Par Alexander Darwall, gérant du fonds Jupiter Global Fund European Growth
Il est nécessaire de distinguer clairement les difficultés traversées par la zone euro et les perspectives pour les multinationales européennes, couronnées de succès à l’échelle mondiale. Nous pensons que le monde a changé : au cours des dernières années, les entreprises européennes sont devenues plus internationales que jamais et, plus encore, la qualité du business model prend le pas sur la géographie. De plus en plus souvent, il y a peu de corrélation entre les activités d’une compagnie et ses perspectives d’une part, et le pays où elle est cotée d’autre part. En tant que gérants de fonds, nous nous concentrons sur les opportunités propres à une entreprise donnée et la manière dont ces entreprises peuvent éviter les problèmes macroéconomiques de la zone euro. Heureusement pour nous, un grand nombre d’entreprises remplissent ces critères.
Il y a principalement trois raisons pour lesquelles les entreprises européennes deviennent de plus en plus internationales : le fait que les marchés émergents ont impulsé une nouvelle demande, la tradition commerciale des entreprises européennes qui leur permet d’en tirer profit et, enfin, les nouvelles technologies combinées à une certaine libéralisation, qui font que ces marchés étrangers sont plus accessibles qu’avant. Ainsi, nous pensons que les opportunités, le désir et les moyens existent. Ceci se reflète dans la rentabilité des entreprises européennes, qui reste impressionnante. Pour les business models gagnants, le fait qu’ils soient basés en Europe n’est pas une barrière pour réussir au niveau international.
Mais la question reste de savoir si cette tendance peut s’inverser. La création de richesse est tirée par les gains de productivité qui, eux, sont menés par les progrès technologiques et la libéralisation. Il reste encore de nombreuses manières de tirer pleinement profit des nouvelles technologies alors que la libéralisation continue, et ceci sera un facteur important pour la croissance économique mondiale. Bien sûr, le protectionnisme reste la grande menace. Cependant, cela ne devrait pas empirer dans le futur : nous pensons en effet qu’il est plus difficile pour les gouvernements de mener des politiques économiques protectionnistes à l’ère de la technologie digitale. Nous pensons donc que les opportunités de mondialisation pour les entreprises européennes sont bien établies et qu’elles persisteront.
Cependant, toutes les entreprises ne pourront pas profiter de cette tendance. Pour tirer parti des opportunités mondiales, les entreprises devront remplir deux critères : elles doivent avoir quelque chose de « spécial » au niveau mondial, et elles devront être capables de devenir « internationales » facilement. L’Europe possède de nombreuses entreprises qui excellent et qui peuvent réellement être considérés comme des leaders mondiaux dans leur secteur d’activité. Mais elles doivent aussi se montrer flexibles et ne pas dépendre uniquement de l’Europe. Pour ces raisons, nous avons tendance à favoriser les entreprises dont l’activité se fonde sur des concepts propriétaires (brevets, propriété intellectuelle, etc.) qui peuvent être facilement exportés, au détriment d’entreprises certes très capitalistiques mais dont les actifs sont bien plus difficiles à mouvoir. Nous essayons de choisir des entreprises suffisamment flexibles pour améliorer leur structure de coûts en saisissant des opportunités au niveau mondial et qui peuvent répondre à l’émergence de cette nouvelle demande croissante à travers le monde.