Un niveau toujours très élevé mais de nombreux indicateurs
basculent déjà au vert
Depuis 6 mois, le niveau des procédures se stabilise, mais la véritable décrue va être difficile à amorcer
Le groupe Altares,
expert historique et référent de la donnée d’entreprises, dévoile aujourd’hui
les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 1er trimestre
2025. Avec 17 845 procédures collectives ouvertes depuis le 1er janvier, le T1
2025 se clôture sur une hausse de 4,4% des défaillances. Un niveau très élevé mais une faible
augmentation confirme le « pic durable » déjà identifié à l’issue du 4e
trimestre 2024. À fin mars 2024, le nombre de procédures bondissait encore de +29%
et il explosait de +53% à fin mars 2023. Depuis 6 mois, le volume des
défaillances sur 12 mois glissés s'est stabilisé aux environs de 68 000. Un
plateau qui laisserait entrevoir la possibilité d’une décrue des faillites.
Le bilan reste toujours
très lourd pour les plus grandes PME et ETI, portant à 71 000 le nombre
d’emplois menacés, soit le niveau le plus haut depuis la crise financière de
2009 (73 000).
- 17 845 défaillances
au T1 2025, un niveau bien supérieur à la moyenne des T1 sur 15 ans (15 300).
- Mars retombe sous la
barre des 68000 procédures sur 12 mois, tout juste franchie en janvier et
février.
- 64 PME de plus de 100 salariés ont fait défaut ce trimestre (+28%) … 1 sur 5 opère dans le secteur social ou médical.
- Le nombre d’emplois
menacés flambe à 71 000, jamais vu depuis la crise de 2009.
- L’agriculture, les
services informatiques et la restauration sont à la peine.
- Forte hausse des
défauts dans les Pays-de-la-Loire et la Corse.
Mais …
- L’augmentation du
nombre de défauts (+4,4%) est la plus faible depuis 4 ans.
- Les PME de 20 à 100
salariés respirent (-6%).
- Le bâtiment résiste,
le commerce passe au vert.
- Les régions
Centre-Val-de-Loire et Provence-Alpes-Côte-d’Azur sont en forte amélioration.
Selon Thierry Millon,
Directeur des études Altares : « Ce premier trimestre n’a pas encore
permis de voir le nombre des défaillances d'entreprises reculer mais l’orage
s’éloigne même si des nuages persistants nous invitent à rester prudents et
patients. Comme attendu, la sinistralité entrepreneuriale est circonscrite
depuis six mois autour de 68 000 défauts. Une stabilité portée en ce début
d’année par les plus petites structures comptant moins de 3 salariés. Les plus
grandes, au-delà de 100 salariés, accusent de leur côté une forte dégradation
qui pèse lourdement sur l’emploi. Bien que le chiffre global reste très élevé,
plusieurs activités passent au vert en particulier dans le B2C. C’est notamment
le cas du commerce de détail d’habillement (-15%) et, dans son sillage, du
commerce de gros de textile-habillement (-19%) et de sa fabrication (-22%). La
restauration peine en revanche à sortir de l’ornière. Le B2B tente de résister
dans l’industrie manufacturière mais est plus en peine dans les services. »
17 845 défaillances au
1er trimestre, un nombre toujours au plus haut
17 845 entreprises sont
tombées en défaillance entre le 1er janvier et le 31 mars 2025, soit une hausse
de 4,4% par rapport à la même période de 2024. Cette année encore, le volume
des faillites ne s’écarte pas encore nettement des 18 000 défauts, plafond
historique franchi en 2015. Nous restons très au-dessus de la moyenne des
défauts observés au 1er trimestre depuis 15 ans (15 300 en moyenne).
Avec 373 jugements
enregistrés ce trimestre, le nombre de procédures de sauvegarde est en hausse
de 6,9%. Les redressements judiciaires
(RJ) sont en hausse rapide de 7% pour 5 077 jugements prononcés.
De leur côté, les
jugements en liquidation judiciaire (LJ) augmentent moins vite (+3,3%). 12 395
LJ ont été prononcées, soit 69,5% de l’ensemble des procédures. Un taux de
liquidations directes qui retrouve ses valeurs traditionnelles après avoir
approché 80% pendant la période Covid.
Nombre de défaillances
d’entreprises par type de procédure par trimestre
(Données arrêtées au
1er avril de chaque année)
2021 T1 |
2022 T1 |
2023 T1 |
2024 T1 |
2025 T1 |
EVOLUTION T1 2025/24 |
MOYENNE 5 ANS |
||
Sauvegardes |
170 |
220 |
307 |
349 |
373 |
6,9 % |
284 |
|
Redressements
Judiciaires |
1 493 |
2 188 |
3 280 |
4 743 |
5 077 |
7,0 % |
3 356 |
|
Liquidations
Judiciaires directes |
5 743 |
7 564 |
10 730 |
11 996 |
12 395 |
3,3 % |
9 686 |
|
Total
défaillances |
7 406 |
9 972 |
14 317 |
17 088 |
17 845 |
4,4 % |
13 326 |
|
Total
Emplois menacés |
29 940 |
30 258 |
59 074 |
58 700 |
71 340 |
+ 12 640 |
49 860 |
|
Emplois
menacés par entreprise |
4,0 |
3,0 |
4,1 |
3,5 |
4,0 |
+0,6 |
3,7 |
Une amélioration portée
par les microentreprises, alors que les grosses PME-ETI souffrent encore
Les microentreprises de
moins de 3 salariés constituent l’essentiel des défauts (72%). Ce trimestre,
elles sont 12 867 à être tombées en défaillance, un nombre en augmentation de
seulement 3,6%.
3 507 TPE de 3 à 9
salariés ont fait défaut en ce début d’année, soit une augmentation de 8,8%.
Les PME de 10 à 99
salariés résistent beaucoup mieux : 1 407 d’entre-elles ont défailli contre 1 394
il y a un an, soit une quasi-stabilité (+0,9%).
En revanche, la
situation reste très difficile pour les PME-ETI de plus de 100 salariés : 64 structures ont
fait défaut au cours de ce premier trimestre, soit 28 % de plus qu’un an plus
tôt. 14 de ces défauts se situent dans le secteur du social (aide à domicile,
action sociale) ou médical (activités hospitalières).
Cette fragilité des
plus grandes PME pèse sur l’emploi global menacé : 71 400 postes sont
concernés, du jamais vu pour un T1 depuis la crise financière de 2009. Il y en
avait alors eu 73 700.
Les activités à
destination des consommateurs sont bien orientées, le bâtiment résiste mais les
services aux entreprises sont encore malmenés
1/ Le commerce de détail comme le commerce de
gros passent au vert
Les commerçants ont pu
souffler en ce début d’année. La vente au détail (2 131 ; -4%) et le commerce
interentreprises (735 ; -3 %) affichent des améliorations sensibles dans de
nombreux métiers. Longtemps en première ligne, l’habillement s’inscrit
désormais sur une trajectoire favorable. Le nombre de magasins en défaut chute
de 15%, soutenant l’activité des grossistes de textile-habillement (-19%) mais
aussi de la manufacture (-22%).
Le commerce du
bricolage et équipement du foyer bascule légèrement dans le vert
(-1%) loin de l’envolée
des défauts enregistrée un an plus tôt (+62%). Cette performance est portée par
le meuble qui résiste enfin après de longs mois sous tension.
Le secteur des sports
et loisirs en revanche est lourdement touché (+42%), particulièrement dans la
vente d’articles de sport.
La tendance est
également difficile du côté de la vente & réparation de véhicules (+8%).
2/ Les métiers de bouche reprennent des couleurs
Ce premier trimestre
2025, le nombre de défaillances de boulangeries est en recul de 3%, comme pour
les boucheries.
La restauration souffre encore avec une augmentation des défauts de 12% en restauration à table et 19% en restauration rapide.
3/ Parmi les autres activités de services aux
consommateurs, les soins vont mieux
Après avoir signé un
record de défaillances en 2024, la coiffure tente de résister (+3%) tandis que
les instituts de beauté signent une légère amélioration (-1%).
Parmi les autres
activités destinées aux consommateurs, celles relatives à la pratique du sport,
notamment les clubs, restent bien orientées. En revanche, la formation continue
pour adulte (+15%) et les auto-écoles (+24%) sont en difficulté.
Les activités santé
humaine et action sociale (+11%) restent fragilisées chez les grands acteurs
comme chez les plus petits. Ainsi, si le nombre de défauts est peu important,
il augmente sensiblement chez les médecins généralistes (+27%), infirmiers (+25
%) ou ambulanciers (+110%). Dans l’action sociale, la situation est également
tendue dans l’accueil de jeunes enfants (+75%) tout comme dans l’hébergement
social pour personnes âgées (+56%).
4/ La construction tient avec plusieurs activités
dans le vert !
Affecté par la crise de
l’immobilier depuis plusieurs trimestres, le secteur de la construction (+2%)
donne des signes de rebond dans quelques branches en ce début d’année.
C’est le cas du
bâtiment.
Le second œuvre est encore légèrement en dégradation (+2%) en dépit d’une
amélioration dans les travaux d'installation électrique (-3%) qui ne compense
pas la mauvaise tendance observée notamment en plâtrerie (+17%).
Le gros œuvre est à
l’équilibre grâce à une belle performance dans la construction de maisons
individuelles (-14%) tandis que la maçonnerie générale reste dans le rouge (+5%).
La promotion
immobilière reste dans une dynamique de fragilité (+21%) mais ce sont davantage
des défaillances de supports de programmes que d’acteurs de la promotion
immobilière de logements. En illustration de l’accalmie naissante dans
l’immobilier, le nombre de défauts d’agences immobilières recule de 17 % après
avoir atteint en 2024 son niveau le plus haut depuis l’été 2009.
En revanche, un point de tension est observé dans les travaux publics où les défaillances augmentent de 13%.
5/ Dans le B2B, les services aux entreprises sont
à la peine, l’industrie manufacturière résiste
Dans les services aux
entreprises
(+8%), la sécurité privée dérape de 40%, les services informatiques de
24%, le conseil en communication et gestion de 20% et le nettoyage de bâtiments
de 14%.
L’industrie
manufacturière (+5%)
est proche de la tendance globale (+4%). Une évolution qui masque de fortes
disparités. Le nombre de défauts s’envole dans l’activité bois, matériaux de
construction (+28%) et plus encore celle de l’énergie, eau, environnement (+70%),
en particulier la récupération de déchets. En métallurgie-mécanique (+11%), la
mécanique industrielle contient l’évolution des défaillances. A l’inverse,
outre la fabrication de textile-habillement (-22%), l’imprimerie est également
dans le vert (-10%) comme les activités de maintenance (-9%).
Le transport prend une
meilleure trajectoire ce premier trimestre. Le transport routier de marchandises
est dans le vert (-4%) tiré par le fret interurbains (-14%) alors que celui de
proximité est plus en difficulté (+10%). Le transport routier de voyageurs est
moins favorablement orienté (+20%), particulièrement chez les taxis (+21%).
6/ L’agriculture, en difficulté, peine à inverser
la tendance
Les activités de
cultures semblent globalement bien résister (+3%) en dépit de tensions toujours
très fortes en viticulture (+75%).
L’élevage, en revanche,
est sévèrement orienté (+29%) et plus particulièrement pour celui des vaches
laitières (+53%).
Sans céder à la
panique, il faudra suivre de près la tectonique des marchés !!
Thierry Millon conclut
: «
Dans un contexte politique, économique et géopolitique déjà compliqué, les
annonces du président américain troublent davantage les perspectives
économiques. S’il est trop tôt pour en mesurer précisément les effets, il
demeure que cette guerre commerciale va contraindre les dirigeants à devoir
corriger leurs prévisions de revenus, d’investissement, d’emploi et donc de
performance financière. La supply chain va être challengée et les trésoreries
très sollicitées. La gestion du cash avait sonné comme une évidence depuis la
Covid et la hausse des taux, il va falloir pourtant redoubler d’efforts sur
cette question pour tenir et sécuriser sa croissance.
Depuis quelques mois,
le volume des défaillances se stabilise à un niveau très élevé ; c’est aussi le
cas des retards de paiement calculés par Altares qui, après s’être rapidement
allongés de 2 jours en 2024, semblaient pouvoir se maintenir autour de 14 jours.
Un déclin progressif des retards et cessations de paiement était donc
envisageable pour 2025. Mais sans encore complètement renoncer à cet espoir, le
contexte international change la donne. Le risque commercial interentreprises
comme le risque pays remontent en haut de la pile. Dans le même temps, il va
falloir trouver de nouveaux partenaires d’affaires fiables pour pallier la
perte possible de certains contrats. Cette tectonique des marchés pourrait
alors renforcer la concurrence, renchérir les achats et dégrader les marges. »