L’Analyse de Sabine Nevers, Directrice
Développement Durable d’Euryale.
Dans un contexte où
l’urgence climatique impose une révision profonde de nos modes de production et
de consommation, le secteur immobilier est sommé de réduire son empreinte
écologique. À la lumière des résultats du Baromètre de la performance
énergétique et environnementale des bâtiments 2024, publiés par l’Observatoire
de l’Immobilier Durable (OID), l’immobilier de santé s’inscrit dans la
dynamique positive du secteur immobilier tertiaire avec ses progrès
significatifs réalisés par les établissements de santé en matière de sobriété
énergétique et de réduction des émissions de carbone.
Alors que le secteur
résidentiel peine à s’engager pleinement, révélant des faiblesses structurelles
inquiétantes, l’immobilier de santé prouve qu’il est possible d’allier
efficacité énergétique, croissance économique et utilité sociale sans pour
autant compromettre les enjeux vitaux propres à ce secteur. En effet, sur 2023,
le résidentiel affiche une réduction marginale de sa consommation (seulement
-2,1% à climat constant), largement attribuable au verdissement du mix
énergétique plutôt qu’à une véritable transformation des bâtiments. Du côté de
l’immobilier tertiaire, la tendance à la diminution des consommations
énergétiques se renforce depuis quelques années. L’enjeu consiste en effet à
pérenniser un rythme de diminution des consommations énergétiques suffisant
pour respecter les trajectoires correspondant aux Accords de Paris.
L’immobilier de bureaux démontre particulièrement sa prise en compte des
questions climatiques, avec une diminution en 2023 de 7,1% à climat constant.
L’immobilier de santé
doit quant à lui relever un double défi : celui de décarboner ses bâtiments tout
en préservant une qualité d’usage totale. Car ce parc doit accueillir une
population plus vulnérable, des malades, des personnes âgées ou handicapées, et
leur proposer des axes de confort et d’actions médicales en toutes
circonstances. C’est en cela que l’équilibre à trouver pour l’immobilier de
santé doit être plus nuancé et réfléchi que sur les autres classes d’actifs.
Une climatisation sera un bonus heureux pour le cadre qui se rend au bureau,
mais constitue par exemple une nécessité vitale pour un EHPAD du sud de
l’Europe. Des salles d’opération en cliniques s’avéreront nécessairement
énergivores, mais cette consommation énergétique doit être assumée
collectivement comme nécessaire à la santé globale de la population.
Loin d'être
anecdotique, l'immobilier de santé joue donc un rôle fondamental : accompagner le
vieillissement de la population et répondre à des besoins croissants en
infrastructures de soin, tout en améliorant son impact environnemental. Les
chiffres sont là pour le prouver : en 2023, les bâtiments de santé en France
enregistrent une baisse de 4,3% pour leur consommation moyenne d’énergie
finale, à climat constant, atteignant ainsi 170 kWh/m² et ce, malgré une
fréquentation accrue. Preuve de l’engagement concret du secteur et de
l’efficacité des solutions pragmatiques et des actions concertées menées malgré
des plans de sobriété mis en œuvre dans l’urgence. Preuve également que
sobriété énergétique et développement de l’activité peuvent coexister. À noter
que derrière cette moyenne, deux profils se détachent : les EHPAD (consommation
moyenne de 149 kWh/m²) qui s’inscrivent dans une logique proche de
l’hôtellerie, et les cliniques et hôpitaux (254 kWh/m² en moyenne en énergie
finale) qui affichent des besoins énergétiques naturellement plus élevés en
raison d’infrastructures vitales.
Ces résultats
encourageants doivent être appréhendés dans un contexte plus large. Au-delà du
cadre strictement français, la France se distingue également à l’échelle
européenne grâce à un mix énergétique majoritairement décarboné, avec des
émissions de carbone deux fois inférieures à la moyenne européenne : 20,5
kgCO2eq/m² en France contre 45,1 kgCO2eq/m² aux Pays-Bas, par exemple. Ce
leadership français n’est pas une fin en soi et doit nous pousser à étendre nos
solutions, à partager nos bonnes pratiques avec nos partenaires européens et à
plaider pour des politiques ambitieuses à l’échelle du continent.
L'immobilier de santé
illustre que la transition énergétique est possible même dans des secteurs
contraints et sans compromettre sa mission d’origine. Mais cette réussite doit
être élargie par une mobilisation collective des acteurs publics et privés. Cela
implique de transformer des initiatives individuelles en politiques
structurantes, grâce à des réglementations innovantes, des financements adaptés
et des collaborations internationales. Charge à nous de poursuivre cette
réflexion à la croisée des enjeux sociaux et humains et environnementaux, en
visant un équilibre adapté et pertinent.
En poursuivant cette démarche collective, il est envisageable de construire un immobilier plus résilient, efficace et responsable.