Par Didier Bouvignies et Philippe Chaumel, Associés gérants, co-responsables de la gestion de Rothschild & Cie Gestion
Après leur rebond fin août-début septembre,les marchés actions ont subi un recul significatif depuis mi-septembre.
Quelle lecture faut-il faire de cette secousse récente ? Elle trouve sa source dans plusieurs phénomènes de natures différentes :
- le ralentissement économique de l’Allemagne, qui est une surprise mais qui ne remet pas en cause le redressement de la zone euro ;
- un contexte géopolitique difficile entre le virus Ebola et les tensions avec la Russie ;
- une communication de la BCE moins précise qu’attendue lors de sa dernière réunion ;
- une interprétation négative des dernières statistiques américaines et enfin dernièrement,
- des incertitudes sur la Grèce, qui semble vouloir sortir de son plan d’aide avant de s’être complètement assurée de sa capacité à se refinancer sur les marchés.
Une croissance mondiale qui se maintient
Cette chute des bourses a plus particulièrement affecté la zone euro, qui a ainsi sous-performé, et les valeurs cycliques, dont certaines se sont effondrées. Dans le même temps, les taux d’intérêt « core » ont à nouveau reculé et surtout les prix du pétrole ont perdu 25% en quelques mois, laissant penser à certains observateurs que la conjoncture mondiale était en péril.
Faut-il pour autant céder au pessimisme ? Les marchés ont sur-réagi, car le rythme de croissance au niveau mondial se maintient de 2,5 à 3% et les derniers chiffres de production industrielle Outre-Atlantique ne confirment pas une inflexion de la croissance. En Europe, certaines statistiques, notamment en Allemagne, ont été particulièrement décevantes, mais elles sont en partie liées à des raisons saisonnières et au problème russe. Aussi nous nous attendons à des signaux inverses lorsque les chiffres du 4ème trimestre seront publiés, car Outre-Rhin le chômage reste très bas, les revenus sont en hausse, les créations d’emplois se poursuivent et la situation budgétaire est très saine.
Et si la baisse du prix du baril peut apparaître pour certains comme un indicateur de stress, elle n’a pas encore produit ses effets bénéfiques : elle représente en particulier un formidable gain de pouvoir d’achat pour les ménages, notamment américains.
De même, la politique monétaire très accommodante annoncée par la BCE n’a pas encore été véritablement mise en œuvre : le deuxième TLTRO, en décembre prochain, sera beaucoup plus massif que le premier, et les rachats d’ABS à venir devraient renforcer encore l’amélioration des conditions de crédit en zone euro constatée ces derniers mois.
En outre, la faiblesse de l’euro ne s’est pas encore traduite dans les résultats des entreprises exportatrices. Elle aurait d’ailleurs pu être pénalisante pour les économies européennes, en faisant gonfler la facture énergétique, mais a été plus que compensée par la baisse du prix du pétrole.
Enfin, le secteur de la construction, dont les difficultés ont pesé fortement sur la croissance en France et plus récemment en Allemagne, a désormais atteint un point bas.
Des facteurs techniques
La situation macroéconomique, qui justifiait la correction des marchés durant la période 2008/2011, ne peut expliquer l’amplitude des mouvements observés récemment. Des facteurs d’ordre plus technique sont en effet à l’œuvre. Des hedge funds et des comptes propres de banques d’investissement, qui s’étaient portés massivement sur les actions européennes au début de l’année, ont coupé rapidement leurs positions. Ces flux spéculatifs ont convaincu les investisseurs finaux de minimiser leurs risques en réduisant leurs expositions à cette classe d’actifs. Les investisseurs américains en particulier ont subi une double peine, avec la baisse des valeurs européennes conjuguée à celle de l’euro.
En conséquence, le recul des indices européens à leur niveau d’il y a un an, leur permet d’afficher des valorisations attractives, au regard aussi bien des normes historiques que de comparaisons internationales : le price earning ratio (PER) de l’Euro Stoxx 50 s’affiche très raisonnablement à 12,5 fois les bénéfices attendus pour les douze prochains mois, en retrait de 25% par rapport au niveau de 2007.
La croissance des bénéfices des entreprises, anticipée par le consensus à 6% en 2014, devrait d’ailleurs être confortée par la faiblesse de l’euro, qui pourrait apporter 4-5% de croissance aux sociétés exportatrices sur le prochain trimestre. La rémunération du risque s’est ainsi sensiblement améliorée, comme en témoigne le niveau du taux de dividende, de l’ordre de 3,5%, à comparer à des taux longs allemands à 0,8%, voire sur le 5 ans, à 0,15% en Allemagne ou 0,35% en France.
Des opportunités, en particulier sur les cycliques
Avec la hausse de la volatilité, la tentation de vendre est forte pour certains investisseurs qui ne peuvent la supporter, mais revenir tardivement sur les actions peut s’avérer douloureux. La reprise des marchés européens depuis 2009 est effectivement laborieuse. Elle continue à se caractériser par des chocs réguliers, comme en 2011, avec les inquiétudes sur la pérennité de la zone euro, puis en juin 2012, avant le rassurant « Whatever it takes... » de Mario Draghi, puis encore en juin 2013, avec l’annonce du « tapering » par la FED. La récente correction boursière crée de nombreuses opportunités, car nous sommes convaincus que la zone euro est bien en train de réduire ses déséquilibres, d’assainir ses finances publiques et se trouve ainsi sur le chemin du redressement. Les périphériques, qui ont amélioré leurs fondamentaux, sont d’ailleurs beaucoup moins sous pression.
Dans ce contexte, les valeurs cycliques qui ont été particulièrement affectées par ce retournement de tendance, voient leur attrait renforcé, alors qu’elles poursuivent leurs efforts de restructuration pour améliorer leur levier bénéficiaire opérationnel, même dans un environnement de faible croissance.
Pour sa part, le secteur bancaire, qui avait plutôt bien résisté dans le sillage de l’amélioration des périphériques, a corrigé ces derniers jours sous l’effet du retour des inquiétudes au sujet de la Grèce. Cependant, nous sommes convaincus qu’il profitera au cours des prochaines semaines de l’apaisement des interrogations sur sa santé, au vu des résultats de l’AQR (Revue de la qualité des actifs) et des stress tests qui seront publiés par la BCE le 26 octobre. L’ensemble de ces éléments justifie donc notre préférence pour les actions et, plus encore pour les actions européennes.
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