…et identifie les bonnes pratiques.
Depuis août 2022, la révision du règlement Solvabilité II prévoit que les organismes d’assurance et de réassurance intègrent les risques de durabilité dans leur système de gouvernance et de gestion des risques.
L’ACPR a réalisé en 2024, auprès de 91
organismes, représentant 90% du marché français, une enquête sur la mise en
œuvre de cette obligation. L’Autorité constate que les acteurs interrogés se
sont tous saisis du sujet, avec cependant des différences dans l’avancée de
leurs réflexions et travaux.
Les amendements
apportés au cadre Solvabilité II à l’été 2022 s’inscrivent dans une logique
prudentielle, centrée sur la gestion des risques, et diffèrent donc des normes
sur la publication d’informations extra-financières. Pour les assureurs et
réassureurs, il s’agit d’intégrer l’ensemble des « risques de durabilité », à
savoir les aléas climatiques, environnementaux, sociaux et de gouvernance dont
la survenance pourrait avoir un impact sur leur situation financière ou prudentielle,
à l’actif (ex. portefeuille de placements) comme au passif (ex. engagements
d’assurance).
C’est un enjeu fort en
assurance de biens, avec l’augmentation des phénomènes climatiques, en
intensité et fréquence, et de certains risques sociaux (émeutes…) mais aussi en
assurance de personnes, notamment en santé/prévoyance, la dégradation de
l’environnement (ex. érosion de la biodiversité, moindre qualité de l’air)
ayant un impact sur la santé des assurés…).
D’après les résultats
de l’enquête de l’ACPR, la moitié des organismes a intégré les risques de
durabilité dans les trois politiques écrites exigées par la réglementation :
politique de rémunération, politique de gestion du risque d’investissement et
politique de souscription et provisionnement. L’intégration la plus aboutie
concerne la politique de gestion du risque d’investissement, qui présente des
points d’adhérence avec d’autres normes déjà en application (notamment LEC 29).
S’agissant de la politique de souscription et de provisionnement, l’ACPR relève
que l’intégration des risques de durabilité et en particulier ceux liés au
changement climatique, conduisent rarement à des modifications des hypothèses
de provisionnement.
La prise en compte de ces risques semble ainsi moins
aboutie sur ce volet, en dépit de leur impact croissant sur la sinistralité.
L’ACPR encourage donc les organismes d’assurance à accentuer leurs travaux en
la matière. Dans cette optique de gestion efficace des risques, et bien que cela
aille au-delà des trois politiques écrites listées aujourd’hui par la
réglementation, l’ACPR préconise également aux organismes d’intégrer les
risques de durabilité dans leur politique de réassurance et d’atténuation des
risques.
Parmi les constats
positifs, l’ACPR note que la majorité des organismes est consciente de l’impact
des risques de durabilité sur leur modèle d’affaires. Toutefois, les travaux
d’évaluation et de suivi de ces risques mériteraient d’être renforcés en
s’appuyant sur la position de l’Autorité européenne des assurances et des
pensions professionnelles, qui recommande notamment le recours à des scénarios
de long terme (10 ans ou plus). Hormis le risque lié au changement climatique,
d’autres risques, tels que les risques liés à la perte de biodiversité,
apparaissent encore peu pris en compte. Par exemple, dans le cadre de leur
Évaluation Interne des Risques et de la Solvabilité (EIRS ou ORSA en anglais),
la grande majorité des organismes tient seulement compte des risques liés au
changement climatique, à l’exclusion des autres risques de durabilité.
D’après l’étude, les
assureurs sont confrontés à plusieurs difficultés : la qualité variable des
données disponibles, notamment pour les risques de durabilité autres que le
changement climatique ; la nécessité de recourir à des données fournies par des
prestataires externes, que les organismes ne maîtrisent parfois que
partiellement ; le manque de cohérence fréquent entre les différents types de
reportings (travaux internes d’évaluation et de suivi des risques de durabilité
ou informations publiées dans le cadre des reportings extra-financiers…). Un
effort de sensibilisation et de formation de l’ensemble des acteurs de la
chaîne de maîtrise des risques (des fonctions opérationnelles aux organes de
gouvernance) est nécessaire afin que chacun puisse s’approprier ces enjeux et
les intégrer dans la gestion courante, de façon adéquate.
En conclusion, l’ACPR constate la volonté d’une majorité d’organismes d’assurance et de réassurance d’adapter leur stratégie et leur gestion des risques pour prendre en compte les risques de durabilité mais les invite à poursuivre et approfondir leurs travaux de déclinaison opérationnelle et à mettre en œuvre les bonnes pratiques identifiées au cours de l’enquête. En cohérence avec les enjeux susmentionnés, il convient en particulier d’informer régulièrement les organes de gouvernance sur les risques de durabilité et d’intégrer cette dimension dans les missions confiées aux responsables des fonctions-clés gestion des risques et actuariat.