Le point de vue du Conseil Interprofessionnel de la Bijouterie Horlogerie*
Au nom de la lutte contre le financement du terrorisme, Monsieur le Ministre Michel Sapin vient d’annoncer vouloir limiter à 1 000€ le montant des achats en espèces par les consommateurs français et à 10 000€ pour les non-résidents, autrement dit les touristes étrangers. Le plafond était jusqu'à présent fixé à 3 000€ pour les consommateurs français et à 15 000€ pour les non-résidents. Ces dispositions ressortent déjà d’une transposition extrêmement stricte de la directive 2005/CE de lutte contre le blanchiment, qui n’impose pas de seuil de paiement en espèces, mais un signalement aux autorités compétentes lorsque la transaction en espèces excède 15 000€.
Si nous comprenons la volonté du gouvernement de contrôler les paiements en espèces dans un souci de sécurité nationale, cela ne doit pas se faire au détriment du bon sens dans la situation économique actuelle.
Nous ne pouvons pas vouloir d’un côté développer l’attractivité touristique de nos commerces en favorisant les échanges dans un cadre déjà fortement réglementé et de l’autre côté, limiter nos capacités de ventes, et notamment dans le secteur de l’horlogerie-bijouterie où des dispositions de contrôles très contraignantes sont déjà en place et ont prouvé leur efficacité.
Notre secteur déjà soumis à une règlementation spécifique relevant du droit douanier sur le rachat d’or et sur le livre de police pour les articles en métaux précieux, respecte également le code monétaire et financier avec l’obligation de déclarations de soupçon (TRACFIN).
Il existe donc une traçabilité complète de l’achat, même lorsqu’il est effectué par le consommateur en espèces. Pour notre profession réglementée, diminuer le seuil de paiement en espèce n’apportera rien en matière de lutte contre le terrorisme, mais entrainera de façon certaine une perte de CA pour nos entreprises. Ces mesures n’existent pas dans la plupart des pays européens et les rares qui existent exigent des seuils de limitation largement au-delà des seuils français. Avec une telle mesure, bon nombre d’achats se feront à l’étranger, soit une perte sèche de recettes, notamment fiscales, pour l’Etat. Il est en outre prouvé que la contrefaçon finance le terrorisme et le crime organisé. Nous demandons que l’Etat renforce sa vigilance sur ces activités plutôt qu’envers nos professions qui ont pignon sur rue, font la renommée internationale de la France et sont déjà largement encadrées et contrôlées.
Enfin, si une telle mesure devait s’appliquer, ne serait-il pas logique qu’elle ne concerne que les secteurs sensibles pour la sécurité nationale et non l’ensemble des activités commerciales ? A plusieurs reprises, notre secteur a demandé le relèvement de ces plafonds afin qu’ils soient en adéquation avec la valeur de nos produits qui, rappelons-le, appartiennent à la grande famille du luxe et sont l’objet d’achats « coup de cœur » la plupart du temps pour des cadeaux.
L’achat en espèces est une tradition pour notre métier : Les bijoux et montres de plus de 1 000€ représentent plus de 40% des achats en valeur réalisés en France. Ce segment est donc fondamental pour la profession HBJO et pour les emplois induits dans le commerce et la fabrication.
En effet, la progression des rayons Montres et Bijoux à plus de 1 000€ s’est arrêtée en 2013 et 2014 alors qu’elle a continué de progresser fortement en Angleterre, en Suisse, en Belgique et en Allemagne, creusant l’écart avec la France. Supprimer un mode de paiement risque d'aggraver encore ce recul. Seule une partie des acheteurs se reporteront vers d'autres moyens de paiement. Les autres réduiront leurs montants d'achats, achèteront à l'étranger lors de leurs déplacements ou renonceront tout simplement à leur acte d’achat.
*Le Conseil interprofessionnel de la Bijouterie et de l’Horlogerie rassemble L’Union de la Bijouterie et de l’Horlogerie (UBH) ; La Chambre syndicale nationale BOCI ; La Fédération de l’Horlogerie (FH) ; La Chambre Française de l’Horlogerie et des Microtechniques (CFHM) ; L’Union nationale de la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, Pierres et Perles ; La Fédération nationale artisanale des métiers d'art et de création (FNAMAC.)
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