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« Quelles stratégies obligataires dans un environnement de taux bas ? »

Synthèse de la 1ère Université d’été de l’Asset Management, organisée par Convictions AM en partenariat avec la House of Finance de l’Université Paris-Dauphine et Morningstar, le 28 août 2014.

« Cette Université d’été de l’Asset Management est, nous l’espérons, la première d’une longue série, fruit d’une étroite collaboration entre l’Université Paris-Dauphine, Morningstar et Convictions AM. Nous avons choisi cette année de nous réunir sur le thème de l’adaptation des stratégies obligataires dans un environnement de taux bas »a déclaré en préambule Philippe Delienne, Président de Convictions AM. La crise profonde qui a affecté les marchés obligataires ces dernières années a ainsi remis en cause bien des acquis : les taux sans risque n’existent plus, la liquidité peut parfois disparaître sur un segment de marché, l’organisation des marchés obligataires a évolué et des problèmes de transparence se font jour. Dans ce contexte, les modèles s’avèrent moins opérants.
Un environnement qui contraint les investisseurs à revoir leurs propres règles prudentielles et les banques centrales à adopter de nouveaux critères d’appréciation, recourir à de nouvelles méthodes, voire à faire évoluer leur rôle vers un plus grand contrôle des marchés et des acteurs.
« Face à ces bouleversements, à une croissance molle, à une très faible inflation et à des taux au plus bas, qui déjouent les prévisions du consensus, comment organiser ses placements, à quels risques s’exposer judicieusement, le risque de crédit ou le risque de liquidité ? » s’interroge ainsi Philippe Delienne.

 

1/ La « House of Finance » de l’Université Paris-Dauphine

Par Serge Darolles, Professeur à Paris-Dauphine

Portée par l’Université Paris-Dauphine, où la Finance fait figure depuis toujours de discipline transversale participant à la réputation de l’institution, la création de la « House of Finance » est une initiative ambitieuse. La vocation du projet est de faire vivre une sphère interactive d’académiques, enseignants-chercheurs, étudiants, représentants du monde institutionnel et professionnels de la Finance. Il s’agit non seulement de développer l’interdisciplinarité au sein de l’Université, autour, notamment, de la promotion de travaux de recherche, mais aussi de renforcer la visibilité internationale de l’Université en exploitant ses réseaux de partenaires.
« Les spécificités de l’Université – son modèle d’excellence fondé sur la sélectivité, sa taille humaine, son histoire – sont sans aucun doute les premiers atouts qui nous permettront d’asseoir durablement la marque « House of Finance ». Nous espérons vivement tisser des liens étroits et durables avec les entreprises du monde financier, pour leur donner accès à l’activité de nos chaires de recherche, mettre en place avec elles des contrats de recherche et accélérer la professionnalisation de nos jeunes diplômés. » détaille Serge Darolles.

 

2/ Prospective sur les taux longs, les scénarios du futur

- Sylvain de Forges, Directeur général délégué d’AG2R La Mondiale
« Il y a seulement trois mois, personne ne s’imaginait que le Bund chuterait fin août à 0.88%, l’OAT à 1,2%, voire le dix ans espagnol à environ 2%, constate Sylvain de Forges. Et le consensus est terrible : les taux bas sont là pour durer, au moins en zone euro – certains disent 15 ans. Les discours sur la crainte d’un krach obligataire se sont d’ailleurs interrompus depuis deux ans ». Le consensus s’est lourdement trompé, en raison entre autres comme le rappelait récemment Patrick Artus, de la modération de l’investissement, de la surestimation de la croissance et de l’inflation, ou d’une épargne très abondante. « Le problème est ainsi structurel et le régler passe en premier lieu par une acceptation du principe de réalité : les analyses ont toutes été fausses, la situation est dépressive, nous sommes entrés dans un nouveau monde dont nous n’avons pas la carte » juge Sylvain de Forges.
Or dans ce « nouveau monde », nous sommes en compétition avec des systèmes très éloignés de nous, de notre relation au risque en particulier, qui « n’attachent pas la même importance que nous à la vie humaine, au respect de l’environnement et des normes sociales, qui n’ont pas la même acceptation de l’échec et de la réussite, qui n’ont pas la même relation au temps, à l’histoire, qui vivent une espérance qui les porte, lorsque la compétition nous effraie » analyse Sylvain de Forges. Il estime ainsi qu’« une relation nouvelle avec la culture du risque est nécessaire, de la part des investisseurs, mais aussi des autorités, qui élaborent des systèmes anti-risques, qui risquent de convaincre tous les acteurs que toute prise de risque est une folie ».

 

- Xavier Lépine, Président du directoire du Groupe La Française
Ce dernier interroge : « La déflation n’est-elle pas justement l’état naturel du capitalisme, dont l’objectif reste de produire plus pour moins cher ? » Au XXème siècle, il y a bien eu des facteurs d’inflationendogènes, les salaires et la reconstruction, et exogènes, l’énergie. De fait depuis 1973 la croissance était tirée par l’endettement, chacun étant persuadé que l’inflation allégerait lefardeau. Dans ce contexte, le cumul d’une faible croissance et d’un endettement de plus enplus fort des agents économiques, dont l’un des exemples emblématiques a été l’hypothèquerechargeable aux Etats-Unis, a déclenché la crise financière de 2008.
Mais surtout, « nous avons changé de système économique, car nous avons connu au cours des siècles l’ère agricole, puis la révolution industrielle et enfin l’ère post-industrielle. Cependant, cette dernière appellation est difficile à qualifier, où nous hésitons entre l’ère de la connaissance ou pour les plus optimistes tout simplement l’ère de l’embellissement de la Vie » relève Xavier Lépine. En pratique, il est indéniable que le vrai changement provient des évolutions technologiques, qui font fortement baisser le coût marginal de production. La robotique a amélioré la productivité, en outre nos modes de production (la coproduction, unedimension mondiale dans l’acte de création de la valeur), mais aussi nos modes de consommation (le téléchargement, la valeur d’usage au détriment de la propriété d’un biencomme pour l’autolib) évoluent. En conséquence, pour Xavier Lépine, « la croissance sera différente, la pression sur les prix n’existera quasiment pas à l’avenir et les taux vont continuer à diminuer, sauf évidemment en cas de crise exogène de nature géo-politique. »

 

3/ Les enjeux de la diversification obligataire dans un contexte de taux bas

L’« illusion monétaire ». Voici une formule qui caractérise assez bien l’environnement dans lequel évoluent toutes les catégories d’investisseurs. La reprise économique modérée a incité les grandes banques centrales à instaurer des politiques monétaires ultra-accommodantes, qui ont contribué au repli continu des taux. Dans ces conditions, les investisseurs sont confrontés à un enjeu majeur : diversifier les portefeuilles afin d’améliorer la rentabilité des actifs.
L’équation n’est pas toujours facile à résoudre. Trouver des alternatives aux actifs traditionnels peu rémunérateurs tels que les emprunts d’Etat allemands, américains ou français, requiert non seulement une autre approche de l’allocation d’actifs, mais aussi une culture des risques inédite.

- Olivier Héreil, Directeur des gestions d’actifs de BNP Paribas Cardif, résume les termes de la problématique pour les investisseurs institutionnels : « D’un côté, les compagnies d’assurance ne peuvent plus servir des rendements aussi attrayants qu’auparavant dans le cadre des fonds en euro. De l’autre, la diversification des portefeuilles vers d’autres classes d’actifs doit prendre en compte les contraintes d’actif/passif imposées par Solvency 2. »
Tributaire des exigences du régulateur, la quête de rendement doit par conséquent donner la priorité à la sélectivité. « Diversification ne signifie pas dispersion. Les institutionnels ont le devoir de comprendre toute l’étendue des risques associés à de nouveaux investissements, comme le risque de change, de liquidité ou de volatilité. Cela restreint de fait les actifs éligibles en vue d’une diversification » juge Olivier Héreil.

- Michel Manteau, Responsable de la gestion taux à la CARMF,  explique de son côté, qu'il existe un frein supplémentaire : « On observe aujourd’hui une forme de corrélation entre les différentes classes d’actifs. Leresserrement de la politique monétaire américaine pourrait, potentiellement, provoquer de lavolatilité, non seulement sur les marchés obligataires, mais aussi sur d’autres actifs. Il faut donc rester prudent quant aux vertus de la diversification. »
En revanche, d’autres acteurs financiers ont une marge plus confortable pour explorer des classes d’actifs inhabituelles. C’est le cas de grands investisseurs corporate, qui n’hésitent plus à reprendre des idées d’investissement innovantes.

- Pour Philippe Mimran, Directeur délégué de la division Gestion d’actifs cotés d’EDF, « l’approche de la gestion d’actifs au sein des grandes entreprises est en train d’évoluer, avec la préoccupation d’adapter l’allocation au contexte monétaire. Chez EDF, nous avons fait le choix de renforcer l’exposition des portefeuilles aux actifs risqués, ou d’intégrer progressivement des actifs moins liquides, comme les loans. La part allouée aux actifs réels, les infrastructures, l’immobilier, le private equity va représenter un quart de nos investissements d’ici 2016, contre zéro il y a quelques années. Evidemment, cette ouverture à de nouveaux univers est rendue possible par une liberté réglementaire plus grande que celle dont disposent les compagnies d’assurance. »

- François Mollat du Jourdin, Président de MJ & Cie, a vu évoluer les demandes des grands investisseurs privés qu’il conseille. Ses clients, souvent anciens ou actuels entrepreneurs, acceptent le risque quand ils lecomprennent. MJ & Cie peut ainsi préconiser des stratégies utilisant le levier pour améliorer le rendement de placements à taux fixe, sur des maturités relativement courtes. « Cependant, c’estpar une diversification vers des stratégies d’investissement en actions « fondamentales », que nous tentons aussi de palier la baisse des rendements. Par exemple, dans le secteur de la santé, selon une logique de « buy & hold » à moyen long terme, qui est une façon « défensive » de jouer les marchés émergents, auxquels ce secteur est de plus en plus exposé ». Sans compter que les dividendes sont souvent supérieurs aux coupons de la dette. Enfin n’oublions pas que l’investisseur privé a accès au fonds général Euro des compagnies d’assurance. » précise François Mollat du Jourdin.
Quelle que soit leur latitude de diversification, les investisseurs attachent une grande importance à la qualité de l’expertise. Savoir s’entourer de partenaires pour piloter de nouveaux investissements est probablement le premier pas vers une diversification performante.

 

4/ Approche des supports de diversification obligataire, enseignements et critères d’analyse

Jean-François Bay, directeur général de Morningstar

« Les rendements obligataires nets de l’inflation deviennent insupportables pour les investisseurs » s’alarme Jean-François Bay. Entreraujourd’hui sur le marché des obligations souveraines consiste à accepter un rendementactuariel quasiment nul pour plusieurs années. En effet, si le rendement des actions est issumajoritairement de gains en capital, historiquement le rendement des obligations provient à plus de 90% du niveau des taux. Pourtant, en Europe, les flux de souscriptions sur les fonds obligataires restent très élevés. Ils atteignent ainsi 81 Mds€ depuis le début de l’année, plutôt bien répartis entre les différentes catégories, les produits total return (10,6 Mds€) et corporate (9,4 Mds€) affichant les meilleures collectes. Les fonds de dette émergente avaient fortement collecté ces dernières années, puis décollecté brutalement avant de connaître récemment un retour en grâce. Cet exemple est bien à l’image de la rotation très rapide des catégories privilégiées par les investisseurs.
Sur le marché américain, la tendance est aussi à une grande diversification des souscriptions et c’est ainsi que les catégories obligataires dites non-core (high yield, bank loans, emerging markets…) représentent désormais plus de 30% des flux sur les mutual funds et les ETF obligataires. « Il y a ainsi de plus en plus d’opportunités pour les gérants très actifs et en conséquence pour les investisseurs finaux, qui d’une gestion long terme stable vont devoir adopter une gestion flexible et active au gré des opportunités » conclut Jean-François Bay.

 

5/ Les piliers de la construction d’un portefeuille obligataire diversifié

Damien Grulier, CFA Responsable de la Recherche Quantitative de Convictions AM

La construction de portefeuille est d’autant plus importante que les taux bas incitent à la diversification obligataire, souvent synonyme d’une prise de risque additionnelle. Plusieurs modèles quantitatifs peuvent apporter une contribution significative à l’allocation obligataire. « Chez Convictions AM, nous développons une approche mixte, associant modèles macro économétriques et gestion par le risque, qui permet de traverser les cycles de marché en limitant les drawdowns » relève Damien Grulier.
La première étape d’une telle modélisation s’appuie sur la création de différents indicateurs représentatifs des cycles économiques, monétaires, mais aussi de crédit. « Nos tests sur la sensibilité des obligations vis-à-vis de ces trois cycles ont démontré que le cycle économique était le plus prédictif dans l’évolution de la classe d’actifs. Ce constat nous a permis de construire un indice obligataire plus efficient que le benchmark usuel » observe Damien Grulier. La seconde étape consiste à agréger un modèle fondé sur la maitrise du drawdown, qui permet l’intégration à moindre risque de nouvelles classes d’actifs « exotiques » (dette émergente, dette hybride, loans…), offrant plus de rendement.
Ce type de démarche quantitative et dynamique a fait ses preuves, procurant des résultats tangibles sur les performances des portefeuilles, en termes de volatilité, de rendements annualisés, de drawdown maximal, mais aussi de « time to recovery ». « La modélisation s’impose bel et bien comme un instrument robuste de diversification qu’il serait dommage de négliger» souligne Damien Grulier.

 

Conclusion de Nicolas Duban, Directeur général de Convictions AM

« Une approche flexible et réactive est désormais de mise sur les marchés obligataires comme elle l’est sur les marchés actions. Aussi la sélection des expertises et l’allocation par segment de la diversification obligataire vont plus que jamais être au centre des préoccupations des investisseurs. » Danscette perspective, l’un des enjeux sera de bien appréhender les moteurs de performance, mais aussi de prendre en compte les risques spécifiques, notamment liés à la volatilité et à la liquidité, et de savoir limiter les risques exogènes. « Les vecteurs de performance doivent en effet être maîtrisables, afin d’assurer une performance récurrente et solide, car la volatilité sera toujours présente » souligne Nicolas Duban.

Enfin, la 1ère Université d’été de l’Asset Management a été aussi l’occasion d’annoncer le lancement de l’Observatoire des stratégies obligataires, fruit d’un partenariat entre la House of finance (Paris-Dauphine), Morningstar et Convictions AM. Cet Observatoire aura pour vocation de poursuivre les travaux entamés dans le cadre de l’Université d’été et un Comité consultatif sera bientôt créé.

www.convictions-am.com/

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