Eric Houdet, fondateur de
Homapi, soulève une question essentielle : le DPE est-il à la hauteur de ses
ambitions écologiques, ou freine-t-il en silence les propriétaires ?
Depuis sa réforme en
2021, le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est devenu un élément
central de la politique de rénovation énergétique en France. Son objectif est
louable : inciter propriétaires et bailleurs à améliorer la performance
énergétique de leurs biens, dans un contexte de transition écologique. Mais
alors que l'interdiction progressive de la location des "passoires
énergétiques" entre en vigueur, il est essentiel de s'interroger sur les
limites et les impacts réels de cette réforme.
Un progrès indéniable…
Le nouveau DPE a
corrigé certaines aberrations de l’ancienne version, qui reposait parfois sur des
estimations peu fiables. Désormais, il s'appuie sur une méthode de calcul plus
homogène et prend en compte des critères tels que l'isolation, le chauffage ou
encore la ventilation. La lisibilité du classement énergétique permet aux
acquéreurs et locataires de mieux appréhender la qualité thermique d’un
logement, un atout crucial pour la valeur du bien.
… mais des biais qui
persistent
Toutefois, des
incohérences subsistent. Une notion essentielle à prendre en compte est le
facteur de conversion en énergie primaire. Celui-ci sert à convertir l'énergie
finale (celle consommée directement par le logement) en énergie primaire (celle
nécessaire à la production et au transport de cette énergie). Pour
l'électricité en France, ce facteur est fixé à 2.3, ce qui signifie que 1 kWh d'électricité
consommé correspond à 2.3 kWh d’énergie primaire.
Ce facteur est critiqué car :
• Il pénalise les
logements chauffés à l’électricité en surestimant leur impact environnemental,
notamment par rapport au gaz.
• Il repose sur une
méthodologie obsolète, définie à une époque où le mix énergétique français
incluait davantage d’énergies fossiles.
• Il introduit un biais
dans l’évaluation des passoires thermiques, classant certains logements
électriques en F ou G alors qu’ils bénéficient d’une électricité bas carbone.
Depuis 2021, ce facteur
a été abaissé de 2,58 à 2,3, mais certains plaident pour une valeur plus proche
de 1,5 afin de mieux refléter la réalité actuelle du mix énergétique.
Concernant les petites
surfaces, la réforme de juillet 2024 a déjà adapté la méthode de calcul afin de
corriger les distorsions constatées. Cette révision apporte une réponse aux
critiques concernant la pénalisation des logements de moins de 40 m², qui
souffraient d’une évaluation trop sévère de leur performance énergétique.
Autre écueil : l’impact économique de
cette réforme. Les exigences de rénovation pèsent lourdement sur les
propriétaires, qui doivent engager des travaux parfois coûteux pour maintenir
leur logement sur le marché locatif. Cette pression financière pourrait se
traduire par une raréfaction de l’offre locative et une hausse des loyers,
paradoxalement contraire aux objectifs initiaux.
Quelles pistes
d’amélioration ?
Si le DPE est un outil
indispensable pour orienter les politiques publiques, il doit évoluer pour être
plus juste et mieux adapté aux réalités du terrain. Trois leviers pourraient
être envisagés :
1. Affiner la méthode
de calcul
pour mieux prendre en compte les spécificités des bâtiments anciens et des
petites surfaces.
2. Accompagner
davantage les propriétaires avec des aides financières renforcées et un accès facilité
aux conseils d’experts pour éviter les erreurs d’interprétation du diagnostic.
3. Encourager des
solutions technologiques innovantes, comme l’intelligence artificielle, pour
affiner les préconisations de rénovation et optimiser les coûts.
Un outil décrié, mais
indispensable
Le DPE souffre d’un
manque de fiabilité dû à des données insuffisantes ou imprécises. Les diagnostiqueurs,
souvent privés d’informations complètes, se retrouvent contraints de renseigner
des valeurs par défaut. Cela engendre des résultats incohérents, renforçant la méfiance
des citoyens. Les méthodes de calcul standardisées ignorent les spécificités
des bâtiments et les usages réels des occupants. Ces lacunes compromettent
l’efficacité de cet outil pourtant crucial.
La transition énergétique du parc immobilier est une nécessité, mais elle doit se faire de manière équitable et pragmatique. Le DPE, s’il veut être un véritable moteur du changement, doit continuer à s’adapter pour éviter qu’il ne devienne une contrainte trop lourde, au détriment des propriétaires et du marché immobilier dans son ensemble.