Par Emmanuel
Fusiller, Président d’Administra Paris
La récente décision de
l'Assemblée nationale de rejeter la proposition de loi visant à assouplir les
conditions d’interdiction de location des passoires thermiques dans certaines
copropriétés soulève des interrogations majeures pour les copropriétaires et
les gestionnaires immobiliers. Cette proposition, transpartisane, visait à
introduire des dérogations pour les logements confrontés à des obstacles
financiers ou techniques rendant la rénovation énergétique difficile.
Un cadre législatif
rigide face à la complexité des copropriétés
La loi Climat et
Résilience de 2021 a instauré un calendrier strict pour l'interdiction
progressive de la location des logements les plus énergivores. Si l'objectif
est louable, il est essentiel de reconnaître la complexité particulière pour
l’habitat ancien. Les décisions de travaux y sont souvent longues à obtenir,
nécessitant l'accord de multiples parties prenantes aux intérêts parfois
divergents. De plus, le coût élevé des rénovations énergétiques et l’absence
d’une diversité de matériaux de construction de plus en plus performants
constitue un frein significatif, surtout pour les copropriétaires aux
ressources limitées.
Des aides insuffisantes
et une information lacunaire
Bien que des
dispositifs tels que MaPrimeRénov' existent pour soutenir la rénovation
énergétique, leur complexité et le manque de communication efficace limitent
leur impact. Une enquête récente révèle que plus de la moitié des propriétaires
ne se sentent pas bien informés sur la rénovation énergétique des copropriétés,
et seuls 3 sur 10 indiquent avoir été sensibilisés à la rénovation globale par
leur syndic. Cette situation entrave la mise en œuvre des travaux nécessaires
pour améliorer la performance énergétique des bâtiments., le dernier bilan pour
2024 de l’ANAH le nombre de rénovation de logement simple diminue de 40% par
rapport à l’an dernier.
Vers une approche plus
pragmatique et adaptée
Il est impératif que
les pouvoirs publics adoptent une approche plus pragmatique, tenant compte des
réalités du terrain. Plutôt que d'imposer des interdictions strictes sans
distinction, il serait judicieux de prévoir des dérogations ciblées pour les
copropriétés rencontrant des obstacles majeurs à la rénovation. Parallèlement,
une simplification des démarches administratives et une meilleure information
sur les aides disponibles sont essentielles sans oublier le financement de la
R&D pour des matériaux de rénovations plus performants afin d’encourager
les copropriétaires à entreprendre des travaux d'amélioration énergétique.
Si la transition énergétique est un enjeu crucial pour notre société. Elle ne saurait se faire sans une prise en compte des contraintes spécifiques des copropriétés. Un équilibre doit être trouvé entre les objectifs environnementaux et la faisabilité économique et sociale des mesures imposées. Il est temps d'engager un dialogue constructif entre législateurs, gestionnaires immobiliers et copropriétaires pour élaborer des solutions adaptées et efficaces, autrement dit laisser du temps au temps.