Une tribune cosignée par ActionAid France - Amis de la Terre France - CCFD-Terre Solidaire - Oxfam France - Notre Affaire à Tous - Reclaim Finance - Sherpa - CGT
La Commission européenne a rendu publique une proposition législative revenant de manière brutale sur des avancées pourtant cruciales pour la protection des droits humains, de l'environnement et du climat. Sous couvert de « simplifier » la vie des entreprises, la directive
« Omnibus » de
la Commission propose de démanteler nombre d’obligations en matière de
durabilité et de protection des droits humains.
La proposition de
directive Omnibus de la Commission européenne n’a de « simplification » que le
nom. En réalité, il s’agit d’une dérégulation massive et sans précédent, qui
rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis. Présentée
dans l’urgence et sans respecter pleinement les procédures démocratiques, elle
s'attaque à des normes d'intérêt public. Ces dernières visent à prévenir et
réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par les
entreprises, tout en permettant aux acteurs économiques et financiers de
s'aligner sur les objectifs climatiques européens.
Vers un affaiblissement
notoire de la CSDDD…
Concernant la Directive
sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CSDDD), la
proposition réduit drastiquement son champ d’application (exclusion des
relations commerciales indirectes, au niveau desquels ont lieu nombre d’atteintes
graves), vide de leur substance certaines mesures correctives ainsi que les
plans de transition climatique attendus des entreprises, et s’attaque aux
mécanismes permettant de contrôler, sanctionner et tenir pour responsables sur
le plan civil les entreprises en cas de faute.
Concrètement, ces
changements priveraient le devoir de vigilance européen de tout effet utile.
Les violations les plus graves resteraient en dehors de son périmètre, les
entreprises fautives pourraient se dédouaner au moyen de mesures cosmétiques
inadaptées, et elles pourraient échapper à l’obligation pourtant fondamentale
de réparer les dommages causés par leurs activités. Dans les faits, les
multinationales pourront continuer à vendre des vêtements fabriqués par des
travailleurs dans des conditions inhumaines, à déforester, et à mettre en
danger la biodiversité en toute impunité. En supprimant ces dispositions clefs,
la Commission européenne transforme le devoir de vigilance en déclaration
d'intentions.
…et de la CSRD
Concernant la Directive
sur la publication d'informations en matière de durabilité des entreprises
(CSRD), la proposition réduit le nombre d'entreprises couvertes de 80 à 85% et
supprime les normes sectorielles, qui permettent de cibler en priorité les secteurs
les plus polluants tels que le secteur extractif. Cela signifie que certaines
informations essentielles pour orienter les financements vers la transition
climatique juste seront perdues.
Influence des lobbys et
soutien des mouvements ultra-conservateurs
Cette proposition
législative n’est pas uniquement un désastre pour la transition climatique et
la protection des droits humains et de l’environnement. En effet, les
politiques et prises de position de l’extrême droite progressent dans les États
membres et au sein du Parlement européen, où certains députés se réjouissent
ouvertement de cette initiative de dérégulation. Cette révision constituerait
d’ailleurs un précédent dangereux permettant de démanteler à l’avenir bien
d’autres protections du Pacte Vert.
Par ailleurs, cette
initiative est un signe supplémentaire de l’affaiblissement démocratique à
l'œuvre dans l’Union européenne. Alors que nombre de voix politiques et
économiques se sont élevées pour protéger ces textes, la Commission a préféré
capituler face aux lobbys des grandes entreprises, comme le MEDEF ou la FBF.
Ces derniers profitent d’un moment de fébrilité politique pour dérouler leur
agenda de dérégulation et faire primer leurs intérêts propres et les profits
sur les droits de millions de personnes et le futur de notre planète.
Alors que se profilent des discussions cruciales au sein du Conseil de l’Union européenne au sujet de cette proposition, nos organisations de la société civile française appellent le gouvernement français à ne pas trahir les victimes des abus des entreprises à travers le monde et à défendre l’ambition initiale de ces textes. Il est encore temps d’éviter ce recul historique.