Malgré une demande bien présente, le secteur de l’artisanat
du bâtiment continue de subir une baisse inexplicable et inacceptable de son
activité compte tenu de l’ampleur des rénovations à effectuer dans le cadre de
la stratégie bas carbone, notamment.
Une conjoncture qui se
dégrade dans l’artisanat du bâtiment
En dépit d’un
environnement macroéconomique plutôt favorable (baisse des taux directeurs et
de l’inflation), l’artisanat du bâtiment a connu un recul de son activité, -3,9%
sur l’année, induit principalement par une nouvelle baisse de la construction
neuve (-8,5%), mais aussi une baisse dans l’entretien rénovation (-1%), y
compris dans la rénovation énergétique (-0,5%). Le recul de l’activité concerne
toutes les régions et tous les corps de métiers.
Mémo : Chiffres du 4ᵉ
trimestre 2024
• Activité de l’artisanat du bâtiment : -6%
• Construction neuve : -13%
• Entretien et rénovation : -1,5%
Si les carnets de commandes sont encore à deux mois et demi, cette visibilité est essentiellement due à la diminution des capacités de production des entreprises. Sur l’année, ce sont ainsi environ
21 000 postes qui ont été supprimés. Et les intentions de
licenciement ou de non-renouvellement de contrats sont toujours en hausse et
plus importantes que la part des entreprises qui envisagent des embauches.
Quant aux trésoreries, elles se tendent davantage et les défaillances
poursuivent leur progression.
Dans la continuité de
son action syndicale, « Nous prenons nos responsabilités et vous ? », la
CAPEB dénonce l’irresponsabilité dont font preuve les décideurs politiques face
aux difficultés des entreprises artisanales et refuse toute projection
d’activité pour 2025, tant celle-ci est impactée par les décisions des pouvoirs
publics.
Trimestre après
trimestre, la CAPEB alerte sur les difficultés économiques du secteur et
propose des solutions pragmatiques et adaptées, dans l’intérêt général et avec
une ambition de réduction des déficits publics. Pourtant, ces propositions se
heurtent à un manque de considération de la part des pouvoirs publics.
Miser exclusivement sur
la construction neuve pour répondre à la crise du logement : une stratégie
infondée
Le Gouvernement semble
concentrer ses efforts sur la construction neuve, en élargissant notamment le
PTZ pour résoudre la crise du logement. Or, cette stratégie n’est pas à la
hauteur des besoins. Selon l’ADEME, le parc de logements neufs nécessaire se situe
entre 120 000 et 350 000 unités par an.
Avec 330 900
autorisations et 258 500 mises en chantier prévues pour 2025, la CAPEB estime
que l’effort de construction neuve est déjà dans la fourchette des besoins
identifiés. Les réservations de logements sont nettement inférieures aux mises
en vente de logements neufs, ce qui interroge sur une politique qui continue de
porter uniquement sur la construction neuve.
La « crise du logement
» n’est appréhendée par les pouvoirs publics que par le prisme de la
construction neuve. Or, la rénovation offre un potentiel considérable de
logements :
• 11 millions de logements, soit 1/3 du parc
français, sont dans le bâti ancien ou patrimonial.
• 3,1 millions de logements sont vacants, soit
8% des logements.
• 5,8 millions de logements sont des passoires thermiques, dont 567 000 ne peuvent plus être loués depuis le 1er janvier 2025.
• 2 millions de m² de bureaux sont susceptibles
d’être transformés en logements.
• 80% des logements de 2050 sont déjà existants
et devront être rénovés.
En outre, les gains de
la rénovation vont bien au-delà de la seule offre supplémentaire de logements.
La rénovation permet de préserver les ressources (80 fois plus de matériaux
sont nécessaires à la construction d’un logement collectif par rapport à la rénovation
d’un bâtiment équivalent), et 10 Mrds€
par an de coûts de santé
pourraient être évités si les passoires thermiques étaient rénovées d’ici 2028.
Au lieu d’agir en ce
sens, le Gouvernement fait le choix d’amputer fortement les moyens dédiés à
MaPrimeRénov’ pour réduire les dépenses de l’État, qui seront par ailleurs
alourdies par les mesures favorables qu’il a prises en faveur de la
construction neuve. C’est une faute politique qui va aggraver la situation déjà
fragile des TPE du bâtiment, largement actrices de la rénovation, et qui va
passer à côté des besoins réels des Français.
Une exaspération
croissante chez les artisans
La CAPEB déplore que
les arbitrages pris ne soient que trop rarement favorables aux TPE du bâtiment.
Pourtant, de nombreux organismes, y compris des agences de l’État telles que
l’ADEME, s’accordent sur le potentiel qu’offre la rénovation en termes de logements.
Le Gouvernement de Gabriel Attal s’était même prononcé favorablement sur les
propositions de la CAPEB pour dynamiser la rénovation énergétique, propositions
qui ne sont toujours pas mises en œuvre à ce jour. De ce fait :
• Le nombre d’entreprises RGE (Reconnu Garant de
l’Environnement) reste identique à 2015, alors que la transition écologique est
une priorité nationale.
• L’accès à la qualification RGE par Validation des
Acquis de l’Expérience (VAE), qui permettrait à un plus grand nombre
d’entreprises de contribuer au marché de la rénovation énergétique, est
toujours en attente de décision depuis un an.
• La limitation de la sous-traitance à deux
rangs
n’a toujours pas été mise en œuvre, alors qu’elle permettrait de lutter contre
les fraudes et d’assainir le marché.
Un appel à la juste
reconnaissance des TPE
Dans son discours de
politique générale, François Bayrou a plaidé pour une démocratie sociale. Pour
la CAPEB, celle-ci passe nécessairement par une prise en considération des TPE
et des décisions politiques concrètes qui leur sont favorables. La CAPEB appelle
les pouvoirs publics à prendre en considération le rôle central des TPE dans
l’économie française. Elles représentent un « trésor caché » qui contribue à
relever les défis sociétaux et environnementaux.
« Nous sommes arrivés à un point de non-retour : on ne peut pas continuer à appeler à la démocratie sociale tout en prenant des décisions qui pénalisent nos entreprises artisanales. Un défi sociétal et environnemental majeur est devant nous, mais nos entreprises, qui s’emploient à le relever, ne figurent toujours pas parmi les priorités nationales. À ce jour, les actes politiques ne traduisent aucune réelle compréhension des enjeux auxquels font face les artisans. Nous alertons sur l’ineptie économique et sociale d’ignorer le potentiel que représente la rénovation et de tout miser sur la construction neuve, et nous continuerons à proposer des solutions. Il est désormais impératif de les mettre en œuvre », conclut Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB.