Par Fidel Martin, Président d’Exoé
Dans un contexte
économique de plus en plus exigeant, la pression sur les sociétés de gestion
pour réduire leurs coûts atteint un niveau sans précédent. Cette demande,
principalement initiée par les grands investisseurs institutionnels, pose des
questions cruciales sur l’équilibre entre rentabilité et innovation, tout en
faisant peser un poids disproportionné sur les sociétés de gestion dites «
entrepreneuriales ».
Une tendance dictée par
les institutionnels
Les gros investisseurs
institutionnels, tels que les fonds de pension, compagnies d’assurance et
autres grands acteurs du marché, jouent un rôle clé dans la finance moderne.
Avec des capitaux à investir d’une ampleur considérable, ils sont en mesure
d’imposer leurs conditions, y compris la réduction des frais de gestion. Pour
eux, chaque point de base économisé représente des montants considérables sur
le long terme.
Cependant, ces
exigences, bien qu’admissibles dans une logique de rendement, viennent souvent
fragiliser les structures plus petites et innovantes. Contrairement aux grandes
institutions financières, les sociétés de gestion entrepreneuriales ne
disposent pas de l’échelle économique nécessaire pour absorber de telles
réductions sans compromettre leur activité.
Les sociétés de gestion
entrepreneuriales : un moteur d’innovation menacé
Les sociétés de gestion
entrepreneuriales, souvent de taille modeste, sont à l’origine de nombreuses
innovations financières. Leur agilité et leur capacité à proposer des
stratégies différenciées sont des atouts majeurs dans un secteur de plus en
plus standardisé. Pourtant, ces acteurs sont aujourd’hui confrontés à un
dilemme : répondre à la pression des coûts ou maintenir leur modèle basé sur la
qualité et la spécialisation.
Avec des marges déjà
réduites, la baisse des frais de gestion peut rapidement devenir insoutenable
pour ces structures. Cette situation risque de conduire à une consolidation du
secteur, où seules les grandes entités capables d’absorber ces exigences subsisteront.
Un tel scénario ferait courir le risque d’un appauvrissement de l’offre
financière et d’une concentration accrue des pouvoirs.
Une nécessaire
évolution du dialogue
Pour relever ces défis,
il est indispensable d’engager un dialogue constructif entre les grands
investisseurs institutionnels et les sociétés de gestion entrepreneuriales.
Plusieurs pistes peuvent être envisagées :
1. Modéliser une
tarification différenciée en fonction de la taille et des besoins des investisseurs,
afin de préserver la viabilité des acteurs de niche.
2. Encourager des
partenariats stratégiques qui permettent aux petites structures de mutualiser
certains coûts, notamment ceux liés à ceux liés à une table de négociation
externalisée, et/ou à la conformité réglementaire.
3. Valoriser
l’innovation dans les critères de sélection des gestionnaires d’actifs, en
reconnaissant le rôle crucial des sociétés entrepreneuriales dans le
renouvellement des pratiques financières.
Une opportunité de
redéfinir les règles
Au-delà des
contraintes, la demande de réduction des coûts pourrait également être perçue
comme une opportunité pour les sociétés de gestion entrepreneuriales de
repenser leurs modèles économiques. L’optimisation des processus, la
digitalisation et la recherche de nouvelles sources de revenus peuvent
constituer des leviers puissants pour s’adapter à cette nouvelle donne.
Cependant, ces
évolutions ne doivent pas se faire au détriment de la qualité du service et de
l’indépendance intellectuelle qui caractérisent les sociétés de gestion
entrepreneuriales. Il en va de la diversité et de la richesse de notre
écosystème financier.
En conclusion, la pression sur les coûts exercée par les grands investisseurs institutionnels est une réalité à laquelle toutes les sociétés de gestion doivent faire face. Toutefois, pour les sociétés entrepreneuriales, il est crucial que cette évolution se fasse de manière équilibrée, afin de préserver leur rôle unique dans l’écosystème financier. Une collaboration renforcée entre tous les acteurs est essentielle pour trouver des solutions innovantes et garantir un avenir durable à notre secteur.