Actuellement débattu au Parlement, le projet de loi relatif à la consommation de Benoit Hamon prévoit d’autoriser l’action de groupe au profit des consommateurs ayant subi des préjudices du fait des agissements d’un même professionnel. La Confédération Générale du Logement (CGL) est favorable à cette mesure phare mais émet quelques doutes quant à la possibilité que la loi s’applique à tout le secteur du logement.
Stéphane Pavlovic, Directeur de la CGL, estime que les dispositions du projet de loi relatif à la consommation portant sur l’action de groupe ne concernent pas le droit des rapports locatifs et ne doivent pas le concerner. Les règles protectrices du droit de la consommation ne s’appliquent pas aux rapports locatifs Le projet de loi vise les préjudices subis par des consommateurs. Or, dans le cadre d’une relation contractuelle avec un bailleur, le locataire n’est pas un consommateur. Le bail d’habitation est un contrat particulier qui répond à une réglementation spécifique, déconnectée du droit de la consommation.
Ainsi, le loyer peut être réglementé dans des conditions bien différentes des prix à la consommation (cas des loyers HLM par exemple). Le projet de loi prévoit de sanctionner les manquements d’un professionnel mais le droit des rapports locatifs ne distingue pas la qualité de professionnel ou de non-professionnel du bailleur. Les seules distinctions tenant à la qualité du bailleur, qui existent, sont celles concernant les bailleurs organismes HLM, les bailleurs personnes morales et les bailleurs personnes physiques. Le texte ne concernera que la vente de biens ou la fourniture d’un service.
Or le locataire, lui, ne bénéficie pas d’une prestation de service mais du transfert du droit de jouissance d’un logement, c’est à dire du droit d’utiliser le bien pour ce qu’il est : un logement. Les dangers de faire entrer le droit des rapports locatifs dans l’action de groupe prévue par le code de la consommation Pour la CGL, si l’action de groupe prévue par le code de la consommation avait vocation à s’appliquer aux relations bailleurs-locataires, il y aurait une vraie difficulté à déterminer la qualité de professionnel ou non d’un bailleur. En effet, l’action de groupe ne sera ouverte qu’à l’encontre des professionnels.
Mais qu’est-ce qu’un bailleur professionnel ? Comment les locataires pourront-ils a priori savoir si l’action de groupe leur est ouverte ?
Rien dans la législation ne permet aux locataires de disposer de cette information car le droit des rapports locatifs ne connaît pas la distinction entre un bailleur professionnel et un bailleur non-professionnel. Le cas des logements gérés par des mandataires professionnels La spécificité du droit des rapports locatifs semble exclure la possibilité pour plusieurs locataires d’agir à l’encontre d’un mandataire professionnel. Dans tous les cas, ce point suscitera des difficultés d’interprétation.
En effet, le locataire qui traite avec l’agence mandataire du bailleur n’a aucun lien juridique avec ce professionnel. D’ailleurs, les candidats locataires ne signent aucun contrat avec une agence dans le cadre de leurs démarches de recherche de logement1. On peut même se demander si l’agence immobilière agissant pour le compte d’un non-professionnel (le bailleur) pourrait relever d’une action de groupe en cas de manquement à ses obligations ? Selon la CGL, la réponse doit être négative puisqu’il n’y a pas de contrat entre l’agence et le locataire.
Cependant, il est difficile aujourd’hui de savoir quelle sera l’interprétation des tribunaux sur ce point. La nécessaire création d’une action de groupe spécifique en matière de baux d’habitation réservée aux associations représentatives des locataires Une telle action permettrait aux locataires dont le même bailleur est responsable d’un même manquement, d’agir afin d’obtenir réparation de ce manquement, quelle que soit la qualité du bailleur. Seraient concernés tous les manquements aux dispositions régissant les rapports locatifs (loi de 48, loi du 6 juillet 1989, location meublées, locations HLM…).
Les associations représentatives des locataires sont reconnues par les pouvoirs publics, siègent à la commission nationale de concertation et sont habilitées à passer des accords collectifs avec les organisations nationales représentatives de bailleurs. Certes, toutes les associations représentatives de locataires sont également des associations de consommateurs agréées mais l’inverse n’est pas vrai. Dès lors, admettre qu’une association de consommateurs qui n’est pas en même temps une association de défense des locataires, puisse représenter des locataires dans le cadre d’une action de groupe, remet en cause toute la construction du syndicalisme logement mis en place depuis plusieurs décennies en France. La CGL demande la création d’une action de groupe spécifique qui permettrait de lutter contre les abus dans le secteur du logement. L’instauration d’une telle action permettrait de protéger efficacement les locataires.
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