Par Karine Jesiolowski, Senior Invesment Specialist - Marchés obligataires Pays émergents chez UBP
Les marchés obligataires émergents sont aujourd’hui suffisamment matures pour continuer d’offrir de belles opportunités d’investissement. Cependant, compte tenu de nombreux catalyseurs exogènes – chute des cours du pétrole, appréciation du dollar, remontée des taux américains –, la sélectivité des titres au sein de cet univers sera d’autant plus importante dans les mois à venir.
Ces dernières années, la classe d’actifs a gagné en robustesse, avec une base d’investisseurs internationaux moins enclins à sortir du marché aux moindres nouvelles négatives à l’échelle locale. De leur côté, les acteurs institutionnels domestiques, notamment d’Asie et du Moyen-Orient, ont apporté de la stabilité en renforçant l’exposition de leur allocation à ces marchés, qui représentent une alternative à la faiblesse des rendements des marchés obligataires développés.
Mais à court-moyen terme, la faiblesse du prix du pétrole reste problématique pour nombre de pays et d’émetteurs «corporate» de l’univers émergent, qui dépendent essentiellement des revenus en dollars liés aux matières premières. Cela est toutefois loin d’être le cas pour tous ! La baisse des prix énergétique devrait être un soulagement pour les pays qui, ces dernières années, ont souffert d’une montée de l’inflation importée ou de déficits courants importants.
Selon l’Agence américaine pour l’information sur l’énergie (EIA), entre 60 et 65% des pays inclus dans les indices JP Morgan de la dette souveraine et des obligations d’entreprises sont en fait des importateurs nets de pétrole et bénéficient donc de coûts de l’énergie moins élevés. Ainsi, si des pays tels que le Venezuela et la Russie sont susceptibles de souffrir d’un prix du baril inférieur à 80 USD, d’autres comme la Chine, l’Inde et la Turquie tirent déjà parti de la situation. Certaines entreprises comme les sociétés manufacturières en Asie, profitent des faibles coûts pétroliers et devraient voir leurs marges augmenter cette année.
Privilégier la dette libellée en devise forte plutôt qu’en devise locale, les obligations corporate plutôt que souveraines, le segment ‘Investment-grade’ plutôt que ‘high yield’
Dans ces conditions, l’analyse des fondamentaux des émetteurs restera essentielle dans la sélection des titres. Avec l’accélération de la croissance outre-Atlantique et la hausse des taux américains, le dollar devrait continuer à s’apprécier face aux devises émergentes. Cette tendance justifie de préférer la dette libellée en devise forte à celle libellée en devise locale : les émetteurs, dont la majeure partie des revenus est en dollars et qui se caractérisent par des coûts libellés dans leur devise domestique, verront leurs marges progresser. C’est notamment le cas des sociétés spécialisées dans le papier et la pâte à papier au Brésil.
Qui plus est, les obligations d’entreprises semblent plus attractives que la dette souveraine. Les émetteurs «corporate» des marchés émergents offrent une qualité de crédit supérieure à celle des obligations souveraines, ainsi qu’une plus grande diversification (avec un nombre d’émetteurs qui s’élève à 325 pour le segment «corporate» et à 122 pour le segment souverain). Par conséquent, même si un pays est pénalisé par un facteur spécifique, il est possible que certains émetteurs privés au sein de ce pays soient, eux, dans une situation favorable. Les exportateurs de viande bovine du Brésil sont, par exemple, peu touchés par le ralentissement économique de leur pays. Les obligations d’entreprises des marchés émergents affichent aussi une plus faible sensibilité aux taux d’intérêt («modified duration»), par rapport aux obligations souveraines émergentes. Cela devrait favoriser la génération de performance compte tenu de la hausse attendue - même modérée - des rendements des bons du Trésor américain.
Au sein des obligations «corporate» émergentes, le segment «investment-grade» devrait à nouveau faire mieux que le «high yield». Avec l’augmentation du coût de l’emprunt – due à la hausse des taux locaux et à l’appréciation de l’USD –, certains des émetteurs de crédit les plus faibles pourraient ne pas être en mesure de supporter les coûts additionnels du service de la dette. Nous pourrions ainsi assister à une légère hausse des taux de défaut sur le segment du «high yield».
Enfin, les émetteurs «investment grade» ont tendance à être plus flexibles que les émetteurs «high yield» pour s’adapter aux changements de leur environnement, sur le plan domestique ou mondial. Ils sont même parfois plus flexibles encore que les émetteurs souverains. Ces caractéristiques expliquent le succès du segment, qui bénéficie d’une augmentation constante d’afflux de capitaux.
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