L’analyse de Marie Janoviez, cofondatrice de Caravel
Les inégalités économiques entre
hommes et femmes sont une réalité persistante, malgré des avancées notables. Si
les femmes épargnent de plus en plus aujourd’hui - en moyenne 210€ par
mois, contre 280€ pour leurs homologues masculins - elles restent
largement sous-représentées dans le monde de l’investissement. Seulement 11%
d’entre elles placent leur argent en bourse, contre 24% des hommes. Comment
expliquer cette différence ? Quelles solutions peut-on envisager pour la
réduire ?
Un rattrapage en cours,
mais encore insuffisant
Depuis plusieurs
décennies, la situation financière des femmes s’est améliorée. Leur taux
d’activité a fortement progressé, soutenu par la tertiarisation de l’économie
et la généralisation du salariat. Elles ont aujourd’hui les moyens d’épargner.
Pourtant, lorsqu’il
s’agit d’investissement, les femmes restent plus prudentes. L’une des
explications réside dans un sentiment d’illégitimité : de nombreuses femmes
estiment manquer de connaissances financières. Toutefois, lorsqu’on les
interroge sur leur niveau d’information concernant leurs finances personnelles
(revenus, dépenses, impôts), elles sont tout aussi renseignées que les
hommes. De plus, elles ont plus
fréquemment recours à des conseillers financiers ou à leur entourage avant de
prendre des décisions d’investissement. Une précaution qui peut être perçue
comme une hésitation, alors qu’il s’agit d’une bonne pratique en matière
d’investissement.
Un fossé patrimonial
qui se creuse
Au-delà de ces
comportements, des inégalités structurelles persistent, notamment en matière de
capitalisation et d’accès à la propriété. Entre 1998 et 2015, l’écart de
patrimoine entre les sexes est passé de 9 à 16%, une évolution due à
l’individualisation croissante du patrimoine et à une capacité d’épargne plus
faible chez les femmes.
A la retraite, ces inégalités deviennent encore plus flagrantes : les femmes perçoivent en moyenne
39% de revenus en moins que les hommes.
Les rôles financiers au
sein du couple contribuent également à cette inégalité. C’est souvent la femme
qui gère le budget au quotidien, alors que les hommes prennent les décisions en
matière d’investissement. L’écrivaine Titiou Lecoq évoque “la théorie du pot de
yaourt” : les petits salaires gèrent les petites dépenses, les gros salaires
les grosses dépenses. Ainsi, l’homme achète la voiture, tandis que la femme
fait les courses. En cas de séparation, il repart avec la voiture, elle avec
des pots de yaourts vides.
La formation
financière, un levier essentiel
Pour combler ces
écarts, plusieurs pistes doivent être explorées.
D’abord, la formation
financière. Intégrer des notions de gestion de budget et d’investissement au
programme scolaire permettrait de donner aux jeunes, et notamment aux jeunes
filles, les clés pour mieux appréhender leur avenir économique.
Il est aussi essentiel
d’encourager les femmes à se former, à échanger et à prendre confiance en leurs
capacités d’investissement. La tendance semble s’amorcer avec des espaces
d’apprentissage et de discussion autour des finances personnelles qui peuvent
jouer un rôle déterminant.
Enfin, la répartition
des responsabilités financières au sein du couple peut évoluer. Parler d’argent
sans tabou et favoriser un partage équilibré de la gestion budgétaire et
patrimoniale sont des enjeux cruciaux pour garantir une indépendance économique
durable aux femmes.
Mais au-delà des chiffres et des tendances, c’est bien d’une question de justice et d’autonomie dont il s’agit. Car, au final, l’investissement financier des femmes ne concerne pas seulement leurs économies : il engage leur avenir.