La Communauté d’Agglomération de La Rochelle, en partenariat avec l’AFIC et la CDC, permettait à 7 entreprises du secteur des NTIC de promouvoir leur projet auprès d’investisseurs grâce à l’opération « Evénement Capital du Numérique ».
Présent lors de ces rencontres, Gilles Babinet, multi-entrepreneur français et nommé « Digital Champion » par la Ministre Fleur Pellerin expose son point de vue sur les fonds régionaux et nous livre son expérience. Gilles Babinet représente la France auprès de la Commission Européenne pour les enjeux liés au numérique.
Gilles BABINET note tout d’abord qu’il existe en région des compétences rares et qui méritent d’être valorisées. Les bridges ont parfois été difficiles à réaliser, et il lui a été donné plusieurs fois de constater que le succès et l’échec ne sont souvent pas très loin l’un de l’autre. Cela ne dépend bien souvent que de la négociation avec un tribunal de commerce, de l’attitude d’un membre de conseil d’administration au sein d’un collectif d’investisseurs, ou du respect qu’un client a de ses engagements.
Il y a donc plusieurs formes de capital-risque, et plusieurs formes de risques. Lorsque l’on est sur des risques maîtrisés, avec des revenus qui augmentent de façon progressive, c’est évidemment très différent de la biotechnologie, où l’on cherche à développer de la propriété intellectuelle sans avoir le moindre revenu jusqu’à la vente potentiellement chère de la société. Il est donc important d’évaluer la probabilité de se situer dans une pente de financement accessible et compatible avec l’écosystème français.
L’écosystème français est marqué par une approche un peu trop fondée sur l’excellence de la technologie. S’il y a une bonne technologie, on est convaincu que cela va marcher. A l’occasion d’un speed-dating d’entrepreneurs, sur dix projets présentés, aucun n’avait consacré une part au marketing. Critiqués, les entrepreneurs ont répondu que cela n’était pas nécessaire, car ils étaient B2B (business to business). Ils ont été étonnés d’apprendre que STMicroelectronics ou Dassault Systèmes consacrent davantage d’argent à la recherche en marketing qu’à la R&D. Un développement coûte très vite des dizaines de millions de dollars ou d’euros : si vous n’avez pas une compréhension extrêmement fine de l’impact de votre développement sur le potentiel du marché, vous risquez de perdre ces millions.
Ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui, mais il est quand même étonnant de constater que, dans le domaine du prêt participatif à la consommation, les taux d’incidence sont jusqu’à deux fois inférieurs à ceux des comités d’investissement bancaire. Gilles BABINET confirme qu’il s’agit d’un problème. La régulation bancaire en France est une régulation ancienne, qui protège les banques françaises. Il a rencontré le président sortant de la FCC (Federal Communications Commission), qui admet volontiers que son travail est d’aider le made in USA, en ajoutant que lorsque le peer-to-peer lending est arrivé, il a immédiatement proposé à Barack OBAMA une nouvelle régulation. Il n’y a pas du tout la même perception de la nécessité de l’innovation en France et la régulation est puissamment défendue par des lobbys très constitués.
En ce qui concerne les sociétés régionales ou interrégionales d’amorçage dans le numérique, il faut considérer l’aspect véhicule (le FIP) et l’aspect localisation ou non des fonds. Il faudrait pourtant simplifier ce panorama, et des Assises du financement de l’innovation serait une bonne chose, notamment si elles aboutissaient à la décision de réduire le nombre d’acteurs. Cela ne va pas forcément faire plaisir aux personnes qui représentent les régions, mais on sait qu’il existe deux types d’entrepreneurs : les chasseurs de primes et les chasseurs de clients. Il pense que la taille critique pour avoir un niveau d’expertise dans une équipe est très élevée. Une deuxième phase du capital-risque a débuté, avec des équipes constituées qui ont connu des échecs et que cela a rendues meilleures. C’est là-dessus qu’il faut asseoir le développement. Il est assez inquiet des initiatives politiques et réglementaires qui font que l’on crée une multitude de nouvelles équipes. L’expérience est le critère essentiel. Les premiers investissements sont toujours des erreurs : c’est une constatation qui est faite par tous les entrepreneurs lorsqu’ils analysent leurs débuts.
L’enseignement que l’on pourrait en tirer est que le marché ne fournit pas une offre à la mesure de la demande d’amorçage des start-ups. Sur les fonds d’investissement, 5 % seulement sont actuellement réservés à l’amorçage. Cela pourrait-il être le syndrome de l’échec qui incite à la sur-réaction, du côté du risque (aversion excessive) autant que du côté du rendement (conception erronée du succès) ?
---------- découvrir les lettres et newsletters d'Esteval Editions ----------