Ce n’est pas une question de Chine
ou d’Europe ; c’est une question de briser le cycle, par Eric Demuth, CEO
de Bitpanda
Alors que tout le monde
débat pour savoir si la nouvelle rhétorique tarifaire de Trump relève du
protectionnisme, de la stratégie électorale ou de la géopolitique, l’essentiel
passe totalement sous silence. Ce qui ressemble à du protectionnisme pourrait en
réalité être une stratégie anti-récession.
Une dette colossale à
refinancer
Le gouvernement
américain fait face à une vague massive de refinancement. D’ici la fin de 2026,
9 000 milliards de dollars en obligations du Trésor arrivent à échéance.
L’essentiel de cette dette a été émise durant les années de taux d’intérêt
quasi nuls, une période qui ne reviendra pas de sitôt.
Aujourd’hui, le
rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans tourne autour de 4,20%,
après un pic de 4,60% au quatrième trimestre 2024. C’est ce chiffre qui compte.
Chaque point de base réduit signifie des milliards économisés en intérêts sur
la prochaine décennie.
Une récession forcée ?
Voici la vérité brutale : la seule façon réaliste de faire baisser ce rendement est de ralentir l’économie.
Par la force, si nécessaire.
C’est là qu’entrent en jeu les tarifs douaniers. C’est là qu’entre en jeu le « nationalisme économique ».
C’est là qu’entrent en jeu des mesures qui paraissent irrationnelles, mais
qui visent en réalité à réduire les attentes de croissance à long terme.
Bien sûr, les droits de
douane peuvent être inflationnistes à court terme. Mais ce que nous observons
ici est une stratégie systématique et à grande échelle qui, à moyen terme,
pourrait déclencher une récession aux États-Unis. Et c’est précisément le scénario
décrit plus haut.
Une économie affaiblie
entraîne des attentes d’inflation plus basses, une demande de capital réduite
et, par conséquent, des rendements obligataires plus faibles. C’est exactement
ce dont Trump, et en réalité n’importe quel dirigeant d’une superpuissance
endettée, a besoin aujourd’hui.
Une stratégie en trois
actes
Il ne s’agit pas
seulement de tarifs douaniers. On observe une tolérance, voire une ingénierie
d’un ralentissement économique.
Le plan est clair :
1. Faire baisser les rendements maintenant.
2. Refinancer des milliers de milliards à moindre
coût.
3. Réenclencher un stimulus, raviver l’économie
et rouvrir les vannes monétaires.
Ce scénario s’est déjà
joué. Rappelez-vous 2020-2021 : assouplissement quantitatif massif, taux zéro,
rallye explosif sur les actifs à risque. Cela ne se reproduira pas avant que ce
cycle de refinancement soit terminé et que le rendement des obligations à 10
ans soit sous contrôle.
Une guerre des rendements, pas une guerre commerciale
En attendant, la
liquidité reste tendue. La FED continue de réduire la taille de son bilan, et
les actifs à risque, en particulier dans la tech et les cryptos, restent sous
pression.
Donc, la prochaine fois
que quelqu’un dira que Trump « déclenche une guerre commerciale », regardez les
choses sous un autre angle. Ce n’est pas une guerre commerciale. C’est une
guerre des rendements. Et pour ceux qui suivent les marchés : gardez un œil sur
la courbe des rendements des obligations du Trésor à 10 ans. C’est là que
l’histoire réelle est en train de s’écrire.