où cette « main invisible » serait pourtant de la plus grande utilité. Cela signifie que la Grèce doit s’ajuster sans marge de manœuvre budgétaire et monétaire, et sans flexibilité au niveau de son taux de change.
La résolution des problèmes de la Grèce à travers des réformes structurelles prendrait au moins une génération compte tenu des contraintes du pays. Par conséquent, la solution à court terme consiste à renflouer la Grèce via des transferts budgétaires directs ou de façon plus durable en autorisant un défaut grec. Il est évident que l’une ou l’autre de ces actions sont difficiles à mettre en œuvre au vu du dilemme politique qu’elle occasionnerait dans de nombreux pays.
Si la Grèce a déjà connu des difficultés dans le passé, il est désormais de plus en plus urgent de trouver une solution compte tenu de la place de plus en plus grande des taux de change dans les leviers de la politique économique mentionnés plus haut et du contexte politique de la Grèce, dont le gouvernement semble prêt à prendre des mesures radicales face à cette grande crise. La capacité de la Grèce à répondre aux besoins de ses citoyens est amputée, à l’image de la célèbre statue de la Vénus de Milo. Si les responsables politiques reconnaissent le rôle du taux de change et de sa « main invisible », la solution du drachme flottant, ou « expulso » bien que douloureuse, pourrait bien être la meilleure option économique au vu de l’ampleur des difficultés de la Grèce.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir