Avec exactement 1 642 953 personnes inscrites au registre mondial des Français établis hors de France fin 2013,le nombre des expatriés ne cesse de s’accroitre. Entre les inscrits et les non-inscrits, la population totale est estimée à 2,3 millions de personnes.
Des binationaux, des chefs d’entreprises locales, des salariés de Groupe…si les profils sont divers, leurs obligations sont identiques. Quelles sont les problématiques de ces non-résidents ? Quand ils quittent la France ? Quand ils y reviennent ? Quelles sont les spécificités patrimoniales, notamment d’un point de vue fiscal, et les conséquences du droit interne français pour le côté civil ? L’expatriation et ses conséquences fiscales et civiles en revue...
Par Olivier Grenon-Andrieu, Président Directeur Général d’Equance.
1/ IR et ISF : les revenus français et une partie du patrimoine restent à déclarer
- Le départ
Jusqu’au moment de son départ, le contribuable est résident français mais à partir du moment où il est parti, il devient contribuable non-résident. Lorsqu’une personne décide de quitter la France pour s’installer à l’étranger, sa première obligation fiscale est d’en informer son centre des impôts et de communiquer sa nouvelle adresse. Le centre des impôts transfert son dossier au centre des impôts des non-résidents, plus au fait des problématiques internationales.
L’expatriation impose une obligation fiscale limitée : la déclaration des revenus de l’année de départ se fera l’année suivante (aux mêmes dates que s’il vivait en France) sauf que les impôts directs (IR, Impôt foncier…) en recouvrement seront exigibles en totalité. Ainsi, lors de sa première année d’expatriation, le néo non-résident remplit une déclaration 2042 NR et y mentionne l’ensemble des recettes de source française. Ces données seront intégrées par l’administration fiscale qui émettra un avis d’imposition.
- La période d’expatriation
Les années suivantes et durant toute la durée de l’expatriation, le non-résident remplira les déclarations traditionnelles 2042/2044/2031 pour ses revenus de source française, à savoir salaires, revenus fonciers et BIC en location meublée (baux industriels et commerciaux).
Concernant l’imposition sur le patrimoine, toute personne non-résidente ayant un patrimoine net taxable en France supérieur à 1,3 M€ est redevable à l’ISF. Entrent dans le patrimoine net taxable l’ensemble des actifs immobiliers français détenus en pleine propriété ou en usufruit (passeront au passif les dettes immobilières liées à cet actif) et les parts sociales dès lors qu’elles constituent plus de 10% des actifs sociaux d’une société. Les non-résidents ont des dates de déclaration différentes en fonction de leur zone géographique (de juin à fin août, voire début septembre).
- Le retour
Dès son retour en France, l’expatrié est imposable sur les revenus taxables de source française. De façon pratique, il n’a qu’à faire un changement de résidence et le centre des impôts se modifiera de facto en fonction du lieu de la nouvelle résidence.
Une de ses obligations est de déclarer tous les comptes ouverts, utilisés ou clos (compris assurance-vie) hors de France sur le formulaire 3916 ou sur papier libre.
L’ex-expatrié détenant plus de 1,3 M€ de patrimoine est, par ailleurs, redevable à l’ISF au 1er janvier qui suit son retour sur son patrimoine mondial. Mais, depuis la loi de modernisation d’août 2008, les personnes non domiciliées fiscalement en France au cours des 5 années civiles précédant celle de leur retour (transfert de domicile fiscal) sont exonérées sur un certain nombre d’actifs (mobiliers et immobiliers non-français) dans les 5 ans suivant ce retour.
- L’existence des conventions bilatérales
Pour éviter la double imposition, dans chaque Etat en fonction de la fiscalité propre de chaque pays, des conventions bilatérales ont été signées par la France. Concernant l’IR et ISF, plus de 140 conventions (avenants compris) sont actuellement en vigueur.
- Certaines catégories de population sont soumises à l’exit-tax
Afin de limiter l’évasion fiscale internationale, la France a institué, en mars 2011, l’exit-tax. Celle-ci concerne les foyers fiscaux qui ont une participation supérieure à 800 000€ lors de ce transfert.
2/ D’un point de vue civil, attention à la mutabilité du régime matrimonial !
Sauf convention contraire préalable (loi applicable ou contrat de mariage), en droit international privé et pour les mariages célébrés après le 1er septembre 1992, ce sont les règles de la convention de la Haye du 14 mars 1978 qui s’appliquent. La mutabilité s’effectue alors à l’insu des époux. Deux critères existent pour déterminer le régime matrimonial régissant l’union du couple :
- Régime matrimonial du lieu de première résidence commune des époux
Le statut matrimonial est déterminé par le lieu de la première résidence commune en vertu de la convention de la Haye.
- Adoption automatique du régime du lieu de résidence après 10 ans
Le régime matrimonial devient automatiquement, au bout de 10 ans, le régime légal du pays de résidence. Afin de choisir son régime matrimonial, il est ainsi conseillé de signer un contrat devant notaire en France, par commun accord des époux, et de faire établir au Consulat un acte authentique pour le contrat mariage.
La Cour de Cassation (1re civ. 12/04/2012) a précisé que le changement n'a d'effet que pour l'avenir, ce qui complique la liquidation du régime matrimonial si la mutabilité s’opère. En effet, il y aura autant de masses à liquider que de régimes applicables.
3/ Transmission : nouvelles règles à venir pour les successions en Union Européenne
A l’heure actuelle, il y a une dissociation si les successions sont mobilières ou immobilières : c’est la loi du dernier domicile du défunt qui est appliquée pour la succession des biens mobiliers et la loi de la situation de l’immeuble pour les biens immobiliers. Si plusieurs lois différentes s’avèrent applicables, la succession éclate en autant de masses qu’il y a de lois applicables.
Mais le nombre de successions internationales (450 000 ouvertes chaque année) et l’enjeu économique qu’elles représentent (estimé à plus de 120 Mds€), ont amené l’Union Européenne à engager une réflexion pour harmoniser les règles.
Avec le règlement européen, qui sera applicable au 17 août 2015 sur les successions en Union Européenne (hors Royaume-Uni, Irlande et Danemark), la France sera peut-être amenée à appliquer des droits étrangers sur les aspects civils du patrimoine. Le défunt devrait pouvoir choisir la règle applicable à la totalité des biens :
- loi du lieu de la résidence habituelle qui détermine l’autorité compétente et la loi applicable par défaut.
- loi de la nationalité du défunt.
Cette réforme va ainsi modifier les règles du droit international privé français. En tout état de cause, que ce soit sur l’aspect fiscal ou l’aspect civil, que le futur expatrié vive seul ou en couple, ces problématiques doivent être soulevées et l’expatriation doit être préparée en amont.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir