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Efficient : le DPE sur le point de gagner ses lettres de noblesse.
Par Mickaël Cabrol, CEO
fondateur de Enersweet
Né en 2006 pour
sensibiliser les Français à la consommation de leurs logements, le diagnostic
de performance énergétique (DPE) n’a cessé de se perfectionner pour répondre
aux critiques touchant sa fiabilité. Mais ses détracteurs ont de la suite dans
les idées et s’en prennent désormais aux diagnostiqueurs eux-mêmes, taxés de
complaisance. Si la ministre du Logement reconnaît que « l’écrasante majorité »
fait son travail « avec compétence et impartialité », elle vient néanmoins
d’annoncer que les contrôles des diagnostiqueurs seraient multipliés par quatre...
Ou comment toute une profession paie pour quelques praticiens peu scrupuleux.
Petit rappel aux
agnostiques du diagnostic
Le DPE est un outil de
notation qui évalue la performance énergétique du bâti. Quand on lui reproche,
par exemple, la différence entre son estimation et les factures réelles, on se
méprend à la fois sur ses ambitions et ses moyens. D’abord, parce qu’il n’a pas
vocation à prédire les consommations réelles, mais à guider la mise en œuvre de
gestes de rénovation pour aller vers davantage de sobriété énergétique.
Ensuite, parce qu’il évalue la performance intrinsèque d’un logement,
c’est-à-dire indépendamment de l’usage, et ce, pour une raison simple : les
habitudes de consommation changent d’une personne à une autre.
De fait, le DPE a été
réformé à plusieurs reprises pour corriger ses défauts et améliorer sa
précision. La version actuelle, entrée en vigueur en 2021, repose sur des
critères plus stricts et des méthodes de calcul mieux définies, en particulier
la norme 3CL (pour Calcul de la Consommation Conventionnelle des Logements) qui
retire du calcul les factures de consommation afin de supprimer un biais qui
impactait la note. La mise à jour continue de ces méthodes et des référentiels
vise à rendre le DPE encore plus fiable. Or les critiques tiennent rarement
compte de ces évolutions, comme si ce système d’évaluation devait sans cesse
s’amender et faire la preuve de son objectivité, voire de son innocuité. Mais
que lui reproche-t-on au juste ?
Pics et effets de
seuils
Depuis que les notes du
DPE sont devenues contraignantes pour les propriétaires de passoires thermiques
(étiquettes F et G), certains d’entre eux, désireux de louer leur bien sans
passer par la case rénovation ou de le vendre à meilleur prix, s’arrangeraient
avec le diagnostiqueur pour surclasser le logement. Des pics suspects aux
seuils énergétiques sur l’ensemble des DPE réalisés, en particulier avant les
fameuses lettres F et G, en seraient une preuve suffisante... De là à conclure
que ces pics sont nécessairement le fait de DPE « de complaisance », et donc de
pratiques frauduleuses, il n’y a qu’un pas, que certains n’ont pas hésité à
franchir.
Heureusement, plusieurs
études sont venues réfuter la thèse d’une fraude généralisée et apporter un
éclairage bienvenu sur les causes, diverses, des pics observés aux seuils de
classe, comme la méthodologie ou la loi statistique utilisée, l’effet des
rénovations ciblées ou encore les modes de constructions standardisés
(consommations similaires de logements construits sous les mêmes
réglementations thermiques). Beaucoup de bruit pour rien, ou si peu : si les
pratiques complaisantes existent, comme dans tout système d’évaluation
(contrôle technique, notes du bac, etc.), les diagnostiqueurs seraient plutôt
(très) bons élèves.
Des progrès
remarquables, bientôt remarqués ?
Une étude récente du
Conseil d’analyse économique (CAE) montre ainsi comment la réforme visant à
fiabiliser les DPE a porté ses fruits et réduit à la portion congrue la part
des évaluations manipulées : avant 2021, 3,9% des diagnostics étaient suspects
et se trouvaient dans une catégorie plus favorable ; après la réforme, qui a
également rendu les DPE opposables, engageant donc la responsabilité juridique
des propriétaires et des diagnostiqueurs, la proportion des diagnostics
soupçonnés d’être manipulés aux seuils a baissé à 1,7%. Peut mieux faire ? Sans
doute, mais il me semble qu’à plus de 98% d’évaluations bien menées, on peut se
dispenser de remettre en question la déontologie et l’intégrité de toute une
profession.
Souvent critiquée du fait des agissements d’une minorité peu scrupuleuse, la filière des diagnostiqueurs mérite une appréciation plus juste de son travail et du chemin parcouru : les défauts qu’on lui reproche ont été corrigés ; la filière s’est rapidement professionnalisée et tout est mis en œuvre pour contraindre les « complaisants » à la rigueur attendue (renforcement des contrôles, harmonisation des examens pour les organismes de formation et obligation de présentiel, digitalisation du parcours DPE, etc.). Bref, les diagnostiqueurs sont aujourd’hui mieux formés, mieux accompagnés, mieux outillés et mieux encadrés : souhaitons qu’ils soient demain mieux considérés.