Par Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque
Dans notre note du 4 août dernier intitulée « Le Minsky moment du S&P 500 », nous invitions les investisseurs à s’intéresser aux actifs des pays émergents. Le MSCI Marchés Emergents a, en effet, gagné plus de 12% en un an et son potentiel reste élevé comparé à la plupart des indices des pays occidentaux qui sont dans une phase de blocage.
Les derniers évènements semblent confirmer ce biais. Parmi les marchés qui présentent les opportunités les plus pertinentes en ce moment, il y a le marché boursier russe qui constitue environ 5% de la composition du MSCI Marchés Emergents.
Il nous parait évident que la psychose actuelle autour de la Russie est largement exagérée. Les rumeurs circulant dans certaines salles de marché, à propos par exemple d’une invasion de l’Ukraine par la Russie, sont sans fondement. Il n’y aura pas de cygne noir russe.
En dépit d’une économie russe dont les fragilités sont criantes, les grands titres du MICEX 20 restent des valeurs solides. La résistance de l’indice principal de la Bourse de Moscou a d’ailleurs été prouvée au cours du premier semestre de cette année puisqu’il avait regagné en l’espace de quelques mois tout le terrain perdu dans la foulée de l’annexion de la Crimée.
Depuis, le crash de la Malaysia Airlines a eu lieu, conduisant à un nouveau décrochage. Le rebond ne devrait toutefois pas tarder. Le même cas de figure se profile pour les grandes valeurs du MICEX 20, appartenant essentiellement au secteur financier et au secteur énergétique, à l’image de Sberbank ou de Gazprom. Certaines de ces valeurs ont connu une forte dépréciation et apparaissent désormais sous-évaluées, parfois de l’ordre de 20 à 50%. En d’autres termes, elles sont très attractives pour les investisseurs qui sont prêts à prendre un risque mesuré.
Vu d’Europe de l’Ouest ou des Etats-Unis, de trop nombreux préjugés empêchent de bien appréhender le marché boursier russe. Or les grandes entreprises de la cotation affichent souvent des fondamentaux rassurants : le management est stable permettant une continuité dans la mise en œuvre des plans stratégiques, le secteur bancaire est sain dans l’ensemble, avec un taux de prêts non performants contenu, et le pays possède des entreprises expérimentées dans le secteur énergétique, qui ont notamment accès aux réserves potentiellement importantes de gaz et de pétrole de l’Arctique russe.
Bien-sûr, les entreprises russes ont besoin des apports financiers de l’extérieur et la baisse depuis plusieurs années des IDE est un phénomène préoccupant. Toutefois, dans les secteurs stratégiques, comme celui de l’énergie, les remous politiques depuis le Kremlin n’ont habituellement pas pénalisé lourdement les investissements étrangers qui s’effectuent via des joint-ventures. Pour preuve, la présence de Total sur le projet Yamal ou encore d’Exxon Mobil dans la mer de Kara pour l’exploitation offshore de pétrole non conventionnel.
Il serait donc présomptueux de tirer aussi vite un trait sur le marché boursier russe.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir