Par Ronan Blanc, Gérant taux chez Quilvest Gestion
Si l’officialisation d’un quantitative easing à l’européenne - et de son montant, qui devrait s’établir à 50 Mds€ par mois - ne fait aucun doute, ses modalités techniques ne devraient pas être précisées.
Les banques centrales sont à la manœuvre et c’est une véritable guerre des changes qui bat son plein. Alors que les investisseurs attendent énormément de la réunion monétaire de la BCE qui doit officialiser le lancement du fameux programme de rachats de dette dans la zone euro, la banque centrale canadienne a pris ses dispositions. « A la surprise générale, la Banque du Canada vient d’abaisser le taux cible du financement à un jour de 0,25 à 0,75%. Cette décision est justifiée par la récente chute des cours pétroliers, qui pénalise l’économie canadienne, productrice d’or noir » explique Ronan Blanc.
Mais l’impact pétrolier n’est pas l’unique raison. « L’anticipation du programme d’achats d’actifs européen a fortement incité la Banque du Canada à une inflexion monétaire. Jusqu’ici son cycle était plutôt proche de celui de la Fed et la tendance était au resserrement progressif des conditions monétaires. Cette décision inattendue démontre que chaque zone économique souhaite conserver un certain niveau de compétitivité et cherche à contenir la valeur de sa devise » observe le gérant.
Pas d’expansion du bilan de la banque centrale
La réunion monétaire de la BCE devrait donner naissance à un programme d’achats d’actifs d’un montant de 50 Mds€ par mois jusqu’à la fin de l’année 2016, pour un total proche de 1 000 Mds€. « A priori, ce montant semble à la hauteur des attentes des marchés. Mais en réalité, le rythme des achats n’est pas assez soutenu pour un programme qui s’étend sur une vingtaine de mois. Surtout, le bilan de la BCE est loin d’être en situation d’expansion, comme pouvaient l’espérer les investisseurs. En effet, le remboursement des opérations de LTRO lancés il y a trois ans brident considérablement le bilan de la banque centrale ».
Qui plus est, il y a peu de chance de voir l’institution dévoiler les modalités techniques de son quantitative easing. « Rien ne nous sera dit sur la clé de répartition des achats et les incertitudes quant aux titres éligibles resteront nombreuses. Chez Quilvest Gestion, nous pensons que tout un pan obligataire sera volontairement délaissé par la BCE. La banque centrale n’achètera pas les titres comportant des clauses d’action collective ou les titres obligataires à taux négatifs (sur la courbe de taux française, c’est le cas des titres dont la maturité est supérieure à 4 ans) » poursuit Ronan Blanc.
Dans ces conditions, le risque de déception est grand pour les marchés financiers. « Les investisseurs ont probablement été trop ambitieux dans leurs anticipations. La BCE ne peut pas tout et nous en avons eu l’exemple avec ses achats d’ABS, destinés à relancer le segment du crédit titrisé. Seulement 2 Mds€ de ces titres ont été acquis par la banque centrale, auxquels s’ajoutent 33 milliards de covered bonds, contre 150 milliards d’achats espérés sur ces deux classes d’actifs ! » conclut Ronan Blanc.
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