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Marchés Actions : vers la baisse inéluctable des valeurs pétrolières

Les compagnies pétrolières semblent persister à vouloir emprunter le chemin insensé qui les a vu dépenser des milliards en exploration pour augmenter leurs réserves de pétrole, de gaz et de charbon alors même que des mesures pour lutter contre le changement climatique et les mouvements des prix du marché réduisent significativement leur valeur. Si tel est le cas, la question de la valorisation de ces entreprises reste ouverte.

Par Charlie Thomas, gérant du fonds Jupiter Global Ecology Growth de Jupiter AM

Les compagnies énergétiques sont souvent pressées de claironner la découverte de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz ou d’un nouveau filon de charbon qui pourraient potentiellement augmenter leurs réserves prouvées, et par conséquent leur cours boursier. Il est vrai que vu les montants dépensés en explorations pour trouver de nouveaux gisements d’énergies fossiles toujours plus rares et qui pourraient ne pas aboutir avant plusieurs décennies, la pression est forte.

Une énergie gaspillée
Aujourd’hui les compagnies énergétiques se fient peut-être un peu trop à des hypothèses passées. En décembre 2014, le Fonds de Pension Norvégien déclarait que les compagnies pétrolières devaient affronter la perspective de leur déclin et devaient s’adapter au nouveau contexte si elles voulaient survivre. Cet avertissement est venu tout juste un mois après que le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) ait dit, dans son dernier rapport, que la majorité de l’électricité mondiale pouvait - et devait - être produite à partir de ressources à faible emprunte carbone d’ici 2050.

La question se pose pour les producteurs de pétrole de savoir comment ils pourraient pomper dans leurs réserves si précieusement et si chèrement bâties alors même que cela pourrait compromettre la cible du GIEC. Sous ce prisme, la valeur des réserves et l’impact induit que cela aura, la valorisation des entreprises les exploitant nécessitent une sérieuse réévaluation. Une vue partagée par le GIEC : « la plupart des politiques de réductions du changement climatique pourrait dévaluer la valeur des actifs liées aux énergies fossiles et réduire les revenus qui en sont tirés par les exportateurs… et la plupart des scénarios de réduction du changement climatique prennent en compte une baisse des revenus liés aux négoces de charbon et de pétrole pour les grands exportateurs. »

S'il est vrai que les gouvernements autour du monde pourraient choisir d’ignorer les appels du GIEC pour la mise en place d’un cadre législatif permettant de passer à une utilisation majoritaire des sources d’énergie pauvres en carbone d’ici 2050, les entreprises du secteur de l’énergie pourraient se retrouver d’ici une quarantaine d’années à devoir opérer dans un marché très différent et avec un contexte réglementaire tout aussi différent de ceux qu’elles connaissent aujourd’hui.

Même avec les politiques climatiques actuelles,  les conditions de marchés moins favorables pourraient conduire à une baisse de la demande entre 2015 et 2030 de l’ordre de 1 300 Mds$ pour le pétrole et d’environ 1 600 Mds$ pour le charbon.


La planche de salut chinoise
Ce débat a conduit à l’invention du terme « actifs échoués » pour se référer aux 60-80% des réserves de pétrole, gaz et charbon des entreprises du secteur énergétiques qu’elles ne seront pas à même de brûler à cause du plafonnement des émissions. Pour certains, il est peut-être trop tôt pour tirer un trait sur ces actifs comme s’ils étaient inexploitables, avec des marchés émergents, notamment la Chine, toujours en phase de croissance malgré le récent ralentissement. Il est important de se rappeler que la demande chinoise de pétrole est montée en flèche en passant de 3,2 millions de barils par jour en 1994 à 10,1 millions de barils par jour en 2013, soit plus de 10% du volume mondial.

Cet argument est contrebalancé par la chute du prix du pétrole à laquelle nous avons assisté en 2014, le Brent se négociant aujourd’hui à son plus bas prix depuis presque 5 ans. L’innovation, notamment l’émergence du secteur compétitif du gaz et du pétrole de schiste  aux Etats-Unis, a fait baisser les prix et a rendu l’extraction d’énergie fossile moins attractive. Le secteur des énergies renouvelables a aussi joué un rôle, avec la génération d’énergie solaire aujourd’hui moins cher à livrer en Asie que l’électricité provenant du pétrole ou de gaz naturel liquéfié. Qui plus est, la capacité mondiale de production de modules solaires a été multipliée par 20 depuis 2007 tandis que le coût de la génération d’énergie solaire par watt a chuté de 90% sur la même période, la rendant moins dépendante des subventions.

Du point de vue politique, nous avons assisté à quelques développements  significatifs : à la suite du pacte sino-américain sur le climat de novembre 2014, la Chine a déclaré son « intention d’atteindre un pic » de ses émissions d’ici 2030. La Chine a l’intention de plafonner sa consommation d’énergie primaire a 4,8 gtec (milliard de tonnes équivalent charbon) d’ici 2020 et à 5,8 gtec d’ici 2030. C’est un changement radical de la tendance actuelle de la consommation d’énergie. Cela signifie que le taux de croissance de la consommation d’énergie primaire en Chine baisserait de moitié par rapport à son taux actuel de 0,2 gtec par an. L’utilisation du charbon, en pourcentage de la consommation d’énergie primaire, devrait aussi être réduite en passant de 68% en 2013 à 62% en 2020.


Fait pour durer
En ce qui concerne les décisions d’investissement, le timing est crucial. Il est bien sûr possible que le débat sur les actifs échoués soit prématuré, signifiant que ce phénomène aura bien lieu mais dans bien plus longtemps que ce à quoi s’attendent les marchés. Le prix du pétrole pourrait monter et « remettre à flots » ces réserves d’énergie fossile obtenues à un coût élevé. Cependant les temps de développements dans l’industrie du pétrole sont longs. Et ce que nous tenons pour certain, c’est que ce débat sur les actifs échoués ne peut pas disparaître et ne disparaîtra pas entièrement.


Exposition aux actifs échoués
A l’heure actuelle, la plupart des fonds de Jupiter sous-pondèrent le secteur de l’énergie. Qui plus est, Jupiter n’est pas exposée aux entreprises que nous estimons les plus en risque sur les actifs échoués comme les entreprises de charbons thermiques aux Etats-Unis ou celles exploitant les sables bitumeux aux Canada. Nous sommes très préoccupés par le fait que si le prix du pétrole reste bas, les grands groupes pétroliers vont devoir baisser leurs dividendes, et nous suivons la situation de près.


L’impact sur l’investissement vert
Les fonds de Jupiter dédiés à l’investissement environnemental investissent dans des entreprises offrant des solutions environnementales, comme les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique, et le cours de certaines d’entre elles a fortement baissé récemment du fait de la baisse du prix du pétrole. Cependant, le fait que le prix du pétrole baisse a un impact négligeable sur les fondamentaux de l’énergie renouvelable. Seul 4,6% de l’offre d’électricité mondiale vient du pétrole[i]. Les énergies renouvelables primaires sont plutôt en concurrence avec le gaz naturel et le charbon comme source d’énergie, et le prix de ces matières premières est moins connecté au pétrole que dans le passé. Il n’y a pas d’indexation formelle entre les prix du pétrole et du gaz aux Etats-Unis, et en Europe le pourcentage de contrats de gaz indexés sur le prix du pétrole a fortement décliné en passant de 72 à 42% de 2007 à 2013.

Dans le domaine de l’efficacité énergétique des véhicules, même si la baisse du pétrole entraîne à court terme une modification du comportement du consommateur vers des voitures plus énergivores, les constructeurs automobiles seront dans l’obligation d’utiliser des technologies énergétiquement efficientes pour se conformer aux onéreuses normes américaines, européennes et chinoises d’efficacité énergétique. Selon nous, une période longue de pétrole peu cher ne diminue pas l’opportunité d’investissement que  représente la transition de long terme vers des formes durables d’énergie. En conséquence nous pensons que la situation actuelle laisse la place à de belles opportunités d’investissement.

www.jupiteronline.com

 

 Comprendre l'économie durable pour s'y investir

 

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