L’étude Global M&A Outlook 2025 du Cabinet international Herbert Smith Freehills révèle une année 2024 marquée par une reprise progressive des activités de fusion-acquisition, en dépit de défis tels que l'inflation soutenue, les taux d'intérêt élevés et les incertitudes liées à la sécurité énergétique, notamment en raison de la situation en Ukraine.
Quelles dynamiques ont
marqué l'année écoulée et quelles sont les tendances pour 2025 ?
L’année 2024 a été
témoin d’une résurgence modérée des activités de M&A à l'échelle mondiale,
une amélioration bienvenue par rapport à la stagnation observée en 2023.
Toutefois, cette reprise est restée entravée par plusieurs facteurs
macroéconomiques : l’inflation persistante a continué de saper le pouvoir
d’achat et la stabilité financière des entreprises, tandis que les taux
d'intérêt, maintenus à des niveaux élevés ont compliqué l’accès au financement
et renchéri le coût des emprunts. Enfin, la crise ukrainienne a prolongé les
perturbations dans les chaînes d'approvisionnement énergétique, affectant
notamment les coûts opérationnels et la planification stratégique des
entreprises à travers le monde.
Ces conditions ont
influé sur les décisions des entreprises en matière de fusions et acquisitions,
les poussant à adopter des stratégies plus prudentes et ciblées. Cyril
Boulignat, associé chez Herbert Smith Freehills Paris observe « une
tendance à une concentration accrue sur des transactions de grande envergure,
souvent stratégiques, où la qualité de l’investissement a primé sur la quantité ».
Dans ce contexte, le
rapport souligne également l’importance croissante de due diligences
approfondies, mettant l'accent sur les risques de facteurs environnementaux,
sociaux et de gouvernance (ESG), réglementaires et opérationnels. L'activisme
des actionnaires a par ailleurs redéfini les priorités, avec une pression
accrue pour maximiser la valeur via des spin-offs et restructurations.
Enfin, les tensions
géopolitiques, en particulier entre les États-Unis et la Chine, ont remodelé
les routes d’investissement, exigeant des entreprises une grande agilité dans
la structuration de leurs transactions.
Europe 2024 : Impact
Réglementaire et stratégies transfrontalières
En Europe, l’évolution
réglementaire a influencé les stratégies de fusion-acquisition comme le
Règlement européen sur les subventions étrangères (Foreign Subsidies
Regulation, FSR).
En parallèle,
l'interventionnisme réglementaire s'est intensifié, particulièrement dans le
secteur technologique, où l'autorité de concurrence britannique, mais surtout
la Commission européenne, ont élargi leur champ d'action sur les transactions,
rendant le paysage réglementaire encore plus complexe pour les opérations de
fusion acquisition. L'expansion des régimes d'investissement direct étranger
(FDI) et l'élargissement des définitions des secteurs sensibles ajoutent une
couche de complexité pour les entreprises engagées dans des transactions
transfrontalières.
Autre élément notable,
le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment
Mechanism), prévu pour 2026, incarne cette orientation cherchant à protéger les
industries européennes de la concurrence déloyale. Il prévoit l'imposition de
tarifs sur les importations à haute intensité carbone, une initiative qui non
seulement tend à équilibrer le terrain de jeu pour les entreprises européennes,
mais répond également aux enjeux environnementaux mondiaux.
France : Résilience
dans un contexte d'incertitude
L’année 2024 a démarré
sur une note prometteuse pour les fusions-acquisitions, avec une nette reprise
par rapport à 2023, une année particulièrement morose. Toutefois, l’instabilité
politique avec la dissolution de l’Assemblée nationale, a freiné cette
dynamique et conduit à un ralentissement marqué au troisième trimestre.
Christopher Theris, associé à Paris observe « les entreprises françaises ont activement recherché des opportunités d'acquisition à l'étranger tout en renforçant leur ancrage sur le marché national. »
Les opérations domestiques restent prédominantes,
complétées par des acquisitions internationales, comme celles entreprises par
Xavier Niel (Milicom) et Saint-Gobain (CSR).
Le secteur
technologique a continué de se distinguer, tant par la valeur que par le volume
de ses transactions. En parallèle, le secteur énergétique a été marqué en
particulier par l'acquisition de Neoen par Brookfield pour plus de 6 milliards
d'euros.
A noter le
développement continu de l'utilisation des assurances de garantie de passif,
même si le recours à cet outil a augmenté moins vite que prévu.
De manière générale, la
réalisation des transactions en 2024 a nécessité davantage de temps en raison
de processus de due diligence plus complexes, de structurations plus
sophistiquées et de conditions suspensives renforcées. Le contrôle des
investissements directs étrangers a continué à être un aspect clé des
transactions en 2024. Certaines transactions et transactions potentielles ont
suscité d'importants débats sur le rôle du contrôle des investissements
étrangers, comme la cession d'Opella pas Sanofi ou le potentiel acquisition de
Ubisoft par Tencent. L’État français est également intervenu directement en
acquérant certains actifs jugés particulièrement stratégiques, tels qu’ASN
acquis à Nokia et les activités de supercalculateurs d’Atos.
Cap sur 2025
Herbert Smith Freehills
anticipe « un marché dynamique pour les fusions et acquisitions en
2025, caractérisé par une stabilisation macroéconomique et une adaptation
continue des entreprises aux normes réglementaires et environnementales »,
précise Frédéric Bouvet, Head Of Corporate / M&A.
Les défis persistants
liés aux conditions géopolitiques et réglementaires (y compris de potentielles
guerres commerciales) continueront cependant de complexifier les transactions.
En Europe, 2025 devrait voir une
recrudescence des transactions transfrontalières, stimulées par une plus grande
harmonisation réglementaire et des mesures de relance économique. Les secteurs
tels que la technologie, la santé et l'énergie, déjà en plein essor, devraient
connaître une croissance encore plus forte.
En France, malgré l’instabilité
politique et une dette publique élevée, le marché montre des signes de
résilience. La baisse des taux d'intérêt, la réouverture des marchés de la
dette et des opportunités liées aux restructurations devraient soutenir
l’activité. Les secteurs de la Fintech et de la santé sont particulièrement
prometteurs. Un optimisme prudent prévaut pour une reprise solide des
fusions-acquisitions.
Globalement, 2025 promet de tester la résilience des marchés et de révéler des possibilités d'investissement transformateur pour ceux qui sont prêts à embrasser le changement.