Par François Pradel, Directeur de l'offre Back-Office Asset Management de Linedata
Si la gestion d’actifs reste un marché très ouvert avec peu de barrières à l’entrée, elle le doit très largement à la sous-traitance, qui depuis le début des années 80 et la naissance des premiers valorisateurs l’accompagne dans son développement avec des réponses mutualisées à l’innovation financière et réglementaire. Pour autant, le poids de la sous-traitance varie selon les domaines et types de clients, et les régulateurs s’interrogent sur le risque opérationnel, voire systémique, induit.
Quelles conclusions en tirer ?
Quels seront les facteurs clés de succès d’un modèle opérationnel efficace ?
S’agissant de la valorisation des OPCVM, prestation jugée peu sensible, par nature standardisée et peu différenciante, la part de marché des valorisateurs s’est élargie au gré des fusions, renouvellements d’outils et équipement des nouveaux entrants, et frôle désormais les 100% en France. La faiblesse des économies directes (liées à l’importance des coûts variables) n’est pas un problème en soi, car l’objectif premier n’est pas de faire des économies : il s’agit surtout d’éviter un investissement ou atténuer un risque opérationnel.
Dans le domaine de la sous-traitance du middle-office, les transferts globaux d’activité par de très grands établissements pour des résultats mitigés ont laissé la place à des délégations plus restreintes, centrées sur un processus spécifique. Alors que les pratiques de place se standardisent progressivement, l’importance des coûts fixes et le foisonnement d’initiatives réglementaires assurent le succès des offres des prestataires historiques rejoints par des nouveaux entrants pure players.
Pour autant, plusieurs interrogations se font jour quant aux risques et facteurs clés de succès de ces délégations. Au Royaume Uni, une enquête de la FCA a souligné l’exposition croissante de la profession à la défaillance d’un petit nombre de prestataires filiales de groupes bancaires internationaux et détenant de larges parts de marché. Les plans de continuité d’activité ne permettraient pas toujours de prévenir une interruption de service (resilience risk) et l’efficacité des dispositifs de supervision des délégataires (oversight risk) est jugée variable. Un groupe de travail de place a débouché sur des recommandations d’amélioration de la supervision, la standardisation et la réversibilité des dispositifs. Dans le même temps, les grandes sociétés de gestion assurent leur indépendance en déployant des dispositifs de suivi des positions dits Investment Books of Records (IBOR).
On observe ponctuellement des opérations de réinternalisation (insourcing) de prestations déléguées, essentiellement de la part de grands établissements. Besoins trop complexes ou mal définis, processus rigides ou opaques, relations intra-groupe délicates : les explications sont variées. Autre constat : la sous-traitance de l’administration de mandats institutionnels progresse très peu comparée à celle des OPCVM. Un environnement réglementaire moins contraignant et des volumétries plus faibles ne favorisent pas la standardisation des processus. Mais surtout, les Directions Financières sont peu enclines à déléguer une activité sensible et stratégique car située au cœur du pilotage du résultat financier des entreprises. Lorsqu’elles le font, elles privilégient les rapprochements avec des équipes culturellement proches.
Plusieurs types d’enseignements peuvent être dégagés de ces constats. L’enjeu principal pour le sous-traitant est fournir une prestation personnalisée tout en s’appuyant sur des processus standardisés permettant d’atteindre des niveaux de service définis et mesurés. Le client a intérêt à accepter un certain niveau de standardisation du processus, tout en conservant en interne un dispositif de supervision et de gouvernance structuré. Celui-ci doit s’appuyer sur un socle de compétences suffisant, alimenté par une veille réglementaire et des formations assurées par le prestataire.
Le système d’information doit également refléter les modalités de délégation de la prestation. Dans le cas d’une sous-traitance du middle-office, le prestataire tient les positions pour le compte du gérant et lui transmet quotidiennement une position « début de journée » exhaustive et synchronisée. Par conséquent, le système d’information du sous-traité n’a plus à assurer la tenue des positions : il devient un véritable « outil front-office », concentré sur l’aide à la décision, le pilotage des allocations d’actifs et les stratégies d’exécution, sur la base de positions transmises par le sous-traitant. Particulièrement adaptée aux acteurs de taille moyenne, cette architecture back-to-front permet de supprimer toute redondance et donc limiter au maximum les coûts restant à la charge de la société de gestion.
Comprendre l'économie durable pour s'y investir