Jean-François Buet, Président de la FNAIM, Eric Derely, Président de Plurience et Etienne Ginot, Président de l’UNIS adressent ensemble un message d’alerte à Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les très graves conséquences qu’auraient certaines mesures envisagées dans le projet de loi Logement et urbanisme.
Monsieur le Premier Ministre,
Notre profession est indignée.
Nous avons la conviction de nous être prêtés, depuis plusieurs mois, à un travail sérieux et constructif lors de la concertation conduite par vos services.
Nous pensions avoir été entendus.
Toutefois, selon les informations qui nous sont fournies - les textes n'ayant pas été portés à notre connaissance - nous sommes très inquiets sur certaines mesures et avons tout lieu de penser que nous n'avons pas été écoutés.
Nous ne voulons pas parler des mesures techniques sur l'équilibre des rapports entre bailleurs et locataires ou sur la gouvernance de nos copropriétés, pour lesquelles il nous semble possible de trouver certains consensus. Nous souhaitons faire référence aux pistes, à priori retenues, concernant :
- les honoraires de location et de syndic de copropriété ;
- la gestion des comptes de copropriétés ;
- l’organisation de la garantie des loyers.
Nous en sommes persuadés : les réformes envisagées iront à l’encontre des intérêts des locataires, des bailleurs et des copropriétaires. Elles bouleverseront le modèle économique de la profession ainsi que l’emploi dans nos entreprises. En somme, elles semblent directement conduire à la faillite de tout un système. Nous voulons l’éviter.
Concernant les honoraires de location, la suppression ou la forfaitisation de la part due par les locataires engendrera inévitablement l’abandon de leur protection et entrainera des dysfonctionnements tels que le retour des « dessous de table » et des marchands de listes. La perte conséquente de chiffre d’affaires, évaluée à hauteur de 400 millions d’euros, entrainera la suppression de 10 000 emplois d'agents de location et une baisse de 80 millions d’euros de TVA collectée. De tels risques ne sont pas acceptables.
Concernant les honoraires de syndic de copropriété, la forfaitisation des prestations complémentaires, dans un cadre corseté, conduira à appauvrir l’offre de services et à restreindre son adaptation aux besoins des consommateurs. Comment mobiliser les syndics de copropriété dans la mise en œuvre de l’ambitieux plan de rénovation énergétique, si leur rémunération s’inscrit dans un cadre administré ? Pourquoi remettre en cause unilatéralement, sans nouvelle négociation entre professionnels et consommateurs, un accord paritaire qui a longuement été négocié, durant 6 mois, sous l’autorité du CNC et entériné par l'arrêté Novelli ?
Concernant la gestion des comptes bancaires de copropriété, nous ne comprenons pas cet acharnement à empêcher les copropriétés de choisir. Pour sécuriser le consommateur, nous avons fait des propositions de renforcement des contrôles des fonds mandants par des garants habilités, sous l’égide de l'Autorité de Contrôle Prudentiel. Plutôt que supprimer une liberté, il eût été plus équitable de renforcer un mécanisme de sécurisation qui rende caduque la discussion passéiste sur la nature du compte.
Concernant la garantie des loyers, nous sommes fermement opposés à un nouveau mécanisme de taxation, même partagé entre bailleur et locataire, pour des raisons d'expérience et de vécu. En matière d'impayés, rendre service au locataire défaillant, c'est avant tout agir vite. La "machine" administrative que l'on nous prépare sera ubuesque ! Comment pourra-t-elle gérer un volume de 6 millions de logements, et de 400 000 sinistres, alors qu'aujourd'hui l'APAGL ne parvient pas à administrer quelque 20 000 sinistres ? Là non plus, nos propositions ne sont pas entendues, alors que nous-mêmes, professionnels, avons fait les frais de l'échec de la GRL actuelle. Nous renouvelons donc notre proposition de mettre en place un référentiel de recouvrement qui, en s’appuyant sur le professionnalisme des intermédiaires, aidera les seuls locataires de bonne foi et réconciliera les bailleurs avec l'investissement immobilier. C’est notre intérêt commun.
Monsieur le Premier Ministre, notre message est un message d'alerte. Il nous semble encore possible de corriger certaines mesures que nous considérons comme essentielles pour la sécurisation des consommateurs et des bailleurs, et pour l’avenir de notre profession.
Dans l’espoir d’aboutir à une réforme juste restaurant la confiance des ménages et le moral des entreprises, nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’expression de notre haute considération.
Jean-François BUET - Président de la FNAIM
Eric DERELY - Président de PLURIENCE
Etienne GINOT - Président de l’UNIS
Copie à :
- Madame le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés.
- Madame le ministre du Logement et de l’Egalité des territoires.
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