Rémi Legrand, associé fondateur de Monge, Conseil et expert des services financiers depuis
35 ans, accompagne les acteurs du marché
du crédit à la consommation.
Il est l’auteur de
l'ouvrage "Le crédit à la consommation. Quels changements avec la nouvelle
directive européenne ?", paru chez Arnaud Franel Editions en octobre 2024.
Dans le contexte de la transposition 2025 en France de la directive européenne portant sur le crédit à la consommation, Rémi Legrand analyse ci-dessous, via 3 questions/réponses, les enjeux et perspectives de ce produit financier.
Vous avez récemment
animé une tribune qui rassemblait les principaux acteurs du crédit à la
consommation. Comment voient-ils la situation en France ?
Rémi Legrand : Les chiffres de la
production de crédit à la consommation montrent une stabilité sur les neuf
premiers mois de l’année (+0,2%). Les cas de figure sont cependant très différents
selon les produits : les crédits classiques (affectés ou non) diminuent, tandis
que les financements locatifs augmentent. Cela marque une évolution du
comportement des consommateurs.
Pour autant, les
prévisions de la consommation en 2025 ne vont pas dans le bon sens : les Français
continuent d’épargner, de plus en plus. Si la baisse des taux et la baisse de
l’inflation devraient encourager les projets d’investissement des ménages,
l’instabilité des mesures d’accompagnement sur l’achat de véhicules électrique
ou sur la rénovation énergétique freine les décisions des consommateurs.
Pourtant, les paiements
en trois ou quatre fois connaissent un vrai succès, pas
seulement en France.
Ces produits sont-ils l’avenir du crédit à la consommation ?
Rémi Legrand : Oui, c’est vrai, les
paiements fractionnés, différés et les petits crédits sont très sollicités par
les consommateurs et aussi par les commerçants : ce sont des moyens simples et
rapides d’étaler la charge d’un achat. Il n’existe pas de statistiques
officielles mais on parle d’environ 7 milliards d’euros de financements
annuels.
La nouvelle
réglementation européenne, publiée fin 2023 et applicable en 2025, au plus tard
en octobre 2026, inscrit ces produits dans le champ du crédit à la
consommation, ce qui veut dire qu’il faudra désormais exercer davantage de
contrôles avant d’accorder ces crédits.
Certes, c’est une
mesure positive pour limiter le risque de surendettement, mais l’alourdissement
des procédures d’accord du crédit risque de diminuer l’attrait de ce produit simple.
Les acteurs
traditionnels du crédit à la consommation sont confiants dans la capacité du législateur
à adapter le mieux possible les mesures dictées par la directive au contexte de
notre marché. Cependant, les choses risquent d’être plus compliquées pour les
fintechs qui se sont développées sur ce créneau et qui vont devoir adapter leur
modèle.
Vous avez évoqué la
directive européenne portant sur le crédit à la consommation qui doit être
transposée en 2025. Quels sont les enjeux de cette transposition ?
Rémi Legrand : De l’avis de tous les
acteurs du marché, le principal enjeu concerne la location avec option d’achat
(LOA). Ce mode de financement représente 90% des achats de véhicules neufs et
gagne du terrain sur les véhicules d’occasion. En effet, la LOA offre une alternative
en fin de contrat : garder le véhicule, en payant l’option, ou le rendre - ce
qui a une valeur. 70% des clients lèvent l’option et
30% n’achètent pas le
véhicule.
Bien que la LOA suive
en France une réglementation proche du crédit à la consommation, la nouvelle
directive va plus loin et impose d’appliquer toutes les règles du crédit à la consommation.
Cela inclut notamment l’affichage d’un taux d’intérêt (TAEG) dans les contrats.
Il y a aujourd’hui
débat pour définir la nature de ce taux d’intérêt qui doit prendre en compte le
fait que le véhicule reste la propriété du prêteur pendant le contrat. Il ne
faudrait pas que les nouvelles règles viennent casser la dynamique de ce mode
de financement qui facilite l’accès à des véhicules de plus en plus chers,
notamment les véhicules électriques.
Innovation oblige, les
acteurs du marché soulignent par ailleurs la nécessaire adaptation du droit
français à la digitalisation croissante qui vise à répondre aux attentes et
habitudes des consommateurs. La question de l’open banking est soulevée.
On le voit ici, le
crédit à la consommation est à la croisée de plusieurs problématiques actuelles
: le soutien à la consommation et l’accompagnement de la transition écologique.