La Fédération Nationale de l’Immobilier
(FNAIM) a officiellement saisi la Commission européenne pour dénoncer les
pratiques des Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER).
Deux plaintes ont été déposées : l’une visant les SAFER pour abus de position
dominante, l’autre contre l’État français pour aides d’État illégales.
Alors que ces
organismes avaient pour mission initiale de préserver le foncier agricole, ils
interviennent aujourd’hui bien au-delà, captant une part croissante du marché
immobilier rural en concurrence directe avec les professionnels du secteur.
Grâce à leurs prérogatives exorbitantes et à des avantages fiscaux injustifiés,
les SAFER faussent le jeu de la concurrence, au détriment des agences
immobilières, des notaires et des particuliers.
Les SAFER détournées de leur vocation initiale
Créées pour réguler le
foncier agricole et faciliter l’installation des agriculteurs, les SAFER ont
progressivement étendu leur influence à des segments très lucratifs du marché
immobilier : propriétés bâties, espaces naturels et biens à usage résidentiel.
Une dérive qui dépasse largement leur mission d’intérêt général et remet en
cause l’équilibre du marché.
« Les SAFER ne se
contentent plus de protéger le foncier agricole, elles jouent un rôle
d’intermédiaire immobilier privilégié, avec des moyens dont aucun professionnel
privé ne dispose. Ce n’est ni juste, ni acceptable », dénonce Loïc
Cantin, président de la FNAIM.
Un monopole
d’information qui fausse le marché
Les SAFER bénéficient d’un avantage décisif : elles ont un accès exclusif et anticipé aux transactions foncières rurales grâce à un monopole d’information. Chaque projet de vente doit obligatoirement leur être notifié, sous peine de nullité de la transaction et d’une amende pouvant atteindre 2% du prix du bien.
« Cet accès privilégié
leur permet de constituer une base de données exhaustive et de prendre contact
avec les vendeurs avant même que les agences immobilières ou les notaires n’en
aient connaissance »,
explique Loïc Cantin.
Résultat : les acteurs privés se
retrouvent exclus du marché avant même d’avoir pu proposer leurs services.
Des privilèges fiscaux qui aggravent la distorsion de concurrence
En plus de leur
position dominante, les SAFER bénéficient d’exonérations fiscales
considérables, notamment sur les droits d’enregistrement. Cela leur permet de
pratiquer des frais d’intermédiation bien inférieurs à ceux des agences
immobilières, accentuant encore plus le déséquilibre concurrentiel.
« Cette situation est
d’autant plus injuste que les SAFER ne sont pas soumises aux mêmes obligations
que les professionnels de l’immobilier, notamment en matière de transparence et
de responsabilité. Elles sont pourtant devenues de facto le premier marchand de
biens de France »,
souligne le président de la FNAIM.
Un impact direct pour les particuliers et les professionnels
Les interventions des
SAFER sur le marché immobilier rural ont des conséquences préoccupantes :
• Un manque de transparence : certaines transactions
sont annulées sans justification claire en raison du droit de préemption exercé
par les SAFER.
• Une restriction de l’offre immobilière : en s’appropriant la
vente de biens bâtis et non agricoles, les SAFER limitent l’accès au marché et
contribuent à la hausse des prix.
• Des clauses restrictives : certains acheteurs se
voient imposer de repasser par la SAFER en tant qu’intermédiaire, s’ils
revendent dans les 10 ans.
Les chiffres parlent
d’eux-mêmes :
en Bretagne, en 2022, le marché des maisons rurales par la SAFER représentait
13 291 transactions (soit près de 40% des transactions de la SAFER Bretagne)
pour une valeur totale de 2,95 milliards d’euros. Dans la région
Auvergne-Rhône-Alpes, 13 760 transactions (soit 32% du total des transactions
gérées par la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes,) concernaient des biens à usage
résidentiel, bien loin du seul enjeu agricole.
La FNAIM réclame des réformes urgentes
Malgré de nombreux
rapports, dont celui de la Cour des comptes en 2014, dénonçant les dérives des
SAFER, les pouvoirs publics ont laissé faire, voire renforcé leurs
prérogatives.
La FNAIM exige un
retour strict des SAFER à leur mission première : la régulation du foncier
agricole, sans interférence sur le marché immobilier rural. Elle réclame
également la fin des aides publiques injustifiées et l’application de règles de
concurrence équitables à tous les acteurs.
« Il est temps de
mettre fin à ces pratiques anticoncurrentielles et de rétablir un marché
immobilier rural plus transparent et équilibré », conclut Loïc Cantin.
Par ces actions portées
devant la Commission européenne, la FNAIM entend défendre les professionnels de
l’immobilier et garantir aux particuliers un accès équitable aux biens ruraux.
La FNAIM vigilante face à une Proposition de loi à rebours des enjeux réels
Cette alerte intervient
alors qu’une Proposition de Loi visant à « Lutter contre la disparition des
terres agricoles et renforcer la régulation des prix du foncier agricole »,
portée par les députés Peio Dufau (Socialiste) et Julien Dive (DR) et qui vise
à renforcer les moyens d’action et de régulation des SAFER, sera examinée à
l’Assemblée nationale le 11 mars prochain.
Un texte à
contre-courant des besoins et enjeux réels du terrain, qui ne résoudra pas les
défis liés au foncier agricole, mais renforcera la distorsion de concurrence au
profit des SAFER.