Par Paul Brain, Newton Fixed Income
En ce début d’année 2012, des risques importants continuent de peser sur l’économie mondiale du fait de la poursuite du processus de désendettement mené au sein de pays surendettés. La majorité des risques sont liés au fait que les autorités du monde développé sont contraintes de conserver des politiques monétaires ultra-accommodantes en réponse aux mesures extrêmes d’austérité budgétaire ainsi initiées.
Ces politiques monétaires et budgétaires extrêmes forment un cocktail explosif, nettement plus Molotov que Martini, et pourraient s’accompagner d’effets secondaires imprévisibles et non négligeables. Dans un contexte aussi volatil, nous privilégions une approche d’investissement flexible, libérée de la contrainte d’un indice de référence.
S’il est important de rester attentifs à la composition et aux mouvements des indices de référence, nous préférons conserver la liberté de sélectionner nos investissements sur la base de leur profil de rendement/risque et non sur leur appartenance à un indice.
Cet environnement à double-tranchant, marqué par un degré de risque accru et une politique monétaire accommodante, pourrait soutenir les actifs risqués et poser, sous réserve d’un choc majeur, les fondations d’une reprise de ces marchés. A l’instar des passants qui auront eu vent d’une météo défavorable, les marchés risquent de déambuler avec une couche supplémentaire de protection contre des conditions extrêmes. Cette combinaison de protection accrue et de taux de financement bon marché pourrait ouvrir la voie à un regain d’appétence pour le risque chez les investisseurs et à des performances plus attrayantes, en particulier si l’avenir ne donne pas raison aux cassandres qui prédisent la fin du monde.
Une autre conséquence de ces mesures extrêmes et de l’envolée du risque politique tient au fait que les marchés pourraient progressivement se décorréler les uns des autres. Les marchés les plus vulnérables à la contraction de la liquidité et aux revirements politiques (notamment la Hongrie) pourraient être pénalisés, tandis que la quête de rendement pourrait bénéficier aux marchés moins affectés par ces problèmes (tels que la Pologne). Il sera alors essentiel pour les investisseurs de savoir séparer les gagnants des perdants. Bien que la situation soit loin d’être idéale, l’amélioration de l’environnement de marché risque de ne pas survivre à toute déception sur le front de la croissance. Le temps est certes loin d’être au beau fixe pour le moment mais, au moins, nous ne sommes pas en pleine tempête.
Nous avons identifié trois tendances clé qui affectent actuellement les marchés d’emprunts d’Etat internationaux : l’injection de liquidités, les baisses de taux et la crise de la zone euro (ou en termes météorologiques : le vent, la pluie et le brouillard).
Le risque d’un effondrement de la zone euro reste une inquiétude fondée. L’austérité budgétaire est en marche au sein de pays déjà affaiblis, avec la menace de récessions et de creusement des déficits des gouvernements, et s’accompagne d’une détérioration de la situation du secteur bancaire. En ce qui concerne la Banque Centrale Européenne (BCE), la nécessité de compenser ce frein budgétaire nourrit un véritable nuage d’orage à l’horizon. L’équilibre pourrait être recherché via une politique monétaire accommodante plus agressive, mais le système bancaire est le seul canal par le biais duquel la BCE peut engager de telles mesures. Ses opérations de refinancement (LTRO) à trois ans y contribueront, mais leur efficacité sur les marchés obligataires de la périphérie de la région pourrait avoir été surestimée. L’offre d’emprunts d’Etat périphériques durant le premier semestre 2012 risque de se traduire par un épais brouillard qui ne pourra être dissipé que grâce à la demande soutenue des banques. Si les perspectives de croissance économique et de développements politiques étaient plus réjouissantes, nous serions plus optimistes à l’égard de ces marchés, mais l’initiative du secteur privé décidée en Grèce et l’abaissement de la notation de crédit du pays par S&P restent pénalisants.
L’escadron des tourneurs de planches à billets (Etats-Unis, Royaume-Uni et Japon) est coincé dans l’œil du cyclone : ces marchés bénéficient à la fois de leur statut de « valeur refuge » et des achats soutenus de leur banque centrale, leur permettant de faire face à toute remontée de l’appétit pour le risque des investisseurs. Nous continuerons d’ajuster notre exposition à la duration de ces marchés en fonction de l’appétit global pour le risque et des anticipations de croissance économique. En fin d’année dernière, les marchés obligataires américains et britanniques ont connu un rebond, ramenant les taux de rendement vers un point bas relatif, ce qui nous a incités à réduire quelque peu la duration sur ces deux marchés (exposition au risque de taux).
Les pays qui font partie du groupe des abaisseurs de taux pourraient également offrir des opportunités de réduction de duration, certains de ces marchés (notamment l’Australie) ayant commencé à intégrer les répercussions d’un éventuel atterrissage brutal de l’économie chinoise. Le ralentissement attendu suite à la croissance rapide du pays pourrait toutefois ne pas avoir lieu.
Nous réinvestirons le produit de certaines de ces cessions sur les marchés émergents, où les spreads (l’écart avec le taux de rendement des marchés « sans risque », tels que les Etats-Unis) se sont élargis. Nous pourrions également être amenés à profiter de la reprise des marchés, parallèlement à l’amélioration des anticipations de croissance économique, pour réduire notre part de cash.
Notre surpondération du dollar américain s’explique par notre optimisme relatif à l’égard de l’économie américaine par rapport aux anticipations mondiales. En temps normal, l’amélioration des anticipations de croissance devrait pénaliser le billet vert et bénéficier aux devises asiatiques, ainsi qu’aux devises liées aux matières premières. Cependant, les craintes persistantes à l’égard de l’économie chinoise et de l’avenir de l’euro ont changé la donne. Nous sommes revenus sur le peso mexicain, la devise bénéficiant non seulement du regain d’appétence pour le risque mais également du renforcement de l’économie américaine. A l’avenir, nous resterons très attentifs à la « météo » du marché des changes, en quête d’opportunités sur d’autres devises qui performent généralement bien durant des périodes de reprise économique stable. Compte tenu des incertitudes ambiantes, ces positions seront néanmoins limitées en termes de taille.
Nous restons prudents à l’égard des perspectives de l’économie mondiale. Bien que nous entrevoyons quelques rayons de soleil entre les nuages, la tendance (en particulier au sein de la zone euro) reste néanmoins imprévisible et à l’orage. Nous conservons une approche d’investissement flexible sur les obligations internationales et les devises. Une telle approche devrait contribuer à minimiser l’impact des conditions volatiles actuelles tout en nous permettant de tirer profit des opportunités à venir.