Par Edmond de Rothschild AM
Ne pouvant plus uniquement s’appuyer sur leur croissance organique pour assurer leur développement à terme, les entreprises tendent à privilégier les opérations externes. Celles-ci, qui ont pris des formes très diverses, concernent de nombreux secteurs et des entreprises de toute taille. La sortie de récession entamée à la fin du 2ème trimestre 2013 en Europe et l’éloignement du risque systémique ont permis d’amorcer un mouvement de retour de la confiance, élément indispensable à la reprise des investissements. Le rythme de la reprise est encore lent mais la situation s’améliore progressivement.
L’indice PMI confirme un regain d’activité au sein de la zone euro : il est en amélioration constante depuis plusieurs mois et s’est établi à fin avril à 54, soit son plus haut niveau depuis 3 ans.
Le retour des investisseurs sur les classes d’actifs risquées et notamment sur les actions, indique également que la confiance est graduellement de retour. Les anticipations de résultats des entreprises européennes pour l’année 2014 sont par ailleurs globalement encourageantes avec notamment un retour à des perspectives bénéficiaires cette année. Les bilans sont solides et l’accès au financement est facilité par le niveau durablement bas des taux d’intérêt.
Un nouveau cycle d’opérations financières enclenché en Europe depuis l’été dernier
2014 enregistre des volumes d’opérations très significatifs : au 2 juin, le montant cumulé annoncé en 2014 s’élève à 381 Mds$ contre 218 à la même période en 2013. Le nombre d’opérations est légèrement inférieur cette année (2 338 annoncées en 2014 contre 2 408 en 2013) mais les volumes sont largement supérieurs. Le marché européen signe ainsi son meilleur démarrage depuis 2007.
La logique industrielle des récentes opérations annoncées constitue un élément de soutien important. Elles répondent à une recherche « d’effet de taille » ou de construction de positions de leadership sur les activités à plus fortes marges et/ou à plus fort « pricing power», quitte à abandonner certaines activités annexes pour se recentrer sur leurs activités cœurs. Dans un contexte de croissance molle, les entreprises se doivent de capter la croissance où qu’elle se trouve.
Depuis début avril, on note une accélération des opérations financières de taille importante. Les plus récentes ont concerné des secteurs très variés et ont pris des formes diverses :
- cessions : SFR à Numéricâble
- fusions : Lafarge et Holcim
- échanges d’actifs : Novartis et GlaxoSmithKline
- intérêts avérés : General Electric pour la branche énergie d’Alstom.
Confirmation que toutes les formes d’opérations sont possibles, même celles impliquant de grandes capitalisations, telle l’opération Lafarge / Holcim. La fusions de ces deux sociétés au profil équivalent, avec une capitalisation et des volumes de ventes comparables, va donner naissance au leader mondial du ciment avec un CA d’environ 30 Mds€. Cette fusion, qui apparaît atypique en début de cycle de fusions-acquisitions car elle concerne les numéros 1 et 2 du secteur du ciment en Europe, vient surtout confirmer la nécessité pour les entreprises, mêmes lorsqu’elles sont très bien positionnées, de générer de la croissance autrement que de façon organique.
Quelles perspectives ?
La plupart des secteurs pourrait être prochainement concernée par des opérations de fusions-acquisitions, à l’exception peut-être du secteur bancaire pour lequel il faudra sans doute un peu plus de temps avant que ne se matérialisent des rapprochements.
Un facteur fiscal pourrait soutenir le marché européen dans les prochains mois : il concerne les entreprises américaines implantées en Europe. Ces dernières disposent d’importantes réserves de trésorerie. En cas de rapatriement de ces capitaux aux Etats-Unis, ces entreprises seraient taxées à hauteur de 35%. Il y a donc une forte incitation fiscale à investir cet argent en Europe et ce en dépit d’un euro fort. Elle peut avoir contribué au lancement des offres de General Electric (sur Alstom) ou de Pfizer (sur AstraZeneca).
Le Royaume-Uni et les valeurs anglaises pourraient en particulier en bénéficier. En effet, le taux d’imposition des sociétés anglaises baisse de façon continue et avoisinera 20% en 2015, un taux particulièrement compétitif en Europe.
Sur le plan sectoriel :
- Le secteur des télécoms, dont la consolidation n’en est sans doute qu’à ses débuts avec des changements réglementaires attendus en juillet prochain, pourraient apporter plus de souplesse sur les règles de concurrence et modifier le paysage européen en le concentrant. Les parts de marché pourraient être redistribuées entre les différents opérateurs et impliquer des rapprochements entre certains d’entre eux.
- La pharmacie offre aussi de nombreuses perspectives de rapprochement,comme l’illustre notamment le mariage Glaxo/Novartis, dans le but d’échanger et d’optimiser des activités parfois même concurrentes. Dans ce domaine, Edmond de Rothschild Asset Management (France) a une forte conviction sur le titre Shire, laboratoire pharmaceutique anglais. Il affiche une décote importante malgré ses fondamentaux solides et toute offre sur le groupe pourrait s’effectuer avec une prime attractive.
- La chimie est également un secteur propice à la consolidation. Le secteur est très vaste, regroupant à la fois les activités de chimie de commodité et de chimie de spécialité. Ce deuxième segment, où les marges sont particulièrement importantes, pourrait faire l’objet d’opérations de consolidation.
Si les annonces des dernières semaines prouvent que tout type d’opérations est possible, il faut maintenir un degré élevé de sélectivité :
- d’une part toutes les opérations ne se réaliseront pas, que ce soit pour des problèmes de concurrence, de management ou en raison de l’influence éventuelle des dirigeants politiques ;
- d’autre part, toutes les opérations ne sont pas forcément créatrices de valeur pour l’actionnaire.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir