Connexion
/ Inscription
Mon espace
Etudes & Enquêtes
ABONNÉS
Partager par Linked-In
Partager par Xing
Partager par Facebook
Partager par email
Suivez-nous sur feedly

[Etudes] NEOMA Business School - Concilier travail et cancer : une étude dévoile pourquoi les solutions prêtes à l’emploi échouent

Chaque année en France, 160 000 salariés se voient diagnostiquer un cancer, bouleversant leur vie personnelle et professionnelle. Ce parcours complexe, marqué par des incertitudes liées à la maladie et à ses traitements, ne peut être efficacement accompagné par des solutions standardisées.

 

À travers une étude, Rachel Beaujolin*, enseignante-chercheure à NEOMA Business School, démontre que ces solutions figées échouent à répondre aux besoins réels des salariés. Elle plaide pour la mise en place d’aménagements provisoires et évolutifs, élaborés en co-construction avec les différents acteurs concernés, autour de trois principes clés.

 

Un diagnostic qui bouleverse la vie professionnelle

 

Chaque année en France, on détecte 160 000 nouveaux cas de cancer dans la population salariée. Plusieurs années après, 64% des salariés concernés souffrent encore des séquelles de leurs traitements : fatigue, douleurs, troubles cognitifs… Une étude de l’Institut National du Cancer (INCa) révèle que les salariés ayant bénéficié d’aménagements de leurs conditions de travail dès le diagnostic sont plus nombreux à être encore en activité cinq ans plus tard. « Cela montre l’importance d’adapter les conditions de travail aux besoins spécifiques de chaque salarié touché par la maladie, car aucune situation n’est identique », souligne Rachel Beaujolin.

 

Selon une recommandation de 2019 de la Haute autorité de santé (HAS), le maintien dans l’emploi contribue à l’espérance de vie. Cependant, accompagner ces salariés représente un défi majeur. L’évolution de la maladie, le rythme des traitements et leurs effets secondaires sont imprévisibles, tout comme la capacité productive des salariés. « L’après (ou l’avec) un cancer ne peut pas être comme l’avant », ajoute Rachel Beaujolin, soulignant les nombreuses zones d’ombre qui subsistent dans ces parcours. Cette incertitude s’étend également à l’environnement professionnel : les attitudes des collègues et des managers, les possibilités d’aménagement des postes et de réorganisation des missions, ou encore la capacité des équipes RH à anticiper et gérer ces situations complexes.

 

Un enjeu de responsabilité sociale pour les entreprises

 

Concilier travail et cancer devient un enjeu majeur de responsabilité sociale pour les organisations.
Une « charte cancer et emploi », proposée par l’Institut national du cancer, a déjà été signée par

90 entreprises représentant 1,9 million de salariés. Pourtant, une question essentielle demeure :
« Quelles modalités mettre en place, avec quels acteurs et quelles méthodes, pour que cet accompagnement favorise l’émergence d’un travail constructeur de santé ? », interroge Rachel Beaujolin.

 

S’appuyant à la fois sur son expérience personnelle et sur des observations et études, Rachel Beaujolin propose une approche alliant réflexions académiques et situations concrètes. Touchée elle-même par la maladie, elle a arrêté son activité pendant plus d’un an avant une reprise progressive, nourrissant ainsi sa réflexion d’une approche auto-ethnographique.

 

Une démarche pour innover et transformer

 

À partir de cette réflexion et de son vécu, Rachel Beaujolin défend une démarche innovante et profondément humaine pour transformer les pratiques des entreprises. Plutôt que de recourir à des solutions prêtes à l’emploi – questionnaires fermés, répertoires de réponses toutes faites ou dispositifs figés –, elle insiste sur l’importance d’une co-construction continue. Cette approche invite à bâtir des solutions adaptées, en répondant de manière pertinente à des situations complexes et souvent inattendues.

 

Cette démarche repose sur trois principes essentiels :

 

• Créer des conditions organisationnelles favorables

« À commencer par des acteurs (managers, collègues, RH…) capables d’instaurer un rapport concret au réel, au-delà des postes et des tâches », explique-t-elle. Cela inclut les rôles dans l’organisation, les missions envisageables et la nature des différentes contributions. Le manager, souvent désigné pour jouer ce rôle, ne peut pas être seul en tête à tête avec le salarié. Il doit être épaulé par d’autres acteurs et les services de santé au travail. « Ce n’est pas forcément le manager direct qui est le mieux armé, notamment dans des situations où la souffrance et la mort sont présentes en toile de fond », poursuit Rachel Beaujolin.

 

• Encourager les conversations informelles

Ces échanges permettent de faire émerger des pistes et des solutions provisoires. L’autrice évoque ces dialogues « sans obligation et sans visée opérationnelle », qui permettent d’actualiser et de partager les perceptions du contexte évolutif.

 

• Imaginer, expérimenter et transformer

« Il s’agit de remodeler des situations de travail et, pourquoi pas, d’aboutir à des innovations pour l’ensemble de l’organisation », affirme-t-elle. Cela implique de coordonner des experts (santé, juridique, RH, administratif…) et de favoriser la coopération avec les salariés concernés.

 

En adoptant une approche collaborative et évolutive, les entreprises peuvent non seulement mieux accompagner les salariés touchés par un cancer, mais également transformer leurs pratiques organisationnelles pour favoriser un environnement de travail inclusif et résilient.

 

*Rachel Beaujolin - Accompagner la conciliation travail-cancer - Un enjeu épistémologique et méthodologique pour les sciences de gestion, Revue Française de Gestion, 2024.


Articles en relation

loading