Par Dylan Baron, gérant Actions chez Quilvest Gestion
Les marchés boursiers du Vieux Continent vont mieux ! En dépit du déficit de croissance chronique auquel reste confrontée la zone Euro, le profond mouvement de revalorisation des actifs européens, initié depuis mars 2009, a permis à plusieurs segments de la cote de revenir à leurs niveaux d’avant crise. C’est le cas de plusieurs secteurs au profil cyclique, comme les valeurs industrielles, qui s’échangent aujourd’hui environ 8% au dessus de leur cours de juillet 2007, ou les titres automobiles, dont la courbe de valorisation s’est totalement normalisée.
Mais attention. Jouer le rebond des actions les plus cycliques n’est pas dénué de risques. Le piège des « value-trap », ces valeurs a priori sous-valorisées dont le rebond peine à se matérialiser, reste courant. Intéressons-nous au parcours boursier et aux perspectives de valorisation de deux secteurs, les matières premières industrielles et les financières.
Le retard des sociétés minières européennes doit-il être considéré comme une opportunité d’achat ? Pas vraiment, si l’on analyse la vigueur des fondamentaux. Le ralentissement de la croissance chinoise plombe les cours des métaux depuis deux ans : unanime, la baisse a conduit le fer, l’aluminium, le cuivre, le zinc et le nickel à se déprécier entre 30 et 50%. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que l’offre excède la demande de cuivre de 5%, de zinc de 9%, d’aluminium de 21%. En effet, les stocks sont au plus haut depuis dix ans.
Et du côté microéconomique, pas plus d’enthousiasme. Tant que les stocks demeurent à de tels niveaux, sans le moindre signe d’inversion de tendance, il est très difficile pour les compagnies minières d’améliorer leur rentabilité. D’autant que certaines d’entre elles subissent aujourd’hui des dépréciations d’actifs sur les acquisitions qu’elles ont réalisées dans le secteur, lorsque les prix des métaux étaient à leur apogée.
Encore très décotées, les banques doivent de leur côté leur sous-performance à deux facteurs majeurs.
Premièrement, les établissements bancaires européens ont dû s’engager dans une importante mutation structurelle, afin de répondre aux nouvelles exigences réglementaires qui ont émergé après la crise des subprimes. Pour garantir durablement la stabilité du système financier européen, les ratios de fonds propres imposés aux banques par la directive Bâle III ont fortement érodé la rentabilité des établissements. Cette mobilisation en capitaux propres a nécessité l’assainissement de leur bilan, via la cession d’actifs toxiques ou de certaines de leurs filiales à risque. C’est en partie ce qui a pesé sur la valorisation boursière du Crédit Agricole, impacté par la coûteuse cession de sa filiale grecque Emporiki.
Autre catalyseur baissier, la forte sensibilité des valeurs bancaires aux tensions récurrentes éprouvées par la zone Euro, qui altère leur rebond. Chaque accès de stress, d’origine politique ou financière, a systématiquement provoqué une correction boursière du secteur. Pour preuve, les décrochages subis par les bancaires, en mars dernier, lors de la crise de solvabilité à Chypre et de la crise gouvernementale italienne, ou plus régulièrement lorsque ressurgit la crise grecque. Il est d’ailleurs étonant d’observer à quel point l’évolution des valeurs bancaires (indice DJ Stoxx Banks) est corrélée à celle de la courbe des taux d’emprunt grecs à 10 ans : depuis mars 2009, chaque période de hausse des taux grecs s’est traduite par une nette correction en bourse. Et inversement.
En somme, les valeurs bancaires apparaissent comme le baromètre le plus fidèle de la crise en zone Euro. Résultat, mieux vaut jouer le secteur de façon tactique, pondérée et circonstanciée, au gré des phases d’apaisement, ou au contraire, d’instabilité en zone Euro, plutôt que de parier sur une reprise linéaire et massive. Tous les secteurs ne sont décidément pas égaux, a fortiori en période de « recovery » !
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