Le marché mondial des
fusions-acquisitions pourrait retrouver une trajectoire ascendante, notamment
grâce à la récente dynamique des transactions dans le segment des larges caps.
Cependant, si certaines incertitudes économiques et géopolitiques pesant sur le
marché se dissipent, des signaux viennent obscurcir les perspectives
d’évolution du marché en 2025, tels que la chute des volumes de certaines
transactions ou les potentielles surprises qui pourraient prendre de court les
acteurs du M&A s’ils manquent de vigilance.
Le cabinet de conseil
et d’audit PwC France et Maghreb publie ici les résultats de son étude mondiale
Global M&A Industry Trends, qui revient sur les fusions-acquisitions de
l’année passée et donne les perspectives pour 2025.
Evolution du marché des
fusions-acquisitions en 2024 : les transactions se concentrent
Au niveau mondial, la valeur des transactions a augmenté de 5% entre 2023 et 2024, tandis que le volume a diminué de 18% sur la même période. Les tendances régionales varient, mais suivent la tendance globale. Si le marché EMEA est soutenu par les méga-deals au Royaume-Uni, le marché français s’illustre par un maintien de l’activité M&A en valeur à 60,3 milliards de dollars (+1% vs. 2023), mais surtout par un effondrement du volume d’activités, avec seulement 1 326 transactions
(-29% vs. 2023). Les Etats-Unis ont vu la valeur des transactions augmenter de 6%. Pour la région
Asie-Pacifique, la hausse de la valeur des
transactions est particulièrement marquée au Japon (+24%) et en Inde (+20%).
La taille moyenne des transactions en 2024 a augmenté de 11%, atteignant 146 millions de dollars, grâce notamment à la hausse du nombre de transactions de plus de 1 milliard de dollars, passant de
430 transactions (en 2023) à plus de 500 (en 2024). Parmi
elles, 72 étaient des méga-deals (transactions supérieures à 5 milliards de
dollars), indiquant le plein essor de ces opérations d’envergure.
Plusieurs secteurs
d’activité ont enregistré des valeurs de transactions plus élevées en 2024
qu’en 2023, avec des méga-deals notables dans le divertissement/ médias,
l’aérospatial/défense ainsi que dans les services financiers. Cependant, tous
les secteurs ont connu une baisse des volumes de transactions en 2024, parfois
légère (-8% pour le secteur de l’Energie), parfois considérable (-27% pour le
secteur technologique).
« Nous assistons à un
début de reprise tant attendue du marché du M&A, s’étendant à plusieurs
secteurs et pays, avec davantage de méga-deals. Cette dynamique renforce l'élan
apparu en 2024, mais la probabilité d’imprévus reste élevée pour l’avenir. Les
acteurs du marché devront garder un œil attentif sur les valorisations, les
taux d'intérêt et les évolutions géopolitiques cette année. Il faudra être prêt
à répondre à des questions difficiles et faire des analyses critiques pour
tirer son épingle du jeu, notamment concernant l’impact de l’IA sur le modèle
d’activité des entreprises », déclare Stéphane Salustro, Associé
responsable des activités Deals chez PwC France et Maghreb.
L’impératif des
transactions se renforce
Selon la 28ème édition
de la Global CEO Survey, publiée en janvier 2025 par PwC, 53% des dirigeants
d’entreprise se considèrent extrêmement ou très confiants quant aux
perspectives de croissance de leur entreprise à trois ans. Ces résultats
suggèrent que, dans un environnement économique atone, les répondants
s’attendent à ce que les transactions actuelles et futures soient sources de
croissance. Par ailleurs, 81% des dirigeants ayant fait une acquisition
significative ces trois dernières années prévoient d’en réaliser au moins une
dans les trois prochaines années.
L’impact de l’IA sur
les entreprises et les marchés financiers, en tant que catalyseur du
changement, ne doit pas être sous-estimé. Les attentes du marché sont
extrêmement élevées alors que les performances réelles sont légèrement
inférieures aux attentes exprimées par les CEO l’année passée : si 46%
s’attendaient à des gains liés à l’IA durant l’année 2024, ils ne sont que 34%
à en constater un an plus tard. Malgré cela, la technologie devrait générer des
vents favorables au M&A dans toutes les industries. La demande dans le
secteur technologique a par ailleurs considérablement stimulé les
investissements dans les infrastructures numériques : au cours des 5 prochaines
années, les dépenses d’investissement pourraient atteindre 2 000 milliards de
dollars pour la construction de nouveaux centres de données. Ces phénomènes
créent des dépendances intersectorielles (centres de données, infrastructures
numériques, production d’énergie) conduisant à de nouveaux modèles susceptibles
de stimuler davantage les opportunités de transactions.
Le marché du M&A
est également impacté par l’accentuation de la pression sur les sorties des
entreprises dans les portefeuilles des fonds de Private Equity, inférieures aux
moyennes historiques depuis trois ans, ce qui entraîne une augmentation des périodes
de détention pour les entreprises en portefeuille. Davantage d’entreprises
soutenues par des fonds de Private Equity arriveront probablement sur le marché
cette année, en réponse à la volonté des investisseurs de sortir de ces
investissements plus anciens. A date, près de la moitié des 29 400 sociétés en
portefeuille dans le monde sont détenues depuis plus de cinq ans.
Les variables
imprévisibles des fusions-acquisitions
Cette année, les acteurs du M&A devront se montrer agiles et naviguer à travers les incertitudes politiques pour espérer réussir. Tandis que plusieurs grandes puissances économiques, telles que la France, le Canada, l’Allemagne et la Corée du Sud, sont confrontées à une instabilité politique, l’économie mondiale va considérablement changer selon les évolutions géopolitiques (les suites de la guerre en Ukraine, l’apaisement potentiel du conflit au Moyen-Orient, la chute du régime de Bachar
al-Assad en Syrie…). L’impact de l’élection
américaine ainsi que les tensions liées aux menaces de guerres commerciales
résonnent dans le monde entier et pourront également avoir des implications
significatives pour le M&A dans de nombreux secteurs d’activité.
Par ailleurs, la
dynamique actuelle des fusions-acquisitions a notamment été alimentée par les
baisses des taux décidées par plusieurs banques centrales : réduction de 50
points de base en Europe entre septembre et décembre 2024, et de 100 points de
base aux Etats-Unis sur la même période. Cependant, les taux à long terme ont
augmenté dans plusieurs pays, notamment en France. Cette hausse crée une
incertitude accrue concernant le calendrier et l’ampleur des évolutions de taux
en 2025, qui dépendront de la vigueur des économies locales et de la poursuite
du ralentissement de l’inflation.
« La reprise du marché M&A pourrait avoir du mal à maintenir son élan récent à un moment où les taux d'intérêt à long terme augmentent et les valorisations sont élevées. Pour réussir, les acteurs du M&A auront besoin d'une expertise sectorielle approfondie et d'un focus sur la création de valeur », ajoute Benjamin Ribault, Associé Deals chez PwC France et Maghreb.