Après plusieurs années marquées par la hausse des marchés d'actions internationaux et par de solides rendements dans nombre de secteurs obligataires, est-il encore possible de déceler des opportunités de création de valeur ou les valorisations sont-elles trop riches désormais ?
Trois experts livrent ici leur opinion concernant les valorisations, les segments qui offrent aujourd'hui la meilleure valeur relative et ceux dans lesquels subsistent des opportunités d'achat bon marché.
1/ David Herro, CIO, actions internationales chez Harris Associates L.P.
Du fait de notre approche « bottom-up », nos décisions de placement sont fondées sur la valorisation et la qualité des entreprises et non pas sur leur pays de domiciliation. Nous décelons actuellement de nombreuses opportunités d'investissement en Europe et conservons une faible exposition aux sociétés domiciliées dans des pays émergents.
Nos portefeuilles internationaux ont toujours affiché une pondération élevée sur l'Europe, mais leur exposition est aujourd'hui proche de son sommet. Nombre d'investisseurs supposent à tort que le marché européen est uniforme et qu'une société domiciliée en Europe réalise l'ensemble de ses bénéfices sur les marchés de la région, dominés par la morosité. Nous essayons de tirer parti de ces lieux communs. Par exemple, l'une de nos principales positions est Intesa Sanpaolo, une banque italienne commerciale et de détail qui semble bien capitalisée et bénéficie d'une excellente réputation dans le nord de l'Italie, la partie la plus riche et la plus industrialisée du pays. L'entreprise bénéficie par ailleurs de dirigeants compétents focalisés sur l'efficacité opérationnelle et la réorientation en faveur d'activités génératrices de commissions comme la gestion d'actifs et l'assurance. Bien que la banque présente ces solides qualités fondamentales depuis longtemps, le cours de son action est tombé à moins d'un tiers de sa valeur comptable tangible il y a quelques années face aux craintes généralisées liées à la crise européenne de la dette souveraine. Étant donné notre opinion favorable des perspectives à long terme de l'Italie par rapport à celles des autres pays périphériques de l'Union européenne, le fait qu'Intesa était valorisée au même niveau qu'une banque grecque était très intéressant.
Des opportunités sélectives au Japon. Ces deux dernières années, nous avons réduit notre exposition au Japon. L'issue des récentes élections japonaises est favorable, dans la mesure où elle montre que le Premier ministre Shinzo Abe est déterminé à mener des réformes. Mais cela ne change rien au fait que les cours des actions japonaises ont fortement grimpé depuis deux ans et si la valeur des entreprises a elle aussi augmenté, sa progression est restée nettement inférieure à celle du marché. Alors qu'il y a deux ans environ 25% de notre portefeuille international était investi au Japon, cette proportion est aujourd'hui plus proche de 10%. Nos deux principales positions sont Honda et Toyota, deux entreprises qui bénéficient largement de la faiblesse du yen, ont une excellente exposition aux marchés émergents, et présentent
Les valorisations sont dissuasives sur les marchés émergents. L'exposition directe aux marchés émergents reste peu attrayante pour plusieurs raisons. En premier lieu, il est très difficile d'identifier des entreprises qui bénéficient d'une gouvernance claire et transparente, d'une bonne rentabilité, de bons modèles économiques et dont les actions se négocient à des niveaux de prix attrayants. Nous préférons à la place obtenir une exposition aux marchés émergents à travers des sociétés comme Daimler (la maison-mère de Mercedes-Benz), le groupe de spiritueux Diageo et Richemont, qui détient des marques de luxe comme Cartier, Piaget et Jaeger LeCoultre. Ces entreprises présentent toutes une bonne exposition à la consommation dans les pays émergents, notamment en Asie. De plus, ces actions semblent très faiblement valorisées à l'heure actuelle.
2/ Eileen Riley, Gérante actions mondiales chez Loomis, Sayles & Company
Les actions semblent offrir la meilleure valeur relative aujourd'hui, notamment comparé au crédit. Parmi les actions, nous décelons des opportunités attrayantes dans une partie du secteur des biens de consommation cycliques, ainsi que dans la santé et dans certains segments de la technologie.
La croissance des bénéfices va dicter la tendance; D'une manière générale, la hausse des multiples que nous observions depuis quelques années sur les marchés d'actions internationaux a touché à sa fin. Sur le marché américain plus spécialement, les bénéfices sont désormais appelés à conditionner la performance des actions. En conséquence, l'approche minutieuse de la sélection de titres va reprendre toute son importance. De nombreuses sociétés américaines se portent bien et sont en mesure d'accroître leur trésorerie disponible et de consacrer des capitaux à leur croissance, soit au travers d'une hausse de leur cours en bourse ou par le biais de rachats d'actions ou d'opérations de fusion-acquisition.
La hausse des dividendes et la multiplication des rachats d'actions parmi les grandes multinationales apportent un autre soutien. Dans le cas de l'indice S&P 500®, le rendement combiné des dividendes et des rachats atteint environ 4%, ce qui est loin d'être négligeable.
Les entreprises japonaises sont saines. Malgré nos réserves concernant la situation macroéconomique du Japon, où les politiques de relance (« Abenomics ») et de réforme sont confrontées à de nombreux défis, divers facteurs poussent à l'optimisme vis-à-vis d'un grand nombre de sociétés japonaises. Les entreprises du pays affichent une relative bonne santé et leurs stratégies sont désormais un peu plus favorables aux actionnaires. Pour la première fois, certaines d'entre elles commencent à augmenter leur dividende voire, dans certains cas, à racheter leurs actions. Par ailleurs, les bénéfices des sociétés japonaises retrouvent leurs niveaux de 2007. Cette hausse tient en partie à la dépréciation du yen, mais il est peu probable qu'elle s'inverse à brève échéance. Globalement, nous décelons des opportunités de placement bon marché parmi un ensemble sélectif d'actions japonaises.
Un contexte plus favorable pour les actions. D'un point de vue historique, les actions tendent à surperformer les obligations en période de hausse des taux d'intérêt. Ainsi, à l'approche du premier relèvement des taux de la Réserve fédérale américaine courant 2015, nous devenons plus optimistes vis-à-vis des actions. En outre, les récentes mesures annoncées par la Banque centrale européenne et la Banque du Japon vont injecter des liquidités sur les marchés concernés, ce qui est de bon augure pour les actions.
3/ Yves Maillot, Directeur gestion actions européennes chez Natixis AM
Avec un ratio cours/bénéfice (PER) de 15,9 en moyenne selon nos dernières estimations concernant les bénéfices en 2015, les valorisations des actions européennes ne sont ni chères ni bon marché à l'heure actuelle. Les prévisions de croissance des profits (4 et -6% au Royaume-Uni) sont affectées par la révision à la baisse des résultats dans le secteur pétrolier. Pour autant, avec un rendement moyen des dividendes de 3,5% (3,9% pour les actions britanniques), le marché européen des actions semble réellement attractif.
Les actions européennes semblent plus attrayantes que les actions américaines, lesquelles sont plus onéreuses (PER de 17,9 et ratio cours/valeur comptable de 2,6 en moyenne selon nos estimations). Toutefois, les actions japonaises (avec un PER de 14,6 selon nos estimations actuelles) sont moins onéreuses, mais offrent un rendement des dividendes (2%) inférieur à celui des actions européennes, tandis que les actions d'Asie hors Japon se négocient actuellement à des niveaux de valorisation équivalents (PER de 15,7).
La baisse de l'euro est une bonne nouvelle pour les actions européennes. Grâce aux effets combinés du repli de l'euro et de la baisse des prix de l'énergie, les prévisions de bénéfices devraient être revues à la hausse au cours des prochains mois. Par exemple, la stabilisation des cours du pétrole autour de 50 dollars le baril devrait entraîner un rehaussement d'environ 7% des prévisions de bénéfices en Europe, et une hausse de 10% du taux de change euro/dollar devrait avoir un effet positif d'environ 10%. Au total, nous estimons que les bénéfices des entreprises européennes cotées présentent un potentiel de hausse de 10 à 15%, ce qui justifierait une hausse similaire du cours de leurs actions. Jusqu'ici, le marché des actions bénéficie du programme d'assouplissement quantitatif annoncé par la Banque centrale européenne en janvier, et affiche depuis une solide performance. Nous anticipons un regain de volatilité face aux incertitudes, mais le niveau relativement attrayant des valorisations et la possibilité d'une accélération de la croissance des bénéfices permettent d'envisager une nouvelle progression des actions.
L'incertitude et la volatilité peuvent placer une prime importante sur les secteurs défensifs (santé, consommation courante, immobilier, sociétés à dividende élevé) et amener certaines valeurs cycliques à afficher des valorisations attrayantes. C'est pourquoi nous continuons de privilégier les modèles économiques qui permettent une croissance stable des flux de trésorerie disponible. La solidité des bilans des entreprises demeure favorable à la restitution de liquidités aux actionnaires. L'emploi efficient de la trésorerie reste dès lors un thème majeur pour 2015. Dans ces conditions, les entreprises offrant une croissance régulière de leur dividende restent attractives. Comme nous l'observons aux États-Unis, les programmes de rachat d'actions sont également de nature à contribuer au rendement offert aux actionnaires. Par ailleurs, nous anticipons cette année une accélération des opérations de fusion-acquisition dans divers secteurs.
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Comprendre l'économie durable pour s'y investir