Par Laurent Chaudeurge, Membre du comité d’investissement de BDL Capital Management
4 000 milliards c’est
35% de plus que le PIB de la France en 2024, 60% de plus que la capitalisation
boursière du CAC40 ou encore 130k euros par foyer français.
4 000 milliards d’euros
c’est surtout ce que les Français n’ont pas gagné sur les dix dernières années
en investissant leur épargne comme des « rentiers » plutôt que comme des «
investisseurs ». Depuis toujours, les ménages français ont des convictions bien
ancrées qui les empêchent de prendre les bonnes décisions concernant la
répartition de leurs capitaux.
Ils pensent notamment «
qu’il n’y a pas meilleur investissement que l’immobilier » et « qu’il
faut éviter d’investir en actions car la bourse est trop risquée ». Ces
deux « vérités » ont pour conséquence deux erreurs dans la répartition des
capitaux des ménages français : une proportion trop faible d’actifs financiers
par rapport aux actifs immobiliers et une proportion trop faible d’actions au
sein de leurs actifs financiers.
La différence avec la répartition de l’épargne des ménages américains est frappante, les proportions sont quasiment inversées.
|
Epargnant
français |
Epargnant
américain |
100% |
100% |
|
Immobilier |
68% |
45% |
Actif
financier |
32% |
55% |
Dont
actions cotées |
6% |
31% |
Dont
produit de taux |
26% |
24% |
Source : Insee,
Banque de France, Allianz Gobal Wealth report 2024
En pourcentage de leur
patrimoine, les foyers américains ont un tiers de moins d’immobilier et 5 fois
plus d’actions cotées que les ménages français. Sur la durée, ils ont raison et
nous avons tort. Les actions sont la classe d’actifs la plus performante et
cela s’est vérifié sur la dernière décennie comme le montre le tableau
ci-dessous.
Actif |
Appréciation
cumulée 2014-2024 |
Immobilier |
+20% |
Produits de taux |
+18% |
Actions cotées |
+179% |
Se loger/ Meilleurs Agents. 2 Moyenne 90% taux contrats en euros,
10% monétaire, source BDL Capital Management. 3 Actions monde source MSCI World
Fin 2014, les foyers français avaient un patrimoine immobilier et financier d’environ 10 000-11 000 milliards d’euros. Il est autour de 13 000-14 000 milliards d’euros aujourd’hui. Certes, ce patrimoine est en hausse, mais cette progression sur 10 ans reflète une croissance annuelle de seulement 2,6% par an. Sur la même période, l’inflation a progressé de 2% par an, le pouvoir d’achat des ménages français est donc aujourd’hui sensiblement équivalent à celui d’il y a 10 ans. Ainsi, 2014-2024 est une décennie
« perdue
» en matière d’enrichissement des français.
Quelle aurait été
l’évolution de ce patrimoine si la répartition entre classe d’actifs était
identique à celle des ménages américains ?
Intuitivement, on voit que le patrimoine aurait progressé plus vite car les foyers américains investissent (beaucoup) plus dans ce qui s’est le plus apprécié, à savoir les actions cotées. Dans le détail, le patrimoine des ménages français aurait progressé de 5,4% par an entre 2014 et 2024, soit deux fois plus vite que dans la réalité et 2,7 fois plus vite que l’inflation. Pour 100 euros de patrimoine en 2014, un français aurait aujourd’hui près de 170 euros contre 130 euros en réalité, 30% de plus. Dans l’ensemble, les ménages français auraient aujourd’hui un patrimoine d’environ 17 000-18 000 milliards d’euros, soit
4 000
milliards d’euros de plus que leur patrimoine réel.
La mauvaise répartition
de l’épargne coûte au moins 3 fois. Tout d’abord, les ménages français peinent
à maintenir leur pouvoir d’achat alors qu’ils pourraient l’augmenter
durablement. Ensuite, en favorisant les produits de taux, ils fragilisent la
santé économique des futures générations car, sans vraiment le savoir, ils
financent l’Etat français et lui permettent de continuer à dépenser sans
compter et indéfiniment. Enfin, en délaissant les actions cotées, ils privent
de capitaux nos entreprises françaises et européennes, ce qui handicapent leur
croissance et le développement de notre économie.
Ce sont les entreprises
qui créent la richesse et les emplois. Les Etats dépensent nos sous pour
assurer (de moins en moins bien) les services publics.
Les ménages américains
ont compris depuis longtemps qu’il valait mieux investir dans les entreprises
que prêter aveuglément aux Etats dispendieux.
Nous devons nous en inspirer et oser être « investisseurs » plutôt que « rentiers ». La recette gagnante est connue et éprouvée : moins d’immobilier, moins de contrats en euros (qui sont essentiellement des produits de taux), moins de comptes à terme et autres livrets réglementés, et plus d’actions cotées. Il faut maintenant l’appliquer car c’est ainsi que nous nous donnerons les chances d’augmenter notre pouvoir d’achat et de nous assurer une retraite satisfaisante.