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Une tour de Babel en construction ?

Dans ses Lettres persanes, Charles de Secondat, Baron de Montesquieu, considérait ce grand magicien qu’est le Roi : « il exerce son empire sur l’esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. S’il n’a qu’un million d’écus dans son trésor et qu’il en ait besoin de deux, il n’a qu’à les persuader qu’un écu en vaut deux, et ils le croient ». Les fluctuations du marché des changes ont gagné en importance au cours des derniers mois et l’amplitude des mouvements enregistrés n’est pas sans incidence sur les portefeuilles boursiers. Ces derniers, diversifiés comme il se doit et donc investis à l’international, sont bel et bien soumis à la loi des cambistes et des Etats qui, soucieux de payer leurs dettes rêvent de monnaies faibles.
Au XVIIIème siècle, Anne Robert Jacques Turgot, fort de son expérience de contrôleur des finances, écrivait « on ne peut évaluer une monnaie qu’en une autre monnaie ; de même qu’on ne peut interpréter les sons d’une langue que par d’autres sons ». Quand Euro et Dollar se veulent tous deux faibles, quand l’or a retrouvé avec panache et dans le consensus son statut de valeur refuge, quand les Etats falsifient leur budget pour éviter la perte de toute légitimité, les portefeuilles d’actions n’ont qu’à bien se tenir. La valse des devises ne fait que commencer et il faudra désormais la compter comme un paramètre central dans la gestion des portefeuilles.
Comment y voir clair ? En fait d’interprétation des sons d’une langue et de dialogue, nous assistons à la construction d’une nouvelle Tour de Babel. Celle-ci s’érige avec les risques que l’on sait. Pour preuve, il y a quelques semaines, à la veille du vote de l’austérité en Grèce, les confrontations entre policiers et manifestants dans les rues d’Athènes n’ont pas desservi l’Euro. Bien au contraire. La monnaie unique européenne s’est considérablement appréciée contre le billet vert au cours des heures qui ont suivi. Pari du marché sur le succès d’un sauvetage plus qu’incertain ou inquiétudes liées aux anticipations d’un été difficile à venir pour la dette américaine ? Tout est affaire d’interprétation mais il y a de quoi y perdre son latin !
On nous promet un été chaud et le changement climatique n’y sera pour rien. Aujourd’hui, la magie du Roi n’a, sur le long terme, que peu prise sur les investisseurs contemporains qui méditent depuis une trentaine d’années la leçon que Georges Soros a infligée à la Banque d’Angleterre en septembre 1992. Rendez-vous à la rentrée !



Thierry Bisaga

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