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[Tribune] Entreprises et inclusion : comment sortir de la polarisation et construire un modèle apaisé ?

Alors que les politiques de diversité et d’inclusion (D&I) en entreprise sont de plus en plus débattues ou mises en cause, Patrick Scharnitzky, psychosociologue et Directeur Associé chez AlterNego, alerte sur les tensions croissantes autour de ces sujets. Face aux "vents contraires" qui soufflent sur ces initiatives, il appelle à une approche mesurée, pragmatique et dénuée d’idéologie pour favoriser un climat plus apaisé et constructif.

 

Depuis 15 ans, notre socioculture prend le chemin de l’inclusion. Le mariage pour tous, les ricochets du tsunami Black Lives Matter, le choc #MeToo et les contraintes légales grandissantes ont conduit toutes les parties prenantes de la société à s’engager. Et cela ressemblait aux prémices d’un changement civilisationnel irréversible. Mais comme les mutations de grande ampleur ne se font jamais dans la soie, les plus radicaux ont saisi des drapeaux pour revendiquer des droits légitimes, mais souvent perçus sur l’autel de la « revanche des faibles ».

 

Cancel culture, acronyme pour décrire les orientations sexuelles et les identités de genre, et hypersensibilité prétendue aux micro-agressions et aux discriminations sont autant de sujets devenus urticants. En outre, ils sont caricaturés pour décrédibiliser un courant wokiste qui, à l’origine, se contente de proposer que les stigmatisés et les plus faibles osent se « réveiller » et être eux-mêmes. Mais la souffrance se crie, elle ne se chuchote pas.

 

Face à cette radicalité surexposée par certains médias, s’est réveillée un contre-pouvoir en miroir, anxieux et réfractaire. Les propos racistes se banalisent, les violences faites aux femmes persistent, des lois restrictives sur l’homosexualité là-bas, une remise en cause de l’IVG ailleurs, des voies réactionnaires s’installent et soufflent des vents contraires puissants, au diapason d’un élan égalitariste justifié mais bafoué.

 

L’entreprise n’est pas épargnée car ses frontières sont devenues très perméables. Elle voit s’opposer aujourd’hui celles et ceux qui refusent toutes les formes de soumission et celles et ceux qui crient haut et fort « qu’on ne peut plus rien dire ». Et ne réduisons pas cela à un conflit générationnel, c’est bien plus une lutte des places qu’un combat des âges.

 

Et les modérés dans tout cela ? Celles et ceux qui portent les sujets d’inclusion de façon raisonnable et pragmatique, sans morale ni culpabilisation, et sans sombrer dans une guerre de totems idéologiques qui impose que toute forme de blessure empêche le débat ? Ils sont malheureusement inaudibles, pris entre le marteau et l’enclume. Pourtant, il est indispensable de « refroidir » ces sujets pour les dépolluer de leur charge émotionnelle. L’entreprise fait aujourd’hui face à un défi darwinien, menacé par ces vents contraires qui résistent. Alors comment marcher sur cette ligne de crête ?

 

L’entreprise n’est pas un lieu de prosélytisme. On a le droit d’être mal à l’aise avec l’homosexualité, au regard de son âge, de sa culture, ou de son éducation. De la même façon, on a le droit de se sentir blessé à cause d’une blague déplacée ou d’un regard qui s’égare. Ces opinions doivent être entendables et entendues mais les actes qui pourraient en découler sont à bannir. La culture d’entreprise et les décideurs qui la portent doivent avoir le courage de poser un cadre qui sanctionne les dérives. C’est le seul moyen de convaincre qu’il existe une frontière entre l’acceptable et l’inadmissible.

 

Mener une politique d’inclusion ne doit pas se réduire à quelques « minorités égarées ». Il faut embarquer toutes les diversités, sortir des silos identitaires et aborder le sujet de façon transversale : garantir l’équité pour toutes et tous, créer les conditions de l’intelligence collective, offrir à chacune et chacun le confort d’oser être soi et lutter ardemment contre les stéréotypes.

 

En somme, notre socioculture doit résister aux vents contraires, en changeant de cap pour les contourner. Il faut penser une inclusion qui soigne, frappée par le sceau du bon sens et de l’humilité, mais sans idéologie ni militantisme revanchard.


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