Alors que
l’intégration des défis environnementaux et sociaux continue, le volume
d’émissions d’obligations durables devrait atteindre environ 900 milliards
d’euros-eq. en 2025, soit une hausse de près de 10% par rapport à 2024, selon
l’équipe de Recherche ESG Fixed Income de Crédit Agricole CIB.
Dans le contexte
macroéconomique et géopolitique actuel, la dynamique des investissements ESG
pourrait ne pas être aussi soutenue que nécessaire afin d’assurer la transition
vers une économie bas carbone et respecter le scénario de 1,5°C. Néanmoins, à
plus long terme, les investissements ESG et la finance durable vont continuer
de transformer en profondeur les activités de marchés.
L’environnement
macroéconomique tendu en 2024 va continuer de peser en 2025
Pionnière de la
promotion de la transition verte ces dernières années, l’Europe fait face
aujourd’hui à un dilemme : poursuivre la décarbonation dans le droit fil
de ses ambitions à moyen terme tout en relançant sa compétitivité industrielle.
Une ligne de crête
d’autant plus périlleuse que plusieurs pays de l’UE traversent une crise
politique et ce, dans un contexte de montée du protectionnisme partout dans le
monde, qui pourrait freiner la transition dans la région. Les exigences
réglementaires croissantes, pour les banques (européennes), liées à Bâle III et
au Pilier 3 viennent renforcer la prise en compte des risques climatiques et
ESG dans les dispositifs de gouvernance et de définition de leur appétit au
risque.
Aux États-Unis, la
récente victoire de Donald Trump aux élections présidentielles pourrait
ralentir la transition du pays et avoir ainsi des répercussions sur l’Europe et
d’autres régions du monde. En outre, la poursuite des tensions commerciales
entre les États-Unis et la Chine et le risque d’une surenchère de taxes sur les
technologies et produits chinois pourraient perturber les chaînes
d’approvisionnement et accroître la pression sur les industries domestiques
pour rester compétitives à l’international.
Face au fléchissement
de la dynamique ESG, le marché mondial des obligations durables s’inscrit en
croissance modeste en 2024
En dépit
d’investissements ESG en perte de vitesse en 2024, le marché des obligations
durables a poursuivi sa lente progression, atteignant près de 820 milliards
d’euros-eq. d’obligations durables émises à mi-novembre 2024, contre 790
milliards d’euros-eq. en 2023. Les obligations vertes se taillent toujours la
part du lion, avec 82,61% en 2024. Cette dynamique a été principalement portée
par les émetteurs supranationaux et les institutions non-financières, avec
respectivement 50 et 20% de plus par rapport à 2023.
Principaux facteurs de
la lente progression du marché des obligations durables en 2025
Les émissions
d’obligations durables devraient être légèrement plus élevées en 2025, tirées
par les émetteurs supranationaux et non-financiers.
Selon notre analyse, le
marché devrait poursuivre sa croissance, lentement mais sûrement, en 2025 pour
atteindre environ 900 milliards d’euros-eq. Les obligations vertes devraient
rester le produit phare (environ 63% des émissions totales) et les SLB (Sustainability-Linked
Bonds – « Obligations liées au développement durable ») toujours en retrait
avec seulement 3% du volume attendu des obligations labellisées ESG. Le
refinancement des SLB arrivant à échéance sera un véritable test pour le
segment, sachant que le préfinancement de ceux arrivant à échéance en 2026 et
en 2027 débutera en 2025.
En 2025, les
obligations vertes resteront le produit dominant, même si une certaine
diversification est à prévoir en termes de régions et de produits. L’entrée en
vigueur du règlement relatif aux obligations vertes européennes (« EU GBS »)
sera l’une des principales évolutions à suivre en 2025, même si l’adoption
risque d’être lente, estime l’équipe de Recherche ESG Fixed Income de Crédit
Agricole CIB. Le premier impact sur les volumes sera plus net entre 2026 et
2030.
À l’instar de 2024, les
acteurs non-financiers devraient être les principaux émetteurs d’obligations
durables en 2025, avec une légère hausse d’une année sur l’autre en valeur
absolue. Pour encourager une offre plus robuste, les entreprises auront globalement
besoin de cadres réglementaires et de mécanismes de financement clairs pour
soutenir la montée en puissance des technologies bas carbone.
Les publications
d’informations ESG devraient continuer de s’améliorer en Europe en 2025, aussi
bien du côté des émetteurs que de celui des investisseurs, ce qui devrait
permettre une meilleure comparabilité des données ESG et d’avantage de
transparence quant à l’impact à long terme des risques ESG sur les activités de
marchés.
Damien de Saint Germain, Responsable Recherche Crédit et Stratégie chez Crédit Agricole CIB indique : « Dans un contexte d’incertitude géopolitique et malgré les inquiétudes grandissantes liées aux déficits publics dans de nombreuses régions, la transition énergétique devrait rester une priorité pour de nombreux investisseurs et entreprises, ce qui soutiendra la croissance du marché des obligations durables. Néanmoins, les secteurs et les régions sont de plus en plus confrontés au défi de concilier compétitivité et objectifs durables. La réglementation, notamment en Europe, continuera de jouer un rôle clé d’autant que la taxe carbone aux frontières (« CBAM ») entrera en vigueur en 2026. À leur tour, les secteurs plus difficiles à décarboner devraient accélérer leurs investissements verts. Sur le marché du crédit, alors que le greenium a continué à se réduire, les investisseurs se concentrant sur le rendement, davantage d'informations (CSRD) devraient ouvrir la voie à une plus grande différenciation entre les leaders et les retardataires. À cet égard, 2025 devrait marquer un tournant majeur dans l’évaluation de la crédibilité des trajectoires vertes intégrées dans les objectifs durables à horizon 2030. »