L’analyse
de Sandy Campart, enseignant chercheur à l’université de Caen Normandie,
directeur de la collection « Banque Finance » des éditions EMS.
Les actions américaines
donnent généralement le ton sur les marchés mondiaux et surclassent leurs
homologues internationales. Pourtant, depuis quelques semaines, le S&P 500
accuse un retard sur ses pairs (-4,1% depuis le 1er janvier contre +7% pour le
reste du monde). Les incertitudes macroéconomiques du moment remettent en cause
l’exception américaine.
Les marchés US dominent
par leur poids et leur performance.
Les États-Unis ont
toujours été à l’avant-garde de l’évolution des structures industrielles du
monde. Leur domination quasi absolue du marché des actions se poursuit depuis
plus d’un siècle. Il représente aujourd’hui 71% de l’indice MSCI World alors
que le reste du monde représente 68% du PIB mondial. L’écart des deux chiffres
illustre le boom du secteur technologique. Le MSCI World hors USA offre une
répartition sectorielle plus diversifiée, les « Tech » ne représentant que 9%
contre 30% pour le S&P 500.
Parier contre le marché
américain s’est révélé historiquement inconséquent. Le S&P 500 a généré une
rentabilité annualisée de 13,8% au cours de la dernière décennie, contre 4,9%
pour les actions mondiales. Le surcroit de rentabilité d’un placement actions
par rapport au taux des bons du Trésor a été de 6,5% aux États-Unis contre 3,5%
en France. Les actions américaines ont surclassé leurs homologues
internationales au cours de 24 des 35 dernières années. Le multiple de prix des
valeurs de la tech US s’élève à 30 fois les bénéfices anticipés contre 21 fois
pour le S&P 500 et 14 fois pour le Stoxx Europe 600.
Mais ils restent
dominés par les tendances macroéconomiques.
Les actifs risqués sont
actuellement malmenés par l’incertitude économique et géopolitique : les bons
du Trésor américain surperforment les actions depuis l’élection de Donald
Trump. Le cours de l’or a franchi pour la première fois la barre symbolique des
3 000 $ l’once. L’appétit pour le risque semble s’être évaporé. Si certains des
éléments du programme de Donald Trump apparaissent favorables aux marchés des
actions, il ne faut pas oublier que l’histoire attribue à la Réserve fédérale
un rôle majeur dans l’orientation du marché des actions. La quasi-totalité des
baisses de plus de 10% depuis 1965 ont été déclenchées par des durcissements
agressifs ou prolongés de la politique monétaire.
Les annonces de baisses d’impôts, d’expulsions d’immigrés, de dérégulation, ajoutées à celles des tarifs douaniers ne plaident pas pour une maîtrise des salaires et des prix. L’impact sur le PIB US des barrières douanières est estimé par la Deutsche Bank entre 0,4 et 0,7 point ; 0,3 à 0,7 point sur l’inflation. Il faut donc relativiser le consensus qui anticipe un choc asymétrique favorable aux USA et défavorable au reste du monde ! Le secteur le plus malmené n’est d’ailleurs pas la technologie (-9,5% depuis le 1er janvier) mais la consommation discrétionnaire ou « non essentielle » (-13,8%), signe que l’inquiétude liée à l’inflation et au pouvoir d’achat des ménages américains est plus forte que l’arrivée de la solution d’intelligence artificielle DeepSeek qui fait trembler les capitalisations des 7 magnifiques.