Comment émerger dans le monde des réseaux sociaux après le colossal succès de Facebook. Réponse : en misant sur des facteurs de différenciation forts. Chacun à sa manière, Twitter, avec ses messages de 140 signes au maximum, Tumblr, en misant sur le format soigné de ses blogs ou Pinterest, qui permet d’épingler ses images préférées sur un mur virtuel, ont apporté leur réponse à cette problématique. C’est peu ou prou la situation dans laquelle se trouve Viadeo sur le marché des réseaux sociaux professionnels.
Fondée en 2004 sous le nom de Viaduc, la société revendique aujourd’hui 60 millions de membres dans le monde et a réalisé un chiffre d’affaires de 30,9 millions d’euros en 2013. Autant dire qu’elle est très nettement distancée par LinkedIn, lancé un an auparavant, qui rassemble aujourd’hui 300 millions de membres et a enregistré l’an dernier plus de 1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires.
Sélectivité géographique...
En apparence, les différences entre les deux réseaux sont légères, mais Dan Serfaty, fondateur et PDG de Viadeo, revendique sa différence face au géant américain. Pas vraiment sur le modèle économique, puisque les trois sources de revenus sont les mêmes pour les deux concurrents : abonnements premium payés par les membres eux-mêmes (ils restent prépondérants chez Viadeo alors qu’ils ne pèsent que pour 20% du chiffre d’affaires chez LinkedIn), solutions pour les recruteurs et, enfin, publicité. C’est plutôt sur la stratégie en matière de géographie que Viadeo marque sa différence. Là où l’américain déploie de manière uniforme son modèle « rouleau compresseur », son adversaire français cultive une approche locale et sélective, arguant que les relations professionnelles sont culturellement différentes d’un pays à l’autre. Et le management de rappeler en forme de boutade les usages en matière de carte de visite : en Chine, on la tend à deux mains, aux Etats-Unis, on la jette sur la table et en France... on l’oublie généralement !
... en direction des pays peu suspects de proaméricanisme
Accessoirement, Viadeo se concentre sur des géographies où, disons-le pudiquement, l’origine américaine de LinkedIn n’est pas forcément un atout : la France, où il revendique une place de leader avec 9 millions de membres et revendique de travailler en recrutement avec plus de 20% des 1.000 plus grandes entreprises, l’Afrique, la Russie, via un joint-venture avec l’éditeur local Sanoma, ou la Chine, terrain de chasse particulièrement difficile pour les leaders américains du web. Plutôt que de sa lancer sous sa marque, Viadeo a acquis en 2008 un acteur local, Tianji. Le groupe dispose ainsi d’une place de leader sur ce marché, avec un site qui compte aujourd’hui 20 millions de membres, un nombre qui croît actuellement au rythme de 500.000 par mois. Après la levée de fonds de 22 millions d’euros réalisée en 2012 par l’entreprise, une nouvelle plateforme technique a été mise en place pour la France, qui permet de supporter un trafic 20 fois supérieur à ce qu’il est actuellement : de quoi anticiper sur la croissance future. Viadeo estime être parvenu à une rentabilité satisfaisante sur la France (15%de marge d’EBITDA en excluant les frais généraux liés à l’existence du groupe).
Objectif : monétiser la Chine
C’est donc pour développer la plateforme en Chine, où la monétisation de l’audience commence tout juste, que l’entreprise veut s’introduire en Bourse, cherchant à lever quelque 33 millions d’euros. l’objectif est d’arriver d’ici 3 à 5 ans à convaincre 50 millions de membres dans ce pays si difficile d’accès. Le soutien du fonds européano-chinois A Capital, récemment entré au tour de table, pourrait être un atout important. Et Viadeo compte aussi continuer ses investissements pour profiter de la mutation du marché du recrutement : dans ce segment d’activité, les produits constatés d’avance ont progressé de 17% au premier trimestre. Avec une fourchette de prix comprise entre 17,10 et 20,90 euros, la valorisation initiale tourne autour de 150 millions d’euros, soit 5 fois le chiffre d’affaires 2013. Pour LinkedIn, le ratio est plutôt de 13 fois. Mais sur le dernier exercice, le taux de croissance de l’activité reste en faveur de l’américain (+57%, contre +10% pour le français). Reste à savoir si le démarrage de la Chine va inverser le rapport de force.
Retrouvez l'avis de la rédaction |
Suivez Esteval sur Viadeo
Lectures du moment, tribunes d'experts, management et entrepreneuriat...
Comprendre l'économie durable pour s'y investir