Compte rendu de l’étude « les femmes et l'argent » du Think Tank d'EuropeanPWN, premier réseau de femmes cadres et dirigeantes en Europe, avec le soutien de la banque privée Pictet.
1er enseignement :
Seulement 1% des richesses mondiales appartiennent aux femmes et il n'existe aucun pays au monde où le salaire des femmes est vraiment égal à celui des hommes.
Ensuite :
En France, alors qu'elles sont désormais plus diplômées que les hommes, les femmes gagnent environ 20% de moins, malgré de nombreuses lois votées, mais non appliquées. Au-delà des raisons macro sociales et économiques qui expliquent ces écarts, on sait aussi que dans notre vie privée, culture, stéréotypes et histoire familiale influencent notre rapport à l'argent de manière plus ou moins consciente. Dans une Europe vieillissante, où le taux de chômage et le nombre des familles monoparentales ne cessent d'augmenter, il est plus important que jamais de se projeter dans l'avenir afin de démystifier l'argent et d'en tirer la meilleure utilisation.
Leur engagement professionnel est la garantie de leur indépendance. C'est dans leurs familles que les répondantes ont puisé l'énergie de poursuivre des études longues. Familialement, le succès est essentiellement lié à la carrière professionnelle permise par l'éducation pour 80%. Seules 27% faisaient référence au succès financier.
Le travail c'est d'abord et avant tout l'indépendance pour 74%, puis une opportunité de développement pour 62% ou une nécessité pour sa vie propre pour 56%, puis la notion de plaisir pour 42%.
Elles ont l'air à l'aise dans leur travail : 45% ne se sentent jamais coupables et 51% ne se sentent que quelquefois coupables.
En France, le sentiment de culpabilité est un peu plus élevé (56% vs 51%) du fait qu’elles sont plus nombreuses à avoir des enfants.
52% vivant en couple déclarent être « madame gagne-pain », ayant le salaire le plus élevé dans le couple.
37% pensent que les femmes et les hommes sont traités de façon égale dans leur entreprise (29% en France). Quelques domaines semblent plus égalitaires : la formation (78%), le recrutement (64%) et la cooptation (62%), et dans une moindre mesure la mobilité internationale (56%), et l'équilibre vie professionnelle / vie privée (54%).
Plus nous nous éloignons des processus RH (formation, recrutement, mobilité internationale, équilibre de vie) pour prendre en considération des processus de management liés au pouvoir, plus les inégalités augmentent. Les répondantes observent que les hommes sont favorisés en termes de management de carrière (60%), d'augmentation de salaire (61%) et d'avancement de carrière (76%). Seul item pour lequel les femmes se sentent légèrement mieux considérées que les hommes : l'équilibre vie professionnelle / vie privée (23%).
Les françaises sont encore plus sévères, elles déclarent presque 10 points d'inégalité de traitement de plus en faveur des hommes pour les aspects liés au pourvoir : management de carrière (70% vs 60% en Europe), avancement de carrière (84% vs 76% en Europe). A noter aussi : la cooptation est dénoncée par 57% des françaises vs 40% au niveau européen
Leur rémunération
Elles sont 75% à ne pas être satisfaites. Leur manque d'engagement dans les questions liées à leur rémunération semble d'autant plus étonnant que :
- 69% ne parlent pas de leur salaire avec leurs ami-es
- 66% ne demandent pas d'augmentation
- 60% éprouvent des difficultés à demander une augmentation
- 49% ne se sentent pas armées pour négocier leur salaire
- 38% ne savent pas si leur salaire est équivalent à celui d'un homme
Si 65% préparent leur entretien d'évaluation annuelle (73% en France), si elles anticipent les objections de leur manager pour 73% d'entre elles, elles ne sont que 51% à se sentir préparée pour une négociation salariale (43% en France).
Il plus facile pour elles de négocier pour quelqu'un d'autre (71% et 78% en France) que pour elles-mêmes.
Elles lient beaucoup moins leur rémunération à leur succès (40%) qu'à la valeur de leur travail (68%). On a vu aussi qu'elles attendent que leur manager reconnaisse leurs efforts plutôt que de demander une augmentation par elles-mêmes.
On retrouve ici le « complexe de la bonne élève » : « Je travaille bien à l'école, je fais bien mon travail dans mon entreprise, j'attends qu'on remarque ces efforts et qu'on m'en félicite par une augmentation ».En parallèle de la méritocratie scolaire dont elles ont bénéficié, elles ont foi en une méritocratie professionnelle qui n'existe finalement pas à la hauteur de leurs espérances.
Un fort engagement dans leurs finances personnelles. Elles gèrent à parité avec leur partenaire, voire même seules, au nom du couple :
- 91% connaissent le montant de leurs impôts
- 90% connaissent le détail de leurs revenus (salaire fixe, variable, bonus etc.)
- 90% ont des biens en propre (épargne 71%, plan retraite 59%, bien immobilier 53%
- 80% établissent la déclaration d'impôts, seules ou avec leur partenaire
- 71% partagent un compte commun pour les dépenses du ménage
L'argent : un sujet encore difficile à aborder
54% ont du mal à parler d'argent en rapport avec leurs finances personnelles, et le taux monte à 70% dans le cadre de leur travail (74% en France).
69% ne parlent pas de leur salaire avec leurs amies. En France, on a l'air d'aborder plus facilement le sujet avec les ami-es (42% vs 31% en Europe). En revanche, 85% parlent de leur salaire avec leur partenaire.
Pour 85%, l’argent c'est la sécurité ou un moyen pour atteindre un objectif pour 64%. Un tiers seulement lient l'argent à des valeurs telles que la reconnaissance (39%), le pouvoir (29%) ou l'énergie (23%). Par effet miroir, la crainte première par rapport à l'argent concerne le manque de sécurité (46%), la crainte de ne pas pouvoir payer les dettes (21%) et le chômage (17%). Seules 12% déclarent ne pas avoir de peur liée à l'argent.
Le rapport complexe entre les femmes et l'argent
Les femmes ont du mal à parler d'argent, mais c'est un rapport rationnel : l'argent est pour elles avant tout l'argent sécurité. C'est aussi la valeur qu'elles ont reçu par leur héritage familial, et ce qu'elles souhaitent transmettre à leurs enfants. Cette attitude se retrouve dans leurs comportements : elles gèrent leur argent avec attention et épargnent chaque mois. Les femmes historiquement assignées à la sphère privée s'y sentent à l'aise pour maîtriser l'argent personnel et familial. La sphère professionnelle publique reste un espace qui ne leur laisse pas encore les clés de l'émancipation financière individuelle.
N'est-il pas temps pour les femmes de se réveiller ? Comprendre que les augmentations de salaire ne sont pas attribuées au mérite. Envisager que l'argent puisse être une fin en soi dans ce qu'il dit de la valeur sociale qu'on lui attribue, mais aussi pour les opportunités qu'il peut ouvrir. Dépasser la routine de l'épargne qui limite l'utilisation de l'argent à garantir la sécurité et s'émanciper vers des chemins de gestion du patrimoine et de l'épargne plus risqués, mais potentiellement plus prometteurs aussi.
N'est-il pas temps aussi pour les entreprises de dépasser cette seule question de la maitrise individuelle des demandes d'augmentation qu'on pourrait simplement renforcer par des séminaires de formation ? La question du rapport à l'argent en entreprise est aussi systémique : revoir les process RH pour en neutraliser les effets discriminants en terme de développement de carrière et de rémunération reste plus que jamais d'actualité.
Ce d'autant plus que si les process sont défavorables aux femmes privilégiées interrogées dans l'étude, alors que penser de la situation des femmes qui n'ont pas eu la même chance de développement scolaire et professionnel ?
* EPWN : European Professional Women’s Network, fondée en France, est une fédération de 19 réseaux de femmes, basés dans 15 pays européens, rassemblant 3500 membres dont plus de 1200 femmes dans la branche parisienne. Sa mission : promouvoir le développement professionnel des femmes cadres et entrepreneures, au travers de programmes de formation et développement, mentorat, échange d'expériences, conférences et débats avec des dirigeantes du monde des affaires, de la recherche, et des medias.
www.europeanpwn.net/paris
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