Le
point avec Eric Houdet, Fondateur de Homapi, entreprise spécialisée dans
la transition numérique et énergétique du secteur immobilier;
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est un pilier central de la transition énergétique, mais il est trop souvent décrié et souffre de nombreuses ambiguïtés et lacunes. Pas un jour ne passe sans nouvelles révélations ou critiques visant le DPE, renforçant la nécessité de le compléter et de le rendre plus fiable. Après la mise en cause de la compétence des diagnostiqueurs (7 DPE sur 10 erronés), des milliers voire des millions de logements classés passoires thermiques à tort, c’est maintenant une « fraude » massive estimée à près de 20 Mrds€ qui est dénoncée.
Ces chiffres soulignent l'urgence
d’améliorer le système pour restaurer la confiance et garantir des évaluations
plus précises. Les diagnostiqueurs, souvent privés d'informations complètes et
précises, sont parfois contraints de remplir des données par défaut, ce qui
nuit à la précision des diagnostics.
Pourquoi le DPE est-il
décrié ?
Le DPE est critiqué
pour plusieurs raisons majeures liées aux données qu’il utilise. Tout d’abord,
la qualité des données collectées est souvent insuffisante ou imprécise, les
diagnostiqueurs devant renseigner de nombreuses informations parfois indisponibles
ou approximatives. Cela conduit à des résultats incohérents et à une fiabilité
variable des diagnostics. Par ailleurs, les méthodes de calcul standardisées ne
reflètent pas toujours la réalité des usages, comme les comportements des
occupants ou les particularités des bâtiments. Enfin, les DPE de complaisance,
où des informations sont délibérément faussées, accentuent la défiance envers
cet outil pourtant crucial pour la transition énergétique.
Plusieurs leviers pour
maximiser l'impact du DPE :
- Rendre accessibles
toutes les données des DPE et préremplir les diagnostics
L’ouverture des données
des DPE en Open Data sont un premier pas mais il faut aller plus loin. Associée
à l'intégration des informations issues du Carnet d'Information du Logement
(CIL), permettrait de préremplir automatiquement une grande partie des données
nécessaires au diagnostic. En utilisant ces bases de données fiables et mises à
jour, les diagnostiqueurs gagneraient un temps précieux, jusqu’à la moitié de
leur temps de traitement, selon nos estimations. Ce gain de temps leur
permettrait de se concentrer sur la vérification et le contrôle des
informations d'entrée plutôt que sur la collecte manuelle de données. Cela
améliorerait la qualité des diagnostics tout en réduisant les risques d'erreurs
humaines et en augmentant l'efficacité du processus.
- Stimuler l’innovation par la donnée
L'ouverture des données
du DPE et l’intégration des informations du CIL peuvent servir de catalyseur
pour l’innovation. En enrichissant ces données avec des solutions
technologiques, les acteurs privés pourraient développer des outils adaptés,
tels que des plateformes de contrôle en temps réel, des simulateurs
énergétiques, ou des algorithmes pour la formation continue des
diagnostiqueurs. Cela permettrait de renforcer l'écosystème en impliquant
davantage les acteurs privés et en garantissant un meilleur contrôle de la
qualité des diagnostics.
- Exploiter l’intelligence artificielle pour
le traitement de ces données
L’intelligence
artificielle (IA) offre des perspectives prometteuses pour améliorer la
précision et la rapidité des diagnostics. En utilisant des algorithmes de
traitement des données issus de fichiers, d’API ou du web, il serait possible
d’automatiser une grande partie des tâches répétitives et d’identifier des
incohérences dans les données en temps réel. Ces solutions permettraient
également de fournir des analyses prédictives, en simulant par exemple les
impacts de différentes rénovations énergétiques sur les performances du
logement. Intégrer l’IA dans le processus renforcerait non seulement la
fiabilité des DPE, mais offrirait aussi des outils personnalisés pour
accompagner les particuliers et les professionnels dans leurs décisions.
- Valoriser les diagnostiqueurs sérieux
Le secteur des
diagnostics énergétiques est souvent marqué par une spirale de prix bas,
parfois au détriment de la qualité. Pour redonner de la crédibilité au DPE, il
est essentiel de valoriser les professionnels compétents. Cela pourrait se
faire par l’introduction de critères de qualité comme la précision des
diagnostics, la formation continue ou encore les retours clients. Ces actions
renforceront la fiabilité des évaluations et permettront aux diagnostiqueurs de
disposer d’un cadre plus rigoureux et valorisant.
- Engager les particuliers comme acteurs de la
transition
De plus, il serait
pertinent d’inciter beaucoup plus les particuliers à préremplir certaines des
informations nécessaires au DPE, en se basant sur les données déjà disponibles
dans le CIL. Cela pourrait être facilité par une interface simple, avec l'envoi
préalables de documents et photos, leur permettant de contribuer activement et
de rendre les diagnostics encore plus précis et complets. En responsabilisant
les particuliers, on pourrait non seulement améliorer la qualité des
diagnostics, mais également renforcer leur implication dans la transition
énergétique.
Le DPE : Un levier
renforcé pour la transition énergétique
En intégrant des outils
comme le CIL, qui permet de fournir des données historiques et techniques
fiables, nous renforçons l’efficacité du DPE. Cela permet d'améliorer la prise
de décision dans les projets de rénovation énergétique et offre aux propriétaires,
locataires et acheteurs des informations plus transparentes et fiables. Un DPE
bien alimenté par des données précises contribue à restaurer la confiance et à
faciliter la transition énergétique.
Pourquoi agir
maintenant ?
Le statu quo freine la rénovation énergétique et nourrit les doutes des citoyens. En ouvrant les données, en valorisant les diagnostiqueurs compétents et en intégrant des outils comme le CIL, nous pouvons transformer le DPE en un levier stratégique pour atteindre nos objectifs climatiques.