De Michaël LEVY, Associé - Gérant de FLEX 360 - Responsable de la multigestion chez 360 AM
Les temps sont difficiles, pour les stratégistes et les gérants allocataires. La cause de ces complications ? La sortie désormais programmée de la politique d’assouplissement quantitatif de la Fed a pris de court les investisseurs, rompant brutalement avec un environnement de marché qui favorisait jusqu’ici l’obligataire.
Une déstabilisation qui a été renforcée par d’autres facteurs d’inquiétude en provenance des pays émergents, comme la crise de liquidité sur le marché interbancaire chinois et le regain de tension socio-politique en Turquie et au Brésil. Résultat : un mouvement de purge généralisé dont pas une classe d’actifs n’est sorti indemne, reflet d’une recorrélation à la baisse de l’ensemble des marchés.
Cette nouvelle phase de stress de marché a logiquement affecté les produits de taux. Valeurs refuge d’hier, les Bunds et Tbonds ont ainsi vu leur rendement à 10 ans se tendre respectivement à 1,8% et 2,6%. Mais ce fut aussi le cas des actifs risqués, matières premières, crédit et actions réunis, qui ont tous reculé de concert. Même le dollar, en dépit d’une configuration favorable, est parvenu, dans un premier temps, à s’affaiblir face à l’euro.
La convergence de ces tendances baissières a pris en défaut la plupart des stratégies d’investissement. Ont été impactées les stratégies Long Only, bien sûr, structurellement exposées aux marchés. Mais ce fut aussi le cas des stratégies Total Return, dont des effets devises défavorables ont souvent compensé le raccourcissement opportun des durations et des dispositifs de couvertures mis en place au court des derniers mois. Autre exemple : les stratégies de type Smart Bêta ont été pénalisées par le changement de régime de volatilité. Les stratégies alternatives ont, à l’exception des « market neutral », toutes cédé du terrain, pour les mêmes raisons. Sans doute devons-nous nous habituer à subir des chocs de liquidité, comme le récent et spectaculaire mouvement des taux d’emprunt du Portugal.
Est-ce pour autant l’amorce d’une nouvelle phase de bear market généralisé ? Non. Certes, trois foyers de risques continuent d’inquiéter : les déséquilibres croissants sur les marchés émergents, les doutes sur la soutenabilité des dettes européennes et les incertitudes sur l’agenda de la Fed. Toutefois, ces éléments secrètent leurs propres contrepoids et ne portent pas en eux-mêmes les germes d’un krach ou d’une perte de contrôle de l’obligataire américain (la Fed conditionne en effet la fin de sa stratégie accommodante à une embellie conjoncturelle durable). Après cet épisode de tension récent, essentiellement dicté par des phénomènes techniques de flux, les investisseurs devraient donc retrouver une grille de lecture fondamentale des marchés, favorisant un mouvement mécanique de décorrélation entre classes d’actifs. C’est une bonne nouvelle, pour les stratégistes et autres allocataires, dont les opportunités de diversification devraient dès lors se multiplier.
L’environnement de marché actuel milite donc pour rééquilibrage des portefeuilles entre marchés d’actions et marchés de crédit et plus généralement, pour des prises de positions plus contrariantes.
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