Inutile de chercher, le retournement de conjoncture, auquel on assiste depuis quelques semaines, n’a strictement rien à voir avec « l’esprit du 7 janvier 2015 ».
Non, «l’esprit Charlie Hebdo» ne peut pas tout et la magie n’a pas pris le relais de l’élan de solidarité et d’union nationale, qui a fait suite aux attentats de janvier dernier. Si les économies européennes reviennent à une situation plus normale, elles le doivent à la chute des prix du pétrole, la baisse de l’euro contre dollar et la poursuite d’une baisse des rendements sur les marchés de taux. Il aura fallu plus d’un semestre pour que les ingrédients de la reprise soient intégrés par les différents agents économiques. Surtout, l’opération de grande envergure annoncée par Mario Draghi a brisé les dernières résistances.
Si l’on prend soin d’ajouter à ces « ingrédients » deux facteurs plus techniques, qui sont la mise en place de Solvency II dans quelques mois, et le fait que le rendement des fonds en euros atteint des niveaux très faibles, poussant sans doute les assureurs à accroître leur exposition aux actifs risqués, le mouvement de hausse des marchés initié en Europe en janvier devrait pouvoir nous emmener plus loin.
Etats-Unis : Ne pas risquer étouffer la croissance en intervenant sur les taux directeurs.
Janet Yellen continue de chercher un point d’équilibre entre les membres votants du FOMC et les investisseurs pour préserver les marchés et maintenir une conjoncture porteuse. La bonne tenue des marchés est garante d’un effet richesse indispensable à la consommation et la croissance.
Par ailleurs, les membres votants doivent être convaincus que les taux directeurs ne seront pas relevés tant que subsisteront des doutes sur la capacité de l’inflation à revenir sur sa zone cible de 2%. Quoi qu’il en soit, hors de question de mettre en péril la bonne santé de l’économie américaine, voire d’entraver un retournement en Europe.
Globalement, on peut estimer que la conjoncture se maintient depuis le début de l’année, les excès d’un mois étant tout naturellement corrigés dans les semaines qui suivent. L’amélioration du marché du travail se poursuit malgré les commentaires autour du taux de participation et un taux de chômage en très légère hausse à 5,7% contre 5,6%.
Les créations d’emploi sont restées soutenues sur janvier, décembre ayant été fortement révisé à la hausse. Le PIB du 4ème trimestre a été revu à 2,2%. La véritable déconvenue est à rechercher du côté des ventes de détail de janvier encore en baisse de 0,8% et de l’ISM manufacturier encore en léger repli, alors que celui des services était mieux orienté.
Japon : La faiblesse du yen pénalise la balance courante, mais favorise la bourse.
Après un mois de janvier haussier, le yen a renoué avec une tendance baissière. Sur l’année 2014, du simple fait de l’effet devise, l’excédent courant japonais s’est encore contracté, enregistrant un plus bas historique
Le PIB du 4ème trimestre est ressorti en progression de 2,2%, largement en dessous des attentes à + 3,7%. Les investissements et les dépenses de consommation sont, de la même façon, restés bien en-deçà des prévisions.
L’inflation quant à elle,ne redémarre toujours pas ; au contraire, on revient sur les plus bas de mai 2013 et, en réalité, on se retrouve au même stade qu’avant la hausse de la TVA l’an dernier.
Une seule vraie bonne nouvelle : nouveau rebond de la production industrielle à + 4%. Nous assistons bien, depuis quelques trimestres, à une véritable dichotomie entre l’économie réelle et le Kabuto Cho.
Zone euro / Europe : Une hirondelle avant le printemps : Varoufakis, Draghi, Lagarde, Schäuble et les autres… la Grèce sur le fil du rasoir.
L’amélioration conjoncturelle qui semble prendre corps depuis le début d’année, demande bien sûr confirmation, mais elle s’explique par des facteurs apparus l’été dernier et qui n’ont cessé de se renforcer : mais ce ne sont là que des effets d’aubaines, surtout pour la France, et il ne faudrait pas que les éléments positifs, à l’origine de ce printemps précoce disparaissent car le besoin criant de réformes dans certains pays reviendrait comme un boomerang.
Pour la première fois depuis 2009, les économistes ont rehaussé leurs prévisions pour 2015. Les derniers indicateurs (PMI, ZEW, IFO, etc…) sont quasi unanimes, bien qu’ils n’aient pas la même vigueur en France et en Allemagne, notamment.
Le chômage semble vouloir poursuivre ou amorcer une décrue un peu partout ou s’apprêter à plafonner si l’on écoute le BIT qui ne conclue pas encore à une inversion de tendance.
Mêmes avancées au Royaume-Uni, qui annonce une croissance en ligne avec les attentes.
L’Espagne confirme son embellie, notamment dans les services, dont le PMI sera passé de 52,7 en décembre à 56,7 en janvier.
L’Italie, quant à elle, en est à l’heure des premiers bilans et, s’il reste beaucoup à faire, certaines réformes ont été adoptées par une majorité soudée. Ainsi, dernièrement, un toilettage de la constitution visant à stabiliser la vie politique et, en fin d’année, « la » réforme du droit du travail.
L’Europe reste cependant préoccupée, d’une part, par les régions pro-russes de l’Ukraine, qui menacent toujours de faire sécession, d’autre part, par l’état de faillite dans lequel se retrouvent aujourd’hui les provinces restées fidèles à Kiev.
Zones émergentes : L’inde veut faire la course en tête en 2015
Delhi s’est fixé un objectif de croissance ambitieux de 8% pour 2015, donc supérieur à la croissance chinoise…Mais pour l’instant, le PIB du 3ème trimestre ne ressort qu’à 5,3%, ce qui est déjà bien, et les taux directeurs ont dû être abaissés pour stimuler davantage l’activité.
Le gouvernement Modi doit relancer la croissance mais également maîtriser le déficit public fixé à 4,1% pour l’exercice 2014/2015. Pas de programme pharaonique annoncé récemment, mais quand même un plan ferroviaire de 120 Mds€ sur cinq ans, à l’échelle de l’Inde…
La Chine nous avait habitués à mieux : le début d’année semble quelque peu « poussif », à tel point que la banque centrale a dû baisser de 50pts son ratio de réserves obligatoires pour faciliter le financement de l’économie. L’inflation continue à ralentir et on revient au niveau de 2009 ; toutes les composantes prix sont sous les 50. Le PMI manufacturier repasse tout de même au-dessus des 50, mais on notera une baisse des commandes à l’export, tandis que la demande intérieure se raffermit.
Au Brésil, l’impopularité contre Dilma Roussef prend de l’ampleur et les prévisions de croissance pour 2015 sont carrément négatives, ce qui affaiblit le real (au plus bas depuis 10 ans). Notons au passage, que Petrobras a accueilli un nouveau CEO, en l’occurrence l’ancien patron de Banco do Brasil. Par ailleurs la stabilisation des cours des matières premières, et du pétrole notamment, s’avère être un préalable aujourd’hui à la reprise brésilienne.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir