Par Ariel Bezalel, gérant du fonds Jupiter Dynamic Bond, chez Jupiter AM.
Les Etats-Unis réunissent les ingrédients nécessaires à une reprise durable. A l’opposée, l’Europe reste dans une mauvaise passe.
Du côté des Etats-Unis, un des principaux sujets d’interrogation est l’avenir de son programme de rachats obligataires et des taux d’intérêts. Selon nous, les taux américains ne devraient pas remonter prochainement malgré les signaux envoyés par les marchés monétaires qui laissent supposer une remontée des taux d’ici mi-2014. En effet, nous pensons que la Réserve Fédérale va vouloir s’assurer qu’une certaine vitesse de croisière a été atteinte par l’économie avant d’envisager une remontée des taux. Nous pourrions assister d’ici la fin 2013 à une légère diminution des rachats d’obligations, mais la banque centrale voudra sans doute constater avant cela de meilleurs chiffres concernant l’emploi.
Une des autres préoccupations de la Réserve Fédérale est le faible niveau de l’inflation. L’indice des prix à la consommation (i.e. l’indice core PCE, c'est-à-dire hors nourriture et énergie) s’établit à seulement 1,1%, un niveau bien trop proche de la déflation pour pouvoir être satisfaisant. Le mini ralentissement que les Etats-Unis connaissent actuellement n’est probablement que le résultat du resserrement budgétaire le plus draconien en un demi-siècle que le pays a connu et devrait se résorber d’ici la fin de l’année.
Selon nous, l’objectif de la Réserve Fédéraleest de refroidir l’ardeur des marchés, actions et du crédit, et de faire en sorte que les investisseurs soient mieux préparés pour un changement de politique dans les 12 prochains mois. Dans ce scénario, les taux d’emprunt américains devraient remonter sur la période, mais nous ne devrions a priori pas assister au même phénomène qu’en 1994, lorsque la Fed avait relevé les taux brutalement et les prix des obligations avaient fortement chuté.
Pour de nombreux observateurs, ce changement de ton de la part de la Réserve Fédérale est la principale raison de la volatilité actuelle du marché obligataire. Selon nous, la faiblesse économique des marchés émergents est aussi un facteur important. Les spreads des obligations des marchés émergents se sont considérablement élargis, ce qui a augmenté le risque de crédit à tous les niveaux.
Paradoxalement, la situation fait que les obligations corporate européennes nous semblent relativement plus attractives que celles d’outre-Atlantique, même si les investisseurs doivent rester sélectifs. L’amélioration des perspectives économiques américaines accroît le risque que les taux d’intérêts augmentent trop vite, créant une fuite des investissements hors des obligations investment grade et high yield. D’un autre côté, en Europe, la faiblesse des indicateurs économiques devrait maintenir un plafond sur les taux d’emprunt, obligeant les investisseurs à se tourner vers les obligations corporate pour de meilleurs rendements. Mais il faut rester prudent, car l’Europe est encore dans une passe dangereuse : en Italie, les données bancaires montrent une augmentation de 22% des prêts non productifs sur l’année glissante et une baisse de 2% des crédits accordés. La situation de pays comme la France empire et celle de l’Allemagne commence à être problématique, d’une part du fait de la stagnation européenne, et d’autre part du fait de la menace que fait peser la dévaluation du yen sur les exportations allemandes. Malgré tout, au Royaume-Uni par exemple, on peut trouver de belles opportunités mais qui ne sont peut-être que temporaires étant donné la réticence continue des banques à accorder des crédits.
Ailleurs dans le monde, l’attractivité des obligations souveraines mexicaines tient notamment aux profondes réformes structurelles mises en œuvre dans le pays et à la manne que représente le nombre croissant d’entreprises américaines qui choisissent de relocaliser au Mexique leurs usines auparavant implantées en Extrême-Orient.
La situation en Chine joue un rôle prépondérant dans notre décision d’investir dans les obligations souveraines australiennes. En effet, la croissance de l’économie devrait ralentir significativement à cause de la baisse de la demande chinoise de matières premières australiennes. Les prix des obligations souveraines australiennes devraient monter à mesure que le marché valorisera les futures baisses de taux qui ne devraient pas manquer d’avoir lieu d’ici la fin de l’année pour stimuler l’économie du pays.
Enfin, dans ce contexte, nous restons fidèles à notre stratégie d’investissement. Pour nous, il est important de ne pas se fier à la volatilité à court terme ni au bruit ambiant, mais uniquement aux fondamentaux, qui sont les meilleurs indicateurs de la manière dont l’économie mondiale, notamment américaine, se comportera dans les mois à venir. Les Etats-Unis montrent les signes les plus tangibles d’une reprise durable ce qui nous incite à favoriser le dollar américain. Et si l’appétit des investisseurs venait à s’amenuiser, il devrait bénéficier de son statut de monnaie de réserve.
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