Le point de vue de Paul Moreno Blosseville, Président d'Opale Capital.
Le 2 avril 2025, les
annonces de tarifs douaniers par M. Trump ont provoqué une réaction immédiate
et négative sur les marchés financiers. Depuis jeudi dernier, plusieurs indices
boursiers mondiaux affichaient des baisses significatives : le S&P 500 a
perdu 10%, le Nasdaq plus de 9%, le Topix près de 9%, le CAC 40, 11% et
l’Eurostoxx 50, 12%. Cette volatilité soudaine soulève des questions importantes
sur les répercussions de ces événements, notamment pour les marchés privés et
les stratégies d’investissement qui y sont liées.
Dans un tel contexte,
certaines approches peuvent devenir particulièrement pertinentes, comme
l’investissement dans des fonds de private equity récents, les fonds
secondaires, la dette privée tactique ou encore les co-investissements. Ces
stratégies pourraient bénéficier de dynamiques spécifiques provoquées par le
climat actuel.
Le marché des
fusions-acquisitions, qui s’attendait à un rebond en ce début d’année grâce à
un environnement économique favorable, voit ses perspectives s’assombrir. Les
baisses d’impôts et les promesses de déréglementation aux États-Unis
nourrissaient jusqu’alors l’optimisme. Mais l’annonce des tarifs douaniers a
brisé cet élan. Même si ces mesures ne sont pas encore concrétisées, leur
simple évocation suffit à installer un climat d’incertitude. Les investisseurs
se montrent plus prudents, les valorisations deviennent difficiles à estimer,
et les transactions peinent à se concrétiser. Pour les fonds de private equity
cherchant à céder leurs participations, cela complique sérieusement les
sorties.
À cela s’ajoutent les
effets cumulatifs des hausses de taux d’intérêt observées depuis 2022. Le coût
du capital a déjà freiné de nombreuses opérations. Avec la nouvelle donne
commerciale, les opportunités de cession se réduisent davantage. Les investisseurs
institutionnels se retrouvent en première ligne : ils doivent affronter l’effet
dénominateur, qui gonfle mécaniquement la part des actifs non cotés dans leurs
portefeuilles, et faire face à une pression accrue sur leur trésorerie, les
distributions des fonds de private equity s’étant raréfiées.
La conséquence directe
sur les marchés privés est double : une baisse des fusions-acquisitions et des
introductions en bourse, et une réduction des levées de fonds. D'un côté, les
fonds de private equity qui doivent vendre — notamment ceux des millésimes 2015
à 2020 — se retrouvent dans une position délicate. Ils devront revoir leurs
ambitions à la baisse en acceptant des valorisations inférieures à celles
espérées il y a encore quelques semaines. Du côté des levées de fonds, les
institutionnels, déjà en tension, hésitent à s’engager sur de nouveaux
véhicules d’investissement. Cette posture attentiste devrait se maintenir tant
que l’incertitude prédominera.
Pour autant, cette
période difficile ouvre aussi des fenêtres d’opportunité pour certaines
Les stratégies qui
apportent des solutions de liquidité :
• Les fonds secondaires, qui rachètent des participations dans des fonds existants, sont bien placés pour intervenir. Ils peuvent fournir de la liquidité aux investisseurs pressés de vendre, en profitant de décotes intéressantes. Une hausse des transactions secondaires est attendue, ce qui pourrait générer de belles occasions pour les acteurs de ce segment.
• Les fonds de crédits tactiques
pourraient également tirer leur épingle du jeu. Le ralentissement des
opérations de fusions-acquisitions va créer un besoin accru de financements
alternatifs. Ces fonds, capables de proposer des solutions sur mesure, seront
très sollicités. Ils pourront se permettre d’être plus sélectifs, concentrant
leurs efforts sur les entreprises les plus solides, et viser ainsi des
rendements plus élevés.
Pour les fonds de
private equity primaire, ceux en phase d’investissement, notamment lancés entre
2023 et 2025, sont en bonne posture. La baisse des valorisations leur offre un
terrain propice pour acquérir des actifs de qualité à moindre coût. Toutefois,
dans un environnement aussi incertain, la prudence s’impose. Les due diligences
seront plus longues, et une expertise sectorielle poussée devient un véritable
atout pour naviguer efficacement dans la tempête.
Enfin, les
co-investissements resteront un outil nécessaire pour les sponsors qui
l’utiliseront aussi bien pour finaliser des acquisitions compte tenu d’une
disponibilité de la dette qui devrait se contracter ainsi que pour fidéliser
les investisseurs potentiels pour les futures levées dans un contexte toujours
difficile auprès des institutionnels. Or, ces co-investissements, bien
qu’attrayants, pourraient devenir moins accessibles pour certains investisseurs
institutionnels, en raison de contraintes de liquidité. Ce recentrage pourrait
jouer en faveur des acteurs spécialisés dans cette stratégie, qui verront leur
expertise davantage recherchée. Ils auront la latitude de choisir avec soin les
projets auxquels s’associer.
Les récentes annonces de M. Trump ont provoqué un choc indéniable sur les marchés, mais elles ouvrent aussi des opportunités pour ceux capables d’analyser rapidement la situation et de s’y adapter. En misant sur les bons segments du marché privé — fonds en phase d’acquisition, fonds secondaires, stratégies de crédits tactiques, ou co-investissements pilotés par des experts — il est possible de tirer parti de la volatilité actuelle. À condition bien sûr d’adopter une approche stratégique, rigoureuse et agile.