Une analyse de Philippe Taboret, Directeur Général Adjoint de Cafpi
Les familles comme les professionnels de la filière immobilière se réjouissaient : le plan de relance du Premier ministre et de la ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité témoignait d'une conscience réelle des maux du logement. Les achats de résidences principales, en voie d'étiolement, y avaient fait l'objet d'une attention particulière, avec un prêt à taux zéro amélioré sur de nombreux points.
Mais voilà qu'un article du projet de loi de finances pour 2015..., auquel le gouvernement s'est bien gardé de faire de la publicité, vient à l'inverse pénaliser lourdement l'accession à la propriété :
L'article 52 intègre une réforme des aides personnelles (réorientation de l’APL accession vers le logement neuf, attribution de l'aide en cas de chute de plus de 30% des revenus du bénéficiaire par rapport au moment où le prêt immobilier a été signé) pour les ménages qui acquièrent leur appartement ou leur maison, dans le neuf ou dans l'ancien, à partir du 1er janvier de l'année prochaine. Ces aidesdestinées à la fois à l’accession et la location, les économies ne sont peut-être pas à faire auprèsdes primo-accédants déjà fragiles….
Rappelons que ces allocations jouent comme des amortisseurs pour les emprunteurs les plus modestes, en venant réduire les mensualités de remboursement tout au long du crédit. Elles sont distribuées sous condition de ressources et en fonction de la structure familiale.
Pour les 2/3 des quelque 50 000 familles allocataires, les aides conditionnent l'équilibre du plan de financement, c'est-à-dire la faisabilité de l'opération. En clair, le prêt ne sera pas octroyé en l'absence d'éligibilité aux aides personnelles. Dans les autres cas, s'agissant d'emprunteurs aux revenus faibles, le moindre accident de la vie viendra mettre à mal leur capacité à honorer leurs remboursements.
Pour ne parler que des opérations qui ne seront ainsi plus finançables, Cafpi les estime à 30 000 par an, 10 000 dans le neuf et 20 000 dans l'ancien. Pour être plus précis, les premières victimes de cette mesure seront les primo-accédants dans l'ancien, collectif et individuel, et dans le neuf, principalement acquéreurs de maisons individuelles. Les primo-accédants, déjà quasi-absents du marché, vont disparaître, notamment les plus jeunes et les moins fortunés d'entre eux.
La nette accalmie sur les prix qui se constate partout en France, même en zone tendue, les incline à passer à l'acte. En outre, malgré un durcissement des critères de distribution des crédits, ils peuvent y accéder, en particulier avec le concours des courtiers. En effet, l’allocation personnalisé au logement n’est attribué qu’avec un prêt PAS (prêt accession sociale) ou PC (prêt conventionné), produit sous utilisé par les banques à l’inverse de Cafpi qui le propose comme levier de sécurisation des emprunteurs. La menace qui pèse, si elle était confirmée par le vote du parlement, compromettrait la réalisation des projets logement de ces Français.
Enfin, pour les emprunteurs aux plus faibles revenus, dont l'apport personnel est souvent réduit et qui ne bénéficient pas des taux les plus bas, l’aide personnelle est à la fois déterminante pour boucler le plan de financement et joue comme une bonification de taux a posteriori. Cela est vrai pour les accédants dans le neuf, plus encore pour les accédants dans l'ancien, désormais privés de prêt à taux zéro - à l'exception des acquisitions de biens à réhabiliter en zone rurale -.
Le préjudice de l'article 52 du projet de budget serait double : social, on le voit, économique aussi. Les 10 000 accessions dans le neuf qui n'auront pas lieu empêcheront la création de 18 000 emplois, ou conduiront à leur disparition. Dans l'ancien, dont le gouvernement oublie qu'il sous-tend l'activité d'entretien et de rénovation des entreprises en bâtiment et des services attachés au logement, ce sont 14000 emplois qui sont visés dans la filière. Sans parler des rentrées de TVA pour le neuf, et de droits de mutation pour l'ancien comme pour le neuf, pour un manque à gagner de l'ordre de 700 millions par an. Or le chiffrage du gouvernement fait apparaître une économie de 19 millions en 2015, montant respectivement à 91 et 156 millions en 2016 et 2017... Quel étrange calcul que celui qui mène à perdre au moins dix fois ce qu'on a voulu épargner... Gageons que les parlementaires compteront mieux que les auteurs de la disposition en question, dans l'intérêt de l'Etat, des collectivités locales et des ménages.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir