Les raisons de ce rally haussier durable, alors même que notre Vieille Europe est ancrée dans un environnement économique récessionniste et de déficit compétitif structurel face à ses concurrents asiatiques et nord-américain ?
D’une part, l’amélioration globale de la situation politique en zone euro, où les dirigeants mettent tout en œuvre pour réaliser les mesures d’austérité nécessaires et pour converger progressivement vers une union budgétaire et fiscale. Les ministres des finances européens et les bailleurs de fonds de la Grèce sont d’ailleurs arrivés à un accord sur le dossier hellène, même si les concessions sociales, économiques, seront douloureuses à court/moyen terme pour la population grecque.
D’autre part, l’action monétaire massive de la BCE porte ses fruits. Le programme de prêts accommodants aux établissements bancaires (prêts de 489 milliards d’euros à 1%, aux banques européennes en décembre) a permis de garantir la solvabilité de ces derniers et a favorisé l’afflux de liquidités sur les marchés obligataires. Cette forme de « Quantitative Easing » (assouplissement quantitatif) à l’européenne a fortement contribué à la stabilisation des marchés obligataires, par la baisse significative et généralisées des taux de financement des dettes souveraines. Au fil de leurs adjudications obligataires successives, des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie ont en effet pu se refinancer auprès des investisseurs, à des coûts bien plus soutenables : désormais 2.90 % pour l’OAT française à 10 ans (contre 3.7% en novembre), 5% pour l’emprunt espagnol à 10 ans (contre 6.70 en novembre), 5.70 % pour l’emprunt italien à 10 ans (contre 7.25% en novembre). Ce mouvement de normalisation généralisée a initié le retour progressif des investisseurs sur les classes d’actifs risquées, au cours de ces dernières semaines. De ce point de vue, la seconde phase du programme de prêts aux banques par la BCE lancée le 29 février (à hauteur de 1 000 milliards), est attendue comme un facteur de soutien de taille pour les marchés d’actions européens.
Néanmoins, en dépit des performances appréciables des indices européens, le retour progressif de l’appétence des investisseurs pour les actions demeure jusqu’à présent orienté vers les marchés émergents et américains (l’indice MSCI Emerging a progressé de 14% en janvier !). Il existe une sélectivité géographique des actifs, stigmatisant quelque peu la zone euro, preuve que le regain de visibilité sur l’Europe ne suffit pas encore à dissiper toutes les incertitudes, majoritairement liées à la résolution du cas grec mais aussi aux défis structurels de croissance auxquels la zone est confrontée. Car après avoir mené la première étape du plan de relance, par le pacte fiscal et budgétaire (« moins de dépenses »), par l’austérité et la régulation (taxe sur les produits financiers), l’Europe ne pourra pas faire l’économie d’un deuxième chantier, celui de la stimulation de la croissance par la compétitivité (« plus de croissance »). Nous estimons que le premier volet était évidemment indispensable pour sauver l’Europe et ses finances publiques, mais il comporte paradoxalement aussi le risque de « saper » le second volet, celui de la croissance.
Dans ce contexte, nous sommes convaincus qu’il existe des opportunités d’achats sur les marchés actions européens, d’autant que leurs niveaux de valorisation demeurent relativement faibles. Le programme d’assouplissement quantitatif des Banques Centrales, qu’il soit clairement affiché comme aux Etats-Unis (« QE III » très probable de la Fed dans les prochaines semaines) ou plus intermédié à l’image de l’action de la BCE, est de nature à soutenir durablement les marchés d’actions dans les prochains mois.
Cette stimulation monétaire de part et d’autre de l’Atlantique est également propice à des mouvements de fluctuation des devises dans les prochaines semaines. Nous nous attendons à voir la monnaie unique continuer de s’apprécier face au dollar, jusqu’à la fin du mois de février (euro proche de 1.40 $ d’ici la fin février ?) et le déploiement de la seconde tranche de prêts aux banques de la BCE. L’action de la BCE devrait atteindre l’objectif affiché, affaiblir l’euro par le déversement de flux de liquidités sur les marchés. L’euro pourrait alors retomber vers une parité à 1.25$, avant un nouveau rebond haussier sous l’effet du lancement du « Quantitative Easing III » par la FED aux Etats-Unis, qui vise naturellement à affaiblir le dollar.
Fabrice Cousté, DG de CMC Markets France