Par Marc-Antoine Authier* et Loïse Lyonnet**
Originellement, la
responsabilité sociale des entreprises (RSE) constitue une démarche volontaire
pour intégrer les critiques formulées à l’encontre du capitalisme. Son principe
consiste à assigner aux agents économiques d’autres objectifs que la seule poursuite
du profit. Son développement a progressivement attiré les enjeux économiques
sur le champ de la morale : en affirmant que tout agent économique possède une
responsabilité vis-à-vis de la société, on suppose que celui-là a contracté,
dès son origine, une dette vis-à-vis de celle-ci. Ainsi la RSE, qui devait
n’être qu’une démarche volontaire, aboutit-elle finalement à la création de
nouvelles obligations légales.
Le cadre juridique
émanant de la RSE porte essentiellement sur des obligations de reporting extra
financier. Depuis plus de vingt ans, ce déploiement progressif s’est
historiquement opéré par rapport à la réalité des grandes entreprises, dans une
logique de « ruissellement des contraintes », mais les conséquences financières
se révèlent particulièrement lourdes pour les petites et moyennes entreprises
et les entreprises de taille intermédiaire. La mise en oeuvre de la Corporate
Sustainability Reporting Directive (CSRD) est emblématique de ce déploiement
progressif des normes liées à la RSE, à partir des grands groupes et jusqu’aux
plus petites structures. Elle s’inscrit dans la politique menée par la
précédente Commission européenne pour combiner écologie et économie, dans la
logique du Pacte vert. Mais alors que l’Union européenne produit toujours plus
de contraintes pour ses propres entreprises, elle continue d’ouvrir ses marchés
à la concurrence internationale.
À contre-courant de
cette mondialisation débridée, la notion de responsabilité territoriale des
entreprises (RTE), encore peu exploitée par les acteurs économiques, a
progressivement émergé. Elle vise à souligner le rôle majeur des entreprises
sur leur territoire d’implantation et à mettre en lumière les externalités
positives et négatives qui en découlent. Pour favoriser l’implantation pérenne
de l’entreprise et le caractère vertueux de ses interactions avec les autres
acteurs locaux, il s’agit de développer des stratégies d’ancrage territorial.
Dès lors, le rôle des acteurs publics locaux prend toute son importance pour
entretenir, développer et animer ces réseaux afin de favoriser les effets
d’entraînement. Les entreprises elles-mêmes ont grand intérêt à déployer une
stratégie de rayonnement et d’ancrage au sein de leur écosystème. Contrairement
aux préceptes de la RSE, qui concernent toutes les entreprises, indépendamment
de leur taille, de leur secteur d’activité ou de leur situation géographique,
la RTE permet d’intégrer les réflexions locales à la stratégie interne et aux
plans de développement. Notre pays a tout intérêt à valoriser davantage
l’ancrage et le rayonnement territorial de ses acteurs économiques, afin de les
rendre à la fois plus sédentaires et plus compétitifs.
*Marc-Antoine Authier, actuellement
collaborateur parlementaire et entrepreneur, a été conseiller technique, chargé
de la commission des Finances au Sénat au sein d’un groupe politique. Après
avoir été chargé d’études au sein de l’Institut Montaigne, où il suivait les
dossiers liés à la transition écologique et au marché du travail, il a rejoint
le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) pour y piloter la
stratégie de lobbying.
**Loïse Lyonnet est autrice pour plusieurs think tanks ou institutions (Fondation pour l’innovation politique, Fondation Robert-Schuman, Observatoire européen de l’audiovisuel) et spécialisée dans le développement économique et culturel des territoires. Actuellement chargée d’études à l’Institut Enterritoires, elle a précédemment travaillé au sein d’un cabinet ministériel, d’un groupe parlementaire au Sénat ainsi qu’auprès d’un parlementaire.